Si vous m’aviez demandé, quand j’avais 20 ans, qui je pensais être à l’âge du Christ, je vous aurais probablement répondu ça : “une working girl parcourant le monde entier et défendant les plus démunis, en couple, trois enfants. Des beaux, merci”.
Il me reste un mois pour réaliser exactement tout ce que je ne suis finalement pas devenue.
Le constat est lourd de sens : à 20 ans, on est sacrément con naïf. Moi, en tout cas, j’en tenais une sacrée couche, je crois. Aujourd’hui, à presque 33 ans, j’ai besoin de comprendre.
Prenons les choses dans l’ordre. Analysons. Disséquons. Épluchons.
Une working girl parcourant le monde entier et défendant les plus démunis
Attente. T’as 20 ans, tu es persuadée que tu peux révolutionner le monde à toi seule. Tu ne comprends pas pourquoi personne ne s’entend sur un seul et même modèle économique. Pourquoi les Somaliens crèvent la dalle. Pourquoi tout le monde s’en branle des Congolais. Pourquoi cette femme tabasse son chien. Pourquoi le mec dans ta rue fait la manche. Pourquoi Jean-Marie Le Pen existe. Tu veux tout changer. Tu es persuadée que c’est possible. Parce qu’à 20 ans, tu crois que « quand on veut, on peut ».
Constat. T’as bientôt 33 ans, tu es journaliste et tu ne révolutionnes absolument rien. T’as lu Platon, Aristote, Ionesco, Sénèque, Héraclite, Bukowski, Beckett et Schopenhauer. Tu ne comprends toujours pas pourquoi Jean-Marie Le Pen respire encore mais tu as compris le conflit au Congo et les causes de la famine en Somalie. Tu sais désormais que « quand on veut, on peut » pas toujours.
Solution. La sagesse. Platon, donc. Ou un Lexomil.
En couple
Attente. T’as 20 ans, t’as un mec, il te plaît, tu l’aimes. Tu ne sais même pas ce qu’aimer signifie réellement mais tu t’en fous, tu l’aimes. Parce qu’à 20 ans c’est simple. Tu crois en la monogamie. En la fidélité. A tous ces trucs (soi-disant) moraux. Tu ne comprends pas pourquoi ton frère trompe sa femme depuis un an. Pourquoi il attend que sa femme le découvre pour la quitter. Pourquoi cette femme trompée décide de fermer les yeux. Pourquoi cette autre femme décide de garder l’enfant qu’un mec d’un soir lui a fait. Tu ne comprends pas toute cette connerie.
Constat. T’as bientôt 33 ans, t’as eu des mecs. Mariés, célibataires, sans enfant, avec enfants. T’as été trompée, t’as trompé. T’as vu tous les côtés. T’as aimé comme jamais. T’as ramassé comme jamais. T’as compris. T’as compris que la règle, c’est qu’il n’y en a pas, de règle. T’as compris qu’à 20 ans, t’avais rien compris.
Solution. En attendant de rencontrer le mec qui cumulera toutes les qualités requises – le charme de Brad Pitt, l’humour de Pierre Desproges, la subtilité de Bill Watterson et l’humanisme de Nelson Mandela – tu prends des Fleurs de Bach en intraveineuse.
Trois enfants
Attente. T’as 20 ans, tu te vois maman à 28 ans. 28 ans c’est bien, tu auras fini tes études, trouvé un job super intéressant et ton mec aura une belle situation. Tes enfants seront sages, ils feront de la danse, du basket, du piano et du dessin. Ils aimeront les brocolis et feront la grasse matinée le dimanche.
Constat. T’as bientôt 33 ans et ta gynéco, ton banquier, ta mère et tes élèves te demandent « ce que tu attends ». Tu as pensé à aller te faire inséminer en Belgique, procréer avec ton meilleur pote et voler le dernier-né de la voisine.
Solution. Se faire ligaturer les trompes, histoire de ne pas faire naître un être dans un monde si malveillant.
(cc) cristina
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