Suite à plusieurs agressions de rue, des stages d’autodéfense pour les personnes LGBTI voient le jour à Lyon. Et ne se résument pas à la pratique du kung-fu…
Était-ce la goutte de trop ? Dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, trois personnes (dont deux femmes trans) ont été agressées alors qu’elles se rendaient à une soirée organisée au Centre LGBTI de Lyon par les collectifs The Big Tape et 2MSG. Face à cette situation trop courante, plusieurs associations ont jugé qu’une réaction communautaire et collective était indispensable. Outre une marche de nuit contre les agressions, qui a réuni 400 personnes selon la police samedi 10 mars, elles ont ainsi décidé de mettre en place des stages d’autodéfense en mixité choisie, en l’occurrence réservés aux personnes LGBTI. Quatre d’entre eux, d’une durée d’une demi-journée chacun, ont eu lieu, les dimanches 4 février et 4 mars, à l’Atelier des Canulars, à l’initiative des Méduses, un «collectif queer, féministe et vénère» créé à Lyon en janvier.
À l’origine : l’autodéfense féministe
Se définissant lui-même comme une personne trans*, So est l’un des co-animateurs de ces stages, ainsi que de l’émission «transpédégouine» bimensuelle de Radio Canut, On n’est pas des cadeaux (un vendredi sur deux de 17h à 18h). Baignant dans la culture féministe de l’autodéfense depuis plusieurs années, c’est en s’appuyant sur cette expérience qu’il propose des stages d’autodéfense pour les personnes trans et intersexes et donc, désormais, pour toutes les personnes LGBTI. «L’autodéfense féministe a d’abord été pensée par des militantes radicales, lesbiennes ou non, qui se réclamaient d’un féminisme matérialiste et voulaient se doter d’armes face au patriarcat», explique-t-il. «C’est pourquoi elle se pratique la plupart du temps en mixité choisie, sans mec cisgenre. Ce n’est que récemment que des stages ouverts à toutes les personnes LGBTI (et donc incluant des hommes cisgenres gays ou bisexuels) ont vu le jour».
C’est le plus souvent de façon ponctuelle (après une agression homophobe ou transphobe, par exemple) et pour répondre à une demande de personnes concernées que So a commencé, il y a une dizaine d’années, à animer des stages d’autodéfense. Il a ainsi prodigué ses conseils au «Festival de la Déprav’» organisé dans le squat lyonnais Le Coco Charnel en 2008 ou lors des Universités d’Été Euro-méditerranéennes des Homosexualités (UEEH) de 2011 et 2017. Il faisait également partie d’un groupe d’autodéfense féministe informel qui, entre 2007 et 2009, se réunissait toutes les semaines de façon autogérée et en mixité «meufs, gouines, trans» dans les locaux de Cabiria, association de santé communautaire avec les personnes prostituées à Lyon.
Pas seulement répondre aux attaques de rue
Mais l’autodéfense, ça sert à quoi, au juste ? «Il ne s’agit pas seulement de répondre aux attaques de rue», explique So, «mais d’apprendre comment réagir face à des agressions aussi bien physiques que verbales ou psychologiques». Car non, toutes les agressions LGBTphobes ne sont pas forcément commises la nuit, par un individu masqué, dans une ruelle sombre… «En réalité, on peut aussi être agressé·e par des proches, par exemple lorsqu’on leur révèle son homosexualité ou sa transidentité. Le but de ces stages, c’est de développer la confiance en soi des participant·es en les faisant prendre conscience de leur force, dans une logique d’empowerment. Beaucoup de femmes et de personnes LGBTI ont intégré l’idée qu’elles ne savaient ni se battre ni se défendre. Ou que c’était elles le problème. On essaye de renverser cette perspective».
Bref, il s’agit de rappeler que ce ne sont pas les personnes LGBTI qui sont malades, mais la société sexiste, homophobe, transphobe, raciste… Ce qui est parfois plus facile à dire qu’à intérioriser, y compris pour les premier·es concerné·es.
Pas de recette clef en main
Mais comment atteindre ce but ? «Durant le stage, chaque personne raconte une agression qu’elle a subie et la façon dont elle s’en est sortie, aussi bien physiquement que psychologiquement. Le simple fait de dire que nous sommes toujours là malgré ce que nous avons vécu aide à prendre conscience de nos capacités. Ensuite, nous essayons de passer en revue les différents types d’agressions à travers des mises en situation, pour apprendre à répondre et à se sentir plus fort·es face au corps médical, à la famille…»
«On ne cherche pas à dire «il faut faire ceci, cela…» ni à donner des recettes clef en main, mais plutôt des techniques pour améliorer la répartie des participant·es, sans surestimer leur pouvoir. Cela passe par exemple par des exercices de respiration. On apprend également à se défendre physiquement, à identifier quelles sont les parties du corps qu’on peut mobiliser lors d’une agression, à donner des coups de pied, des coups de poing, à se dégager…».
Pour autant, «notre but n’est pas de renforcer les bases sécuritaires de ce monde, mais de transmettre des outils à celles et ceux qui n’en ont pas», prévient So, qui espère que les deux stages organisés en février et mars sèmeront les graines de rendez-vous réguliers à Lyon pour les personnes LGBTI.
Stages d’autodéfense féministe (en mixité choisie, sans mec cis)
– À Lyon : stages à Villeurbanne les week-ends des 14 et 15 avril et des 5 et 6 mai avec l’association Impact (asso.impact@protonmail.com)
– À Saint-Étienne : le jeudi de 17h30 à 19h à la Gueule noire, 16 rue du Mont-Saint-Étienne (autodefensefeministe@mailoo.org)
– À Grenoble : le premier mercredi de chaque mois à 18h30 à la MJC Lucie Aubrac, 56 rue du Général Ferrié-Grenoble / 04.76.87.77.59 / www.mjclucieaubrac.org
Pour accueillir des stages d’autodéfense non-mixtes à destination des personnes trans et intersexes : autodefense-trans@riseup.net
Pour plus de renseignements sur les stages d’autodéfense non-mixtes à destination des personnes LGBTI, contactez Les Méduses : meduses@rise-up.net / www.facebook.com/meduseslyon
À lire :
Se défendre : une philosophie de la violence d’Elsa Dorlin (La Découverte)
Photo : Steven Ho en 1989 © Jane Davees
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