Dans ses Variations sur l’érotisme, une petite plaquette aux apparences inoffensives, Guy Scarpetta traite du sujet qui m’est le plus cher : l’érotisme.
Pas l’olympisme de la baise ou du nombre de coups de fouet, ni les parties de jambes en l’air sans connexion, l’érotisme. Celui du bouleversement généré par la rencontre avec l’autre.
Le paradoxe est celui-ci : l’érotisme, aujourd’hui, semble avoir tout envahi (la publicité, les journaux, la mode, la télévision, les spectacles, les livres, les films, les photos, les chansons); et pourtant, il est peut-être en train de s’exténuer – ou, du moins, d’être vidé de son sens.
D’un côté, nous assistons au triomphe, en toute impudeur, des confessions sexuelles les plus débridées; la permissivité est devenue norme, et la jouissance est un impératif; la libération sexuelle des années soixante-dix, quelle que soit la réaction d’ordre moral qui s’acharne sur elle, a produit des effets irréversibles; les clubs d’échangisme connaissent un succès considérable; les films et les romans hard (la plupart du temps, au demeurant, artistiquement nuls, mais peu importe) ne cessent de s’accumuler; la pornographie, depuis longtemps, est sortie de la clandestinité, et dispose désormais de modes techniques de diffusion lui assurant une audience sans précédent.
Mais d’un autre côté, quiconque est un peu concerné par l’érotisme, et a pu en éprouver dans sa vie la force de bouleversement, ressent bien, plus ou moins obscurément, que l’essentiel n’est pas là.
Que si nous nous attachons à saisir comment tout cela est vécu de l’intérieur, nous ne pouvons que percevoir, le plus souvent, une étrange pauvreté. Comme si une menace d’insignifiance, et peut-être même d’anéantissement, commençait à peser sur une expérience qui, jusqu’alors, supposait l’interdit.
Pour le dire autrement : là où il n’y a plus d’interdit, il n’y a plus de transgression. L’érotisme, ainsi, pourrait bien risquer d’être tué par excès, et non par défaut – comme en une sorte de prolifération cancéreuse : non pas vaincu par ce qui s’oppose à lui, mais lentement détruit de l’intérieur parce que plus rien ne s’opposerait à lui.
Pourquoi je parle d’érotisme?
Primo, parce que dans mon livre à mouah, l’échange de pouvoir et l’érotisme sont indissociables. Deuzio, les deux ont le même don de bouleverser l’être.
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