Voilà plusieurs semaines que l’on nous bassine avec “le monde d’après”. L’épidémie de Covid-19, qui a entraîné le confinement du pays et d’une large partie du monde pendant plus de deux mois, serait une sorte de chemin de Damas de la Macronie, révélant soudainement au grand jour – et aux yeux du Président de la République – les bienfaits d’un État protecteur, plus égalitaire, plus écologique.
La ritournelle de la prise de conscience et du changement de cap à venir, jouée en boucle à longueur d’interviews et de déclarations télévisées solennelles, nous promet un nouveau départ vers un horizon radieux. Néanmoins, à y regarder de plus près, qu’y a-t-il de changé ?
Nous vivons un mois des fiertés quasi atone, alors que la militante lesbienne égyptienne Sara Hegazy vient de mettre fin à ses jours, ne parvenant pas à se remettre des traumatismes subis lors de son incarcération. Atone alors que Viktor Orban vient d’interdire toute reconnaissance juridique aux personnes trans en Hongrie. Atone alors que le 12 juin a eu lieu à Saint-Étienne une violente agression transphobe.
À Lyon, Gérard Collomb est prêt à tous les renoncements en s’alliant avec la droite de Laurent Wauquiez pour le deuxième tour des élections municipales et métropolitaines pour “faire barrage aux Verts” qui constitueraient on ne sait quelle menace pour l’ordre républicain.
Le secteur culturel, lourdement touché par la crise sanitaire, n’a eu droit qu’à un show halluciné d’Emmanuel Macron et à des propositions laconiques d’un ministre de la Culture inexistant, sans que rien ne soit en mesure de lever l’incertitude sur l’avenir des théâtres, des salles de concert et des lieux de création où s’inventent les alternatives de demain.
Il aura fallu la mort de George Floyd, citoyen noir américain, le 25 mai dernier, plaqué au sol sous le joug d’un policier, pour que la lutte contre le racisme et les violences policières reviennent au cœur des débats, entraînant de multiples manifestations à travers le monde. Mais réveille également les mouvements identitaires et leur fiction de racisme anti-blancs et fasse descendre dans la rue des policiers français réclamant le droit d’effectuer une clef d’étranglement lors de leurs interventions.
Sur ces manifestations-là, Emmanuel Macron a tenté de botter en touche, en renouvelant toutefois sa confiance aux forces de l’ordre et en s’opposant au déboulonnage des statues de personnalités historiques liées au racisme et à l’histoire de l’esclavagisme. Ce qui semble cependant lui échapper, c’est qu’en l’occurrence, le pouvoir de desserrer ou non l’écrou ne lui appartient pas.
© photo de couverture : Sarah Fouassier
© illustration : Anaëlle Larchevêque
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