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Vu sur Du sexe en Amérique, Nicole Bacharan
Du sexe en Amérique est un livre remarquable, passionnant, documenté, jamais ennuyeux, sur la sexualité…
Cet article provient de Littérature érotique
De la bouche du co-fondateur Renzo Rosso, la dernière campagne Diesel printemps/été 2016 lancée sur YouPorn et Pornhub, le 1er février dernier, a connu un succès « incroyable ». En même temps, y’en a du monde avec ses dizaines de millions de visiteurs chaque jour.
Dans une interview accordée à Fashion Unfiltered, Rosso, pas peu fier, s’est venté de l’impact de cette communication controversée. Le co-fondateur de la marque italienne a déclaré une augmentation de 31%. De quoi ? Bonne question, puisqu’il ne précise pas si c’est une hausse du traffic ou des ventes. Habile…
Diesel a vu les tubes comme un canal comme les autres. Et c’est vrai que la campagne est assez léchée par rapport aux standards Pornhub.
Ce n’est pas « on va sur un site porno avec une pub porno ». Nous venons ici avec sympathie et nous le traitons comme une publicité dans un magazine. Parce que ça fait partie de la vie aujourd’hui.
Pari gagnant donc, pour ce qui est d’une grande première fois pour une marque de vêtements sur les tubes. Double pari gagnant, puisqu’ils avaient fait le choix de ne pas sélectionner les sujets en évitant les moins trashs. L’initiative culottée de Diesel devrait aguicher d’autres annonceurs.
Pour info, la marque s’est également affichée sur Tinder et Grindr en plus des tubes, mais seulement aux Etats-Unis.
Si je commence chaque introduction de Fap List par le fait que la dernière datait de Mathusalem, on ne va pas s’en sortir. Donc passons à l’essentiel. Dans cette série des meilleurs faps du moment et de ceux à venir en avril, j’explore les petits chemins et les grandes avenues du porn, passant du porno queer au porn mainstream avec une halte du côté de l’indé avec la même envie et la même énergie. Pas de frontières dans le plaisir, on se touche au Tag avec le coeur.
ETLE Universe : The OH FilesDans l’incapacité de traduire correctement cette phrase, je vous la copie-colle : « The A.O. Movement Collective’s ETLE Universe is a queer/feminist cyborg time travel epic…thing ». Un programme ambitieux qui se traduit par dix travaux étalés sur trois ans autour de la pornographie, des genres, du corps, de l’art et du féminisme qu’on retrouve regroupés dans le projet The OH Files disponible le 14 avril sur TRENCHCOATx et déjà sur PinkLabel.Tv.
Lucie Blush : Follow The White RabbitBien installée à Berlin, Lucie Blush continue son petit bonhomme de chemin sur les sentiers de l’excitation en produisant à son rythme un film par mois. Dans Follow the White Rabbit, elle nous immerge dans une soirée en appartement où des gens partent trouver plus d’intimité dans des chambres. Une soirée comme les autres me direz-vous, sauf que sa GoPro les suit pour voir de très près ce qui s’y trame. Une sorte de Berlin Dernière sans la promotion qui va avec. Notez au passage que son site LucieMakesPorn a fait totalement peau neuve. Fappez-y.
Aiden Riley : Sex GamesDans la riche actualité de Abella Danger – qui aime trop les couleurs fluos mais qui a un boule tellement fou qu’on lui pardonne tout – on la retrouve dans Sex Games aux côtés de Dana Dearmond, Yhivi, Gabriella Paltrova, Jada Stevens,Karlee Grey, Sasha Heart et Vicki Chase. Deux orgies lesbiennes de 30 minutes où les filles s’enfilent joyeusement en se couvrant de peinture phosphorescente et en explorant les plaisirs infinis du sexe anal. Le tout sous l’oeil amusé de Aiden Riley, le réalisateur et auteur au compte Instagram le plus cool du porn.
Erika Lust : Dirty DoctorErika Lust a eu l’excellente idée d’appeler Mickey Mod et Vex Ashley – nos petits choux du porn parallèle – pour qu’ils jouent au docteur. Comme la scène sort prochainement, je ne suis pas en mesure de vous en dire plus mais sachez que le rendez-vous est pris de mon côté. Le 7 avril je vais voir le docteur.
Blacked : Grateful Girlfriend Shows AppreciationDans un nouvel épisode des formidables aventures de l’interracial ultra léché de Blacked, Greg Lanksy rend hommage à Pulp Fiction et à la moiteur de Los Angeles en appelant Brett Rossi à la rescousse. Comme à son habitude le scénario est écrit sur un set de table mais tient totalement la route : une fille part trouver du réconfort chez un mec (Flash Brown) un peu moins lourd que son actuel petit copain trop collant. L’appel de la BBC n’était donc pas réservé qu’au Général De Gaule (cette vanne mérite un AVN Awards).
Dans son livre "Le harem et l'occident", la sociologue Fatima Mernissi soulignait, que, si pour elle, les femmes orientales subissent un enfermement spatial (image du harem), les femmes occidentales subissent l'enfermement dans une image, "le harem de la taille 38". Mernissi montrait ainsi les pressions insidieuses mais fortes, certes non inscrites dans la loi mais bien présentes, qui conduisent les femmes vivant en Occident, à adopter, à grands coups d'injonctions et de souffrances, un corps conforme aux canons de beauté.
Il n'existe pas de loi visant directement le vêtement féminin non religieux en France. Il existe des lois sur le voile - loi de 2004 - des lois sur la burqa qui sont des vêtements portés exclusivement par les femmes. La loi sur le racolage passif (Loi sur la Sécurité Intérieure de 2001) a parfois été considérée comme une manière de réglementer le vêtement féminin puisque le port de tel ou tel vêtement a parfois suffi à la police pour verbaliser des femmes ; des arrêtés municipaux ont également été décidés comme celui de 2014 de la ville de la Madeleine qui fait explicitement référence, lui, aux "tenues indécentes" interdites dans certains quartiers de la ville (l'indécence n'étant pas définie). Il existe depuis août 2016 des arrêtés municipaux pour interdire le port du burkini (et apparemment de tout vêtement considéré comme "religieux") sur certaines plages françaises.
Mais, de manière générale, il existe en revanche des règles non dites sur le vêtement féminin. Cécile Duflot, entre son jean et sa robe colorée, en a fait les frais et a subi insultes, quolibets et harcèlement sexiste et sexuel au sein même de l'assemblée nationale. Beaucoup de femmes ministres ou députées disent d'ailleurs qu'elles ont tendance à modifier leur tenue sitôt en poste par crainte des remarques. La plupart des femmes sont de manière générale conditionnées dés leur enfance à "faire attention" à leur tenue vestimentaire par crainte des violences sexuelles ; on fera attention à ne pas "provoquer", "chercher les problèmes", "faire salope", "laisser entendre que". C'est en cela que le vêtement féminin a un statut tout à fait particulier ; les femmes sont plus que fortement incitées à être féminines (on moque celles qui ne le sont pas, ou pas "de la bonne façon" comme Merkel) mais lorsqu'elles rentreront dans un milieu très masculin, cette féminité qui passe entre autres par le vêtement, deviendra leur ennemi puisqu'il sera symbole de frivolité, de bêtise, de jeunesse, d'inexpérience.
Le vêtement féminin ne peut donc être analysé comme un simple vêtement. Il est lourd de symboles et extrêmement signifiant. Ainsi si 27% des français déresponsabilisent un violeur qui aurait violé une femme en mini jupe et/ou décolleté, on voit encore une fois à quel point le vêtement féminin est considéré par beaucoup comme porteur d'un sens extrêmement lourd. Imaginerait-on quelqu'un dire "il portait un pull à col roulé ce qui m'a donné envie de commettre une escroquerie à l'assurance" ? On considère donc qu'un simple vêtement peut susciter le viol ; on donne donc au vêtement féminin un sens qu'a beaucoup moins le vêtement masculin. C'est au fond assez logique ; les actes des femmes (et le fait de mettre tel ou tel vêtement en est un) sont toujours étudiés au prisme de la respectabilité qu'elles sont censées incarner.
Dans son livre Mythologies du vivre-femme, Corinne Mencé-Caster souligne qu'il n'y a pas une seule construction de la féminité et de la masculinité. Logiquement donc il n'existe pas non plus une seule façon d'être féministe et de défendre ses droits quand on est une femme. Le féminisme occidental a grandi avec l'idée que les femmes avaient le droit de montrer leur corps sans risquer pour cela des agressions sexuelles, des réflexions, des interdictions diverses et variées. Cet exemple a longtemps été présenté comme un modèle seul et unique de féminisme. Il convient de préciser que le féminisme occidental des années 70 ne peut se réduire, comme certains tendent de le dire, au fait d'avoir voulu porter un bikini. La défense d'avoir le droit de porter ce qu'on veut (du pantalon au travail au bikini à la plage) était en fait la défense de porter ce qu'on veut sans brimades, punitions, licenciements et violences. On ne saurait donc dire et lire comme on l'entend dernièrement que le bikini est un combat féministe. C'est le fait de ne pas être agressée et violentée qui l'est et ce quelle que soit sa tenue.
On ne vivra pas sa féminité - et on ne défendra pas ses droits - dans une société marquée par exemple par la religion comme dans une société qui l'est moins. Corinne Mencé-Caster parle ainsi du concept de "féminité pieuse" développé par Claire Donnet dans un article où elle a travaillé sur un site, très célèbre il y a quelques années, Hijab and the city. Claire Donnet écrit ainsi "D’une part ces bloggeuses, au croisement de multiples rapports de domination, se réapproprient les représentations essentialisées de la femme et s’en servent stratégiquement pour changer leur condition au sein de leur groupe confessionnel. Elles s’insèrent dans l’ordre normatif préexistant pour le changer (...) D’autre part, en intégrant la hijab comme un accessoire de mode (bien qu’il conserve pour elles toute sa valeur religieuse), elles rendent visible dans l’espace public leur appartenance musulmane tout en s’insérant dans un code vestimentaire moderne. Elles perturbent ainsi des identités préétablies perçues comme essentielles et mutuellement exclusives."
Mencé-Caster montre par cet exemple, ainsi que par celui des sociétés antillaises, qu'il n'y a pas une seule façon dont la féminité se construit et que les féministes occidentales gagneraient énormément à le comprendre plutôt qu'à supposer que leur exemple est un modèle. Le féminisme occidental doit faire extraordinairement attention à ne pas considérer que l'exemple de libération qu'il propose est le seul et unique. Il conviendra à certaines, pas à d'autres ; et les femmes au carrefour de plusieurs discriminations (le fameux "race, genre, classe") continuent à ne pas être écoutées, pire à être insultées et humiliées par ce féminisme là.
On l'aura compris, la liberté des femmes de porter tel vêtement est fondamentale ; non pas parce que "chacun fait ce qu'il veut" ; cette antienne néo libérale ne veut strictement rien dire et tend à faire passer son confort personnel au mépris de l'intérêt du groupe mais parce que le vêtement féminin a toujours et est encore un moyen de contrôle des femmes.
Inciter ou interdire le port de tel ou tel vêtement est une manière de contrôler la liberté de circulation des femmes.
Si je souligne à une femme "qu'habillée ainsi elle risque le viol" alors je lui fais peur et risque de limiter sa liberté de mouvement. Et c'est ce qui est fait tous les jours en France sans que quiconque s'en émeuve ; pire on trouvera que c'est un conseil de "bon sens".
Si je souligne à une femme qui porte le foulard ou le burkini qu'elle ne doit pas le porter dans certains lieux, alors je limite également sa liberté de mouvements puisque fort logiquement, si elle en a le choix , elle n'ira pas là où on ne veut pas d'elle. On me répondra que "ce n'est qu'un foulard" et "qu'elle peut bien l'enlever". Si ce n'est qu'un foulard ou un burkini, que de temps perdu à en parler en ce cas et certain-es sont incohérent-es. Le "elle n'a qu'à l'enlever" procède de la même violence que le propos visant à dire à une femme de ne pas mettre une minijupe. C'est la même construction mentale qui consiste à protéger la femme malgré elle, à la rendre responsable de ce qu'elle pourrait subir, et à faire d'elle une imbécile incapable de comprendre qu'elle participe à sa propre aliénation.
Nul ne dit que tel vêtement est féministe, du moins pas plus qu'une courgette, un presse-étoupe, ou une jante. Une personne est féministe, pas un objet. Il ne s'agit donc pas de voir le foulard ou le burkini comme féministes ou anti féministes.
Personnellement, je ne défends pas le droit des femmes à porter le voile ou à ne pas le porter car je ne souhaite pas faire du foulard un vêtement particulier face aux autres. J'estime que ce n'est pas mon rôle de donner un sens aux vêtements que porte une femme. C'est justement une habitude typiquement sexiste et patriarcale que de donner du sens à tout vêtement féminin : "et tel vêtement qui fait pute, et tel vêtement qui fait djihadiste, et tel vêtement qui est trop sexy et tel vêtement qui participe à la soumission des femmes etc". Ce sont nos regards sur tel vêtement qui ont du sens, pas le vêtement. On ne jugera pas un homme (du moins s'il porte des vêtements dits occidentaux) au regard de ce qu'il porte. Les hommes sont en général jugés sur leurs actes et leurs paroles. Une femme quand à elle, verra ses vêtements être symbole de ce qu'elle est, dit et pense (ou plutôt ne pense pas). L'exemple de Pamela Anderson est à ce type exemplaire ; la majorité des commentaires lors de son passage en France n'ont pas porté sur son combat (qu'on peut juger légitime ou pas) mais sur la taille de son décolleté. Latifa Ibn Ziaten est également très attaquée (et qu'on ne s'y trompe pas les attaques procèdent du même système sexiste et patriarcal) ; là encore sa tenue serait censée disqualifier ses paroles. Une femme n'est pas ce qu'elle dit mais ce qu'elle porte.
Je défends le droit des femmes à porter n'importe quel vêtement parce que l'on sait bien que si l'on commence à interdire tel ou tel vêtement alors les conséquences sur l'ensemble du groupe "femme" seront immédiates.
- Les femmes seront davantage limitées dans leur mouvement : si l'on fait peser tout un tas de menaces directes ou implicites sur les femmes en fonction de leur vêtement alors elles limiteront leurs mouvements. C'est très exactement ce qu'ont provoqué chez moi des textes écrits par Luc Le vaillant et Siné. Ces deux hommes, sous couvert de défendre la liberté des femmes, fustigeaient les femmes portant un foulard en soulignant qu'elles n'étaient pas bandantes (je cite Siné) et qu'on ne pouvait pas les mater à loisir (je cite Le vaillant). Faire de ma liberté d'habillement une condition d'érection, voilà qui est finement amené mais qui me donne simplement envie de me terrer chez moi pour éviter de croiser ce genre d'individu. Je me demanderais toujours si ces deux hommes ont réellement supposé que les femmes portant un foulard allaient l'enlever dans la seconde, folles d'impatience à l'idée de subir de tels hommages. C'est au fond ce que j'entends beaucoup de la part de certains hommes contre le burkini ou le foulard ; certaines femmes ne respecteraient plus ce droit ancestral français de mater à loisir vendu aux femmes comme un hommage.
- En interdisant tel ou tel vêtement, on justifiera les discriminations subies par les femmes ; si on se permet de juger tel ou tel vêtement alors on justifie les discriminations subies par celles qui les portent. Il serait normal d'insulter une femme portant le foulard car "elle n'a qu'à l'enlever". Il serait normal d'insulter une femme en burkini car "elle n'a qu'à l'enlever". Et... il serait normal d'insulter une femme en robe fleurie à l’assemblée nationale car... que doit-elle faire ?
Certain-es évoquent le fait que le voile, la burqa, ou le burkini pourraient avoir un "effet de contagion" et évoquent qu'on pourrait bientôt voir des lieux en France où on ne pourrait plus s'habiller comme on veut. C'est encore une fois dangereux d'imputer à certaines femmes la responsabilité des agressions que subissent d'autres femmes. Si un homme insulte une femme en bikini parce qu'il considère que le burkini est un indispensable de toute garde-robe respectable, alors la loi peut permettre de le punir pour cela. En aucun cas, il n'y a à contrôler les vêtements des femme pour en protéger d'autres. Une femme ne dit pas plus avec son burkini que je ne dis avec mon bikini. Dire que c'est une manière pour elle d'expliquer aux autres femmes qu'elles sont indécentes vous appartient ; vous préférez juger des pensées des femmes au regard de leurs vêtements plutôt que de leurs paroles. Ne prétendons pas juger des pensées des unes au regard de ce qu'elles mettent ou ne mettent pas.
Nous pouvons et devons questionner et travailler sur la féminité ; comment s'incarne-telle ? Nous devons nous interroger sur le vêtement féminin et le sens qu'il peut prendre ainsi que sur les questions de la pudeur ou de l'impudeur, qui concernent essentiellement le corps féminin. Voilà pourquoi il est d'ailleurs inepte de comparer le burkini, vêtement féminin, avec un combinaison de plongée, vêtement mixte.
Cette obsession pour les vêtements féminins dits musulmans - sans jamais interroger le vêtement dit occidental (qu'on me pardonne ces formules maladroites) - tend à faire des femmes qui les portent des mineures sous tutelle, incapables de comprendre ce qui est bon pour elles. C'est très exactement une attitude sexiste (et ici raciste) ; c'est donc aller à l'inverse de ce que nous défendons.
Rappelons enfin qu'il n'existe pas un machisme qui serait propre, naturel, presque congénital pour employer une expression à la mode (plus que problématique) au monde arabo-musulman et aux personnes qui en sont issues. Comme je le démontrais, notre pays est rempli de règles tacites sur l'habillement féminin. Nous entendons chaque jour depuis notre naissance des lieux communs sur nos vêtements qui feraient "trop salope" ou qui nous "feraient chercher les ennuis". C'est, triste ironie, le président de la commission qui a dirigé les travaux sur la burqa qui disait qu'il n'était pas étonnant vu les tenues de certaines jeunes filles que les garçons "s'imaginent des choses". La misogynie est évidemment à combattre quelles que soient les personnes s'en rendant coupables ; mais en punissant les hommes responsables de comportements misogynes et certainement pas en limitant la liberté de mouvements des femmes ou en leur demandant de s'habiller ou se déshabiller au gré des lois sexistes en vigueur. Forcer une femme à se déshabiller sur une plage française est une très grande violence, menée avec l'assentiment de l'état ; elle est à l'antithèse de tout combat féministe.
The post Défendre les droits vestimentaires des femmes, quels qu’ils soient, pour défendre toutes les femmes appeared first on Crêpe Georgette.
«Quand vous dites ‘tantouze’ ou ‘tafiole’, vous me blessez, parce que mon fils est gay.» Le coming out n’est pas réservé aux jeunes gens qui décident d’annoncer à leurs proches qu’ils aiment les personnes de même sexe qu’eux. Roudy Grob, comme tous parents d’homosexuel, a dû lui aussi assumer, avouer à son entourage propre l’orientation sexuelle de son fils, Walter. Il y a dix ans, Roudy et sa femme Lucienne ainsi qu’un autre couple fondaient l’association Parents d’homos, pour aider les personnes qui, comme eux, apprenaient l’orientation sexuelle «différente» de leur progéniture. «Avec mon mari, raconte Lucienne, on a tout de suite décidé qu’on ne culpabiliserait pas, mais on s’est très vite rendu compte que pour d’autres parents, c’était plus compliqué.»
«Nous, nous ne sommes pas en danger physique, mais il y a le jugement des proches, des collègues, des amis. Il y a toujours ce préjugé qui pousse à chercher une cause. C’est pour cela qu’on se bat.»
Lorsque Carole Garcia apprend l’homosexualité de sa fille, c’est tout d’abord «le désarroi, l’incompréhension», l’envie de «sauver» sa fille. Le choc, puis l’acceptation. Quand, quelques années plus tard elle apprend que l’un de ses fils est homosexuel lui aussi, elle décide de s’engager pour changer la façon dont la société perçoit l’homosexualité. «Nous, nous ne sommes pas en danger physique, mais il y a le jugement des proches, des collègues, des amis. Il y a toujours ce préjugé qui pousse à chercher une cause. C’est pour cela qu’on se bat.» Lorsque des parents décide d’appeler Parents d’homos, ils témoignent tout d’abord de leur incompréhension. Ils vivent l’homosexualité de leur enfant comme une forme d’injustice: pourquoi ça leur arrive à eux? «Nous, on essaie de leur demander ce qu’ils craignent et ce qu’ils attendent de nous. Eux demandent souvent ce qu’ils peuvent faire, s’ils peuvent ‘guérir’ leur enfant», raconte Roudy. Difficile d’appeler, difficile de demander de l’aide, difficile aussi d’accepter une rencontre avec les membres de l’association. Des fois, les réactions sont plus violentes encore: «C’est pas mon fils. Moi, je ne l’ai pas élevé comme ça…»
À BAS LES TABOUS!
Outre les appels, l’association déploie un grand nombre d’activités de sensibilisation, principalement dans les écoles: ils s’entretiennent avec les élèves, les parents et les professeurs. Les interrogations de leurs interlocuteurs, les messages qu’ils transmettent diffèrent selon l’audience. Face aux élèves, ils évoquent leur vécu de parents, la façon la plus judicieuse d’avouer son homosexualité à ses proches. Face aux parents, ils commencent tout d’abord par leur dire que, selon toute probabilité, un ou plusieurs parents présents dans l’assemblée apprendront un jour l’homosexualité de son enfant. Ils tentent aussi de les convaincre de la nécessité de soutenir les initiatives des professeurs qui tentent de sensibiliser leurs élèves à ces questions pour éviter une querelle comme celle qu’a connue la France à propos de la théorie du genre. Aux enseignants, ils conseillent des lectures personnelles et des livres à mettre à disposition dans leur classe à l’intention des élèves. Ils ont par ailleurs réalisé une brochure très complète, «Parlons-en!», disponible sur le site internet de l’association.
Carole, Lucienne et Roudy le disent en chœur: ils ont besoin d’aide, des parents qui comme eux, seraient prêts à se battre pour briser le tabou de l’homosexualité – la règle dans beaucoup de milieux. Pourquoi s’engager? «Pour ses enfants! Pour moi c’est une question d’amour et de partage», lance Carole. Au-delà de la satisfaction de se savoir utile à leur progéniture, ils soulignent tous trois le caractère passionnant de cet engagement. Il y a le côté humain, dont parle Lucienne: «J’aime voir évoluer les situations, des couples qui nous appellent, qui peinent à accepter l’homosexualité de leur enfant et qui, quelque temps plus tard, nous annoncent qu’ils ont passé un Noël merveilleux avec leur fils et son petit ami.» Pour ces trois parents, c’est aussi un moyen de «ne pas s’enfermer dans un ghetto», d’apprendre de nouvelles choses, de se renseigner sur les sujets qui occupent les débats actuels: question de genre, mariage pour tous, bisexualité, etc. Parents d’Homos et l’une des seules associations à œuvrer en ce sens (outre un groupe lié à Vogay, dans le canton de Vaud). Parlez-en autour de vous! À vos parents surtout!
» Plus d’infos sur parentsdhomos.ch
Il existe, sous le nom de Femdom, un univers parallèle dans lequel les mâles sont réduits à l’état d’objets de plaisir par de sublimes Vénus à l’autorité écrasante. Cet univers, dont l'artiste Namio Harukawa fait ses délices, peut-il être qualifié de féministe ?
Le terme viragophilie est forgé dans les années 1970 par Louis Chauvet (1), chroniqueur de cinéma au Figaro. Au même moment, un artiste japonais – Namio Harukawa – fait une entrée fracassante sur le marché de l’imagerie Femdom avec un recueil d’images (Satoria Insel der Erotik), peuplé de Vénus aux fessiers inouïs trônant sur le visage de petits mâles qu’elles écrabouillent avec détachement. Sur ces images, les femmes – d’une beauté cyclopéenne – s’assoient toujours sur des avortons malingres, au crâne dégarni, qui s’efforcent avec la langue de satisfaire leur dominatrice. Celle-ci, généralement, jette un oeil ironique à sa proie ou tout simplement l’ignore, boit un verre de vin, lit une revue, compte la liasse de billet que sa victime vient de lui remettre et tourne son regard amusé dans la direction du spectateur : «toi aussi, je vais te plumer». On ne peut, a priori, que succomber au charme de ces mises en scène : elles renversent si joyeusement les rôles. L’univers Femdom donne aux femmes le beau rôle, celui de la créature qui, en toute plénitude, déploie son autorité sur un monde voué aux seuls plaisirs du sexe. Mais ne s’agit-il pas d’un miroir aux alouettes ?
Le Japon castré de l’après-guerre
Namio est né en 1947, année qui marque l’accès des femmes japonaises au suffrage universel. Il grandit dans le contexte d’une humiliation nationale – la défaite du Japon –, qui s’accompagne d’une forte dévalorisation du statut des hommes, jugés coupables non seulement d’avoir causé la ruine du pays (en l’entraînant dans une guerre mondiale) mais d’avoir honteusement perdu cette guerre. Les hommes avaient pour devoir de protéger l’Empereur. Ils ont échoué. L’Empereur a perdu sa part de divinité. Pire. Il a été photographié côte à côte avec le nouveau maître du pays, Mac Arthur, et tout le monde a pu constater que l’Empereur n’était qu’un homme, ou plutôt… un nain. Ce que le cliché révèle, en effet, c’est sa petite taille, comparée à celle de l’Américain, doublée d’une constitution fragile et d’un maintien guindé. La photo du «couple» formé par Mac Arthur et l’Empereur constitue en soi un outrage, irrémédiable, et créé un choc dont les ondes se réverbèrent encore de nos jours. Ce dont Namio se fait le porteur (à son corps défendant peut-être) c’est de ce traumatisme qui pousse des milliers de Japonais, comme lui, à compenser la perte d’une image positive de soi par une fantasmagorie mêlant plaisir et abjection.
Alouette, gentille alouette…
Il serait, bien sûr, extrêmement réducteur de ne voir l’œuvre de Namio qu’à travers le filtre historique d’une défaite. L’image du mâle nippon asservi et subjugué par des géantes fait écho à bien d’autres angoisses, désirs ou pulsions. Il faut feuilleter les ouvrages publiés par United Dead Artists – Maxi Cula, CALLIPYGE – pour en sonder les méandres : page après page, les dessins de Namio répètent le même schéma en labyrinthe, avec une sorte d’obstination fascinante. C’est toujours la même femme souriante, plantureuse, sûre d’elle, qui étale son fessier sur le visage de l’homme. Le fait qu’elle soit vêtue en infirmière, en hôtesse de cabaret ou en bunny girl, dans des tenues assimilées à l’imagerie misogyne, ne rend l’image que plus troublante : parodiant les rôles traditionnellement dévolus aux femmes, l’héroïne de Namio fait exploser les conventions. D’autant plus désirable qu’inaccessible, elle réduit ses victimes au statut de cunilinger (2), sextoy humain tout juste capable de mettre sa langue au service des orifices divins. Il n’est plus rien qu’un petit animal ou un outil, entre les fesses charnues qui l’étouffent, le malaxent et l’aspirent.
La gynarchie : monarchie des femmes
Il y a des hommes pour qui ce genre de spectacle relève d’un juste retour à l’ordre. Après sa visite au Musée de l’érotisme, en 2013, un fan raconte : «J’ai adoré cette exposition, «jouissive» au demeurant, toutes ces femmes sublimes, plantureuses, fantasmes de tous les désirs remettant les hommes à la place où ils sont le plus vulnérables…». Pour l’auteur de ces lignes, certainement, Namio fait figure de justicier. Il rend hommage à la puissance des femmes. Il montre qu’une femme peut légitimement exercer le pouvoir, dominer, se faire servir, se faire admirer. Devant les images de Namio, paradoxalement, on respire ! C’est comme une bouffée d’air frais. Pour autant, il serait difficile de dire que ces images sont féministes. Remplacer une inégalité par une autre ne fait certainement pas partie des objectifs du féminisme mainstream (3). Dans une introduction au livre de Noël Burch (L’Amour des femmes puissantes), l’historienne Geneviève Sellier le souligne elle-même : «ce «retournement» de la domination semble très éloigné des aspirations à l’égalité qui caractérisent les mouvements d’émancipation des femmes. Mais cette revanche fantasmatique avec ses aspects ludiques procure quelques satisfactions non négligeables, en attendant cette société égalitaire qui semble toujours reculer autant qu’elle avance…».
Guerre des sexes à l’envers
L’amour des femmes puissantes a quelque chose de profondément ambigu. Noël Burch le remarque lui-même avec acuité : étant l’envers d’un monde où ce sont les hommes qui exercent la puissance, ce fantasme n’est subversif qu’en apparence. «Il s’agit évidemment de mises en scène de la peur-haine-désir qu’inspire la nouvelle femme émancipée», dit-il. Pour le dire plus clairement : ce sur quoi nous nous masturbons, ce sont souvent les situations qui nous perturbent ou nous inquiètent et dont nous inversons le potentiel négatif en l’inscrivant dans un cadre positif, ie masturbatoire. Tout désir a deux faces. Le désir de la femme puissante reflète autant l’attirance pour elle que la frayeur de sombrer dans un monde où l’humain perd toute dignité. «Le terme de viragophilie, inventé par Louis Chauvet et dont je suis aujourd’hui sans doute le principal promoteur, recèle en lui-même ces deux faces de notre passion. Car si le sémème «philie» évoque notre affinité, notre attachement à la capacité de violence féminine, la virago est une femme qui ne possède aucune des vertus reconnues à juste titre pour féminines, c’est une femme monstrueuse qui fait peur, qui inspire la haine. L’archétype de la virago dans nos cultures européennes n’est-il pas la Catharina de Shakespeare que l’homme se doit à tout prix d’apprivoiser ?».
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NOTES
(1) «Le protagoniste de son roman, publié sous pseudonyme, Fantastique Brigitte (1979) est subjugué par une belle «videuse» dont les muscles et la science lui permettent de dominer les hommes en combat singulier. Depuis lors, une floraison de sites sur l’internet a révélé l’étendue mondiale de ce goût» (Source : L’Amour des femmes puissantes, de Noël Burch).
(2) «Cunilinger», pour reprendre la belle expression de Shozo Numa, traduit par Sylvain Cardonnel, dans Yapou bétail humain (éditions Désordres, 2005).
(3) Certains courants de revendication hardcore prônent peut-être la gynarchie (le pouvoir monarchique aux femmes) mais méfiance : ce fantasme érotique s’appuie souvent sur l’idée qu’il faut «femelliser» les mâles. Autrement dit, pour certains gynarchistes, le pôle femelle reste celui qu’il faut dominer.
A LIRE : L’Amour des femmes puissantes, de Noël Burch, éditions Epel, nov. 2015.
CALLIPYGE (sept 2008), de Namio Harukawa. 32 pages en format géant (30x40 cm). Publié par Stéphane Blanquet, éditions «United Dead Artists».
Garden of domina, de Namio Harukawa, aux éditions Pot Publishing (juil 2012), anglais-Japonais, 168 pages (14,8x21 cm).
Maxi Cula, de Namio Harukawa, aux éditions United Dead Artists (sept 2012), 156 pages (17x26 cm).
Des originaux de Namio Harukawa sont en vente sur le site de Timeless.
POUR EN SAVOIR PLUS : sur Shozo Numa, les cunilingers et le mâle nippon castré «Le fantasme de la femme-tronc» ; sur Namio Harukawa, le face-sitting et les toilettes japonaises : «Une exposition du face-sitting à Paris» ; sur les viragos «Une femme qui attaque à mains nues, jouissif ?»