Ces derniers temps, il y a eu l’affaire Serge Aurier, ce joueur de PSG qui traitait son coach de «fiotte». Il y a eu cet entraîneur de foot italien qui taxait son homologue de «tapette». Il y a eu aussi ce boxeur philippin, Manny Pacquiao, déclarant que les couples homosexuels étaient «pires que des animaux». Voilà pour les cas connus, reste tous les incidents d’homophobie ordinaire dans le sport amateur, en club ou à l’école, et dont on ne parle jamais. Marc-Antoine Claivaz, membre du comité de H2O Geneva, a longtemps déserté les clubs sportifs pour cette raison: «J’en avais marre de me préoccuper de savoir si j’avais l’air gay ou pas, si on allait me repérer ou pas». À présent qu’il fréquente le club de Vernier, ce n’est plus un problème.
Socialisation différente
H2O a été fondé il y a dix-neuf ans, dans le but de «favoriser une forme de socialisation différente de celle des bars et des discos». Le club compte une quarantaine de nageurs (dont trois femmes) qui se réunissent deux fois par semaine, le mercredi et le vendredi soir, à la piscine du Lignon.
Si les clubs traditionnels font parfois fi de la tolérance et de l’inclusion, H2O, lui, les revendique: «Pas de ghetto! Le club est ouvert à tous!», raconte Juan Fernando Caicedo, directeur technique. Une ouverture aux hétéros (il y en a trois dans le club), mais aussi un respect des capacités de chacun. «Pour rejoindre le club, il suffit de savoir nager», s’amuse Marc-Antoine. Leur coach, un professionnel, cultive une approche individuelle qui respecte les objectifs de chacun.
«On fait comme si tous les écrivains, les artistes, les sportifs étaient hétéros.» Marc-Antoine
Pour certains, comme pour Juan Fernando, l’objectif, c’était de gagner une médaille aux Eurogames qui ont réuni 1500 athlètes européens, pour une quinzaine de disciplines, à Helsinki. «Les Eurogames, ça ressemble au JO, avec les délégations par pays, les compétitions, les cérémonies d’ouverture et de clôture», raconte le nageur. C’est un brin différent cependant: tout le monde peut participer, qu’importe l’âge, l’orientation sexuelle ou le niveau de performance. Outre les Eurogames, la galaxie sportive gay compte d’autres rendez-vous, comme les Outgames et les Gay Games, qui se dérouleront l’an prochain à Miami et à Paris.
«Certains des participants sont très compétiteurs, d’autres moins, le but c’est vraiment de donner le meilleur de soi-même», détaille Marc-Antoine. Enfin, l’esprit Coubertin! Les Eurogames, comme le club sportif H2O, ont une vision du sport un peu différente de celle des clubs traditionnels. Pour eux, le sport ce n’est pas qu’une compétition, c’est aussi un vecteur de rassemblement, de convivialité, de rencontre, et même de culture.
Dans le placard
Pionniers du genre, les Gay Games ont été créés dans les années 1980, au moment de l’épidémie de sida. Les organisateurs souhaitaient alors donner une autre image à l’homosexualité et faire passer un message: il y a des gays parmi les sportifs et les notions de compétition et d’effort ne sont pas étrangères à la communauté. «Quand on grandit, on a besoin de modèles, note Marc-Antoine. Et ces modèles, on nous les nie: on fait comme si tous les écrivains, les artistes, les sportifs étaient hétéros.» Et de fait, les coming-out sont rares dans les milieux sportifs de haut niveau. Il y a quelque temps, l’Espagnol Victor Gutiérrez, un joueur olympique de water-polo, sortait du placard. Il a déclaré «vouloir briser le tabou dans le sport», conscient que «les choses seraient plus faciles si les grandes figures du sport faisaient ce pas en avant». Les deux nageurs saluent son geste et espèrent que d’autres athlètes suivront l’exemple.
Les choses bougent: de nombreuses villes (Genève, par exemple), pays et fédérations sportives font des efforts considérables pour lutter contre l’homophobie, à l’aide notamment de campagnes d’information. Dernièrement, même les grands sponsors s’y sont mis. Ainsi, Nike a annoncé la fin de sa collaboration avec le boxeur philippin aux propos outranciers et Adidas a pour sa part ajouté une clause à ses contrats stipulant que la firme ne modifierait en aucun cas lesdits contrats en cas de coming-out de l’un de ses athlètes.
» Les entraînements de h2o-geneva.ch reprennent en septembre.