J’arrive même plus à les compter. Je ne me souviens plus de leur prénom quand je les rencontre. Je ne pose pas de question de peur de les confondre. De me tromper de mec, de profils, à force. J’ai déjeuné avec un aujourd’hui. L’avantage du déjeuner c’est que ca ne finit pas dans un lit le jour de la première rencontre. Ça change.
C’est un de ce genre-là qu’il me faudrait. Pas moche. Pas con. Bonne taille. Il avait même les yeux bleus, ce qui est mon petit faible. Ce n’est pas un critère, c’est juste un plus. Enfin, je crois. Je me souviens plus trop, trop de yeux, trop de visages.
Il fait de la moto. Il joue de la guitare. Ça doit être un gentil. Un de ceux qui prennent soin de leur copine. Il est resté 13 ans avec la précédente ; c’est dire. Enfin je crois, mais peut-être je confonds. Peut-être même qu’il plairait à ma mère. Elle dirait sûrement qu’il est un peu calme, ou un peu petit ou un peu maigre ou un peu si ou truc ou machin. Mais finalement, elle dirait que “s’il est gentil et prend soin de toi alors ça va”.
On se reverra pas, je pense. À quoi bon ? Deux heures de déjeuner, pas un éclat de rire. Peut-on revoir un mec qui ne nous fait pas rire au premier rendez-vous ?
Je les rencontre pour me sentir vivante. Pour me sentir jolie. Mais je suis même plus sûre que ça marche. Parce que je ne pense qu’à lui. Ses yeux. Son visage. Ses paroles.
Cette putain de journée.
C’était un lundi.
On ne s’était vus qu’une fois. Une soirée folle. On avait blagué sur la pression du deuxième rendez-vous.
Il a proposé un déjeuner au dernier moment. Prise au dépourvu, ni habillée ni maquillée pour ça.
Je me suis laissée tenter. C’est intime de partager un repas au final. En particulier un jour de semaine, au milieu de notre ville, de nos confrères respectifs. Je me souviens à peine de ce que j’ai mangé. Je me souviens qu’il me fixait de ses putains d’yeux. Tellement que j’en étais mal à l’aise.
Cette impudeur publique qui ne nous ressemblait pas.
Au cours du déjeuner, il a annulé son dîner pour se rendre disponible pour moi. Parce qu’il était évident que quand on se voit, on n’arrive plus à se quitter. C’est peut-être anodin mais c’est quelque chose qu’on n’avait jamais fait pour moi. Annuler quelque chose pour moi. Parce que j’étais plus importante que tout le reste. Oui, c’est peut-être rien mais pour moi c’était beaucoup.
On s’est retrouvés le soir. De longues heures. Sur cette place où je vais souvent. Je me souviens de chaque minute de cette soirée. On a ri. On a bu. On a pris la pluie. C’était un lundi soir. On était ivres. Il m’a susurré dans l’oreille que j’étais parfaite pour lui.
Je me suis sentie comme Keira Knightley dans Love Actually quand le meilleur pote de son mari lui prépare les pancartes avec celle sur laquelle il est écrit “To me, you are perfect” ? Tu vois hein ? Tu vois.
J’ai sûrement été bête d’y croire. Il me dira plus tard qu’il se souvient parfaitement de ce soir-là. Il me dira que c’est le soir où il s’est dit que je lui plaisais vraiment. Et puis toute ivre que j’étais, je suis rentrée chez moi, sur mon vélo. Je me souviens de chacun de ses mots, que je portais ma robe préférée, celle avec les petits oiseaux.
Je me souviens de chacun de ses regards sur moi et pourtant, je me souviens pas du trajet pour rentrer. Je suis arrivée chez moi pourtant. Et en arrivant, il m’a dit qu’il avait envie de me retrouver déjà. Parce que quand on se voit, on a du mal à se séparer. La chimie peut-être. L’alchimie surement.
Alors toujours aussi ivre, toujours dans ma robe préférée, toujours sur mon vélo sous la pluie un peu, je suis repartie le retrouver. Pour un peau à peau, les yeux dans les yeux. L’alchimie sans aucun doute. Il n’a pas dormi, il m’a regardé dormir me couvant de ses yeux. Ça non plus, on l’avait jamais fait pour moi. C’est peut-être à cause de tout ça, du coup, que j’ai pas compris.
La violence du revirement quelques semaines après. Quand il m’a répété : “Tu es parfaite pour moi, mais je la reprends elle”.
Je ne peux pas comprendre ça. Il dit que ça n’a rien à voir avec moi. Je dis que je ne peux pas comprendre ce genre de choses. Il dit “Je sais pas, je sais plus”. Il dit “Quand je te revois, je ne sais plus … mais je la choisis elle”.
Il dit tout et son contraire. Il raconte mon malheur et mon coeur brisé. Et quand je déjeune avec d’autres, quand je baise avec d’autres, sans faim, sans envie, sans passion, avec à peine soif, c’est lui que j’essaie de retrouver, je crois.
Et ça ne marche pas. Il ne m’a pas choisie. Malgré ce lundi-là. Malgré ce lundi où il a su que je lui plaisais vraiment. Et pourtant, on dit que rien n’arrive par hasard, les rencontres y compris. Alors merde Dieu, Dame Nature, les anges, qui que vous soyez là-haut, mais qu’est ce que vous foutez ?
(cc) Daniela Brown
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