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Michel Canesi et Jamil Rahmani sont tous les deux médecins. Villa Taylor est leur cinquième roman. Ecrire à deux est un exercice périlleux tant il est difficile d’arriver à une fluidité qui permet de ne pas de distinguer le changement d’auteur. Canesi & Rahmani excellent à ce jeu, de mieux en mieux.
Le personnage principal est Diane, une jeune femme qui dirige une banque et dont la vie sentimentale est un désert. A la mort de sa grand-mère Moune, Diane hérite de la Villa Taylor située à Marrakech.
Ce lieu mythique a accueilli de nombreuses figures du XXe siècle : Roosevelt, Churchill et Chaplin. Churchill y a séjourné plusieurs fois pendant la seconde guerre mondiale et y a peint un unique tableau. La Villa Taylor renferme aussi tous les secrets d’enfance de Diane qui n’a pas connu sa mère. Moune a toujours refusé d’évoquer sa fille.
Alors que la jeune femme hésite à vendre la demeure, elle a la possibilité de découvrir son passé familial en étant aidée de Halima la gouvernante, Ahmed le jardinier aveugle et Agathe, une amie de sa grand-mère. En tentant de découvrir l’histoire de sa mère, Diane va aussi rencontrer le ténébreux Salim.
Au-delà de l’enquête menée pour lever les secrets de famille, des anecdotes « historiques », Villa Taylor est un roman qui met en scène la multiculturalité, la passion, la résilience et l’individualisme du monde occidental que les deux auteurs opposent à l’humanité du Maroc.
Un double bémol toutefois : la scène de la rencontre entre Diane et Salim aurait pu être d’une sensualité torride – la chaleur de la nuit, le parc luxuriant de la Villa Taylor, le parfum entêtant de la menthe… – si elle ne se terminait pas par un viol.
Extraits de cette scène. (p.96 p.97)
[… ] Soudain, une étreinte brutale me soulève du sol et me jette face contre terre, dans la menthe. Un corps lourd s’abat sur moi. […]
Je suffoque dans la menthe écrasée. Sa sueur se mêle à la mienne, coule sur mon front et brûle mes yeux. Ses doigts s’enfoncent profondément, je me raidis, une onde partie de mon ventre me submerge, l’homme la perçoit, il se déchaîne, m’écrase entre ses jambes et ses bras, mord mon cou, libère ma bouche et lèche mes lèvres, son sexe s’anime de soubresauts. Il pousse un long gémissement, une longue plainte animale.
Il ne m’a pas pénétrée. […]
Pas de pénétration sexuelle ? Ah bon ? Est-ce que je ne saurais pas lire ?
Pour rappel : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. » Code pénal (article 222-23).
Deux médecins et un éditeur ignoreraient-ils cet article ? J’aimerais qu’on m’explique cette volonté de présenter une scène de viol comme un moment érotique ! Je dis NON. NON.
Extrait du roman (p. 19 à 20)
Ma playlist défile, le sommeil ne vient pas, une meute de souvenirs me lacère. Je t’en veux, grand-mère… Tu n’avais pas le droit, je n’étais pas prête.
Le rituel des jours nous fait croire à l’immortalité et nous traversons la vie, étourdis, sans percevoir l’invisible fil du temps.
Moune, je sens ma main de petite fille dans la tienne, mon pouce sur ta peau un peu flétrie, rugueuse. Cette peau aujourd’hui glacée. Grand-mère, je pense à ta solitude dans la nuit brûlante de Marrakech.
Au crépuscule, nous marchions sous les grands arbres de la Villa Taylor, je me blottissais contre toi et serrais ta main si fort ; les ombres pouvaient bien dévorer le jardin et le noir l’engloutir, tu étais là, rempart éternel contre mes peurs d’enfants.
Avec le temps, les peurs se sont estompées, elles reviennent parfois au détour d’un mauvais rêve et, dans un demi-sommeil, je te vois très droite dans les allées du parc, ton regard bleu m’enveloppe et me rassure.
Ce regard bleu, qui caresse-t-il désormais ?
Comme elle est lourde, la douleur de la perte ; elle s’installe, cruelle, au creux de nos corps et seuls l’apaisent les sanglots étouffés.
Moune, j’aurais aimé te dire ces mots simples qu’il me répugnait, à tort, de prononcer, ces mots qui ne sortiront jamais, ces mots emprisonnés qui font mal.
Villa Talor, Canesi & Rahmani, éditions Anne Carrière 250 pages 18 €
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