Transports en commun est un recueil de nouvelles érotiques écrit à quatre mains par la vénérable Denise Miège (85 ans au compteur, tout de même !) et par la mutine Leeloo Van Loo, qui officie comme attachée de presse de charme pour Tabou Editions. Par le passé, la première citée s’était illustrée via de nombreux poèmes et nouvelles coquins (dont Sexe rouge, sous le pseudo de Nadiejda Snegova), tandis que la seconde était à l’œuvre derrière une importante production rose (plus de 100 textes, pour la plupart inédits !), qu’elle nous livre ici sous la forme de quelques écrits.
Cueilli par la frontalité des situations décrites, le lecteur de Transports en commun est confronté à la crudité du langage choisi pour illustrer les rapports sexuels rythmant ces nouvelles. Loin d’être hypocrite vis-à-vis de l’acte, la voix qui se fait entendre est forte et libérée, comme détachée de tout superflu. La dureté des mots usités pourra étonner, dès lors qu’on se remémore qu’ils sont issus de l’imagination fertile de deux femmes.
Il en ressort un discours presque frondeur et tête brûlée, dont l’impudeur nous venge des guimauves érotiques faussement transgressives à la 50 Shades of Grey. Nul romantisme à l’eau de rose ici, mais l’expression de désirs incandescents, saisis à vif par des auteurs de générations très différentes (bien qu’à la lecture, on n’en décèle pas l’écart, plus de 40 ans séparent Leeloo Van Loo de Denise Miège…).
Les fantasmes qui font le sel de l’ouvrage sont variés et savoureusement pervers : d’un sexothérapeute despotique aux méthodes singulières (La gifle) aux exactions d’un étudiant en anthropologie japonais (l’intense La mécanique du désir, qu’on imagine inspiré des méfaits du cannibale Issei Sagawa) ou au marivaudage bourgeois à tendance incestueuse (Le mauvais exemple), sans omettre une discussion sur le plaisir prostatique (Les valseuses) – que n’aurait pas reniée l’ami Pierre Cavalier -, un événement traumatique au twist inattendu (Le viol) et les envies insatiables d’une femme enceinte (Jeux interdits).
Vous l’aurez compris, ces récits sont alternativement excitants ou troublants (voire dérangeants), mais démontrent une même exigence littéraire et une absence farouche de tabous (Eros et Thanatos copulent avec joie) nécessitant une certaine ouverture d’esprit. C’est que, comme me le souffla un jour un ami et ex-collègue de travail : la perversion nécessite de la culture et de la curiosité intellectuelle, pour oser s’aventurer sur de tels terrains accidentés. Serez-vous de taille ?