Parce que les mâles aussi peuvent avoir des bourrelets, trop de poils ou pas d’érection, les voilà invités à se mettre nus. Une fois par mois, la série “Les garçons bleus” dresse le portrait d’un homme, en moins d’une minute, pour répondre à la question : qu’est-ce qu’un homme?
Qu’ils soient «musclés, minces, ronds, petits, grands»,
anonymes ou connus, peu importe : ces personnes-là – douze en tout – refusent
de jouer l’homme fort, celui qui répand sa semence à tout va. Le rôle du macho,
ils n’en veulent pas : trop toxique. A ces douze participants, le projet de
documentaire animé «Les garçons bleus- 12 portraits» consacre 45 secondes : c’est juste le
temps qu’il faut pour se déshabiller. La série se veut décomplexée. Elle
propose de diversifier l’image qu’on se fait des hommes, en exposant leur corps
nu au repos, tout d’abord, mais surtout leur parole intime. Chaque séance
d’effeuillage s’accompagne en voix off d’un récit singulier ou d’une réponse à
la question : «Comment tu te sens dans ton corps? Tu te sens comment en
étant nu? Comment tu vois ta place dans la société d’aujourd’hui?»
Ci-dessous, Jeffrey, en avant-première sur Les 400 culs :
Comment encourager les hommes à se livrer ?
Le protocole de tournage est toujours le même. Face à la caméra,
chacun d’entre eux retire le haut, le bas puis le slip (c’est vite fait), avant
d’effectuer une petite chorégraphie sans prétention. Florent dessine, par exemple (sa vidéo est en bas de l’article). Davi fait un pas de flamenco (voir plus bas). Jérémie souffle dans un
ballon (voir plus bas). La mise en
scène repose sur la banalité des gestes. La nudité elle-même –mise à distance
derrière un traitement au stylo bic (le plus banal des stylos au monde)–, ne
paraît ni choquante, ni spectaculaire. Elle n’est que le moyen de rendre une
parole plus sobre, en la dépouillant des tentations liées au paraître. Habillé,
l’humain s’agrippe à son image. Nu, le voilà bien obligé de lâcher prise. C’est
toute l’originalité de cette série que de forcer d’abord les hommes à s’exposer
physiquement, en préalable à l’entretien.
La nudité comme exercice de renoncement
Benjamin Bonnet, le producteur de la série, estime le strip
indispensable à la démonstration : «le combat pour l’égalité homme femme ne
se gagnera que si on redéfinit la virilité autrement que comme un outil de
domination or on s’aperçoit bien que se mettre nu (donc dans une forme de
vulnérabilité) oblige à se reposer la question de son phallus triomphant.»
Pour qu’un homme se livre vraiment, il faut d’abord le faire renoncer à cette
posture, artificielle par excellence, de la dureté virile. C’est cette posture
qui pourrit la vie des hommes, insiste Benjamin. Les comportements qui sont
attendus d’eux dérivent en effet tous de l’équation «mâle = érection». Dans
notre société, un homme doit bander. Sa sexualité est perçue comme
l’équivalent d’une fonction réflexe, centrée sur le génital. Par opposition, la
sexualité de la femme est généralement vue comme quelque chose de très
cérébral. Et si c’était faux ?
La sexualité masculine : une fonction «biologique» ?
Il est courant de croire que les femmes jouissent avant tout «dans
la tête» et, inversement, que la fonction sexuelle masculine, dérivant d’un
besoin physiologique naturel, relève d’une réponse mécanique à un stimulus.
Sous-estimant la dimension émotionnelle et psychologique du désir masculin,
notre société n’admet pas les pannes : il y a des pilules pour ça. Comme s’il
suffisait d’une tumescence pour régler le problème, l’industrie pharmaceutique
contribue grandement à renforcer les préjugés qui réduisent l’homme à sa queue.
C’est justement «contre ces préjugés» qu’il importe de se battre,
explique Benjamin Bonnet. Pour en finir avec les comportements machistes, sa
réponse peut paraître insignifiante. Quel impact peuvent avoir ces dessins animés d’une minute diffusés gratuitement, chaque dernier mercredi du
mois, sur YouTube, Facebook et Instagram ?
L’avenir nous le dira. Si leur diffusion était relayée sur les réseaux
sociaux, la puissance de ces mini-strips pourrait s’avérer bien plus grande que prévue. Alors, faites circuler.
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A VOIR : websérie Les garçons bleus - 12 portraits. Mise en ligne de janvier à décembre 2020 : le dernier mercredi de
chaque mois à 14h, sur YouTube, Facebook et Instagram. Une version de 2 min par épisode de la série a été pré-acheté par France Télévisions pour une diffusion sur Slash à partir d’octobre 2020.
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PRESENTATION : Les garçons bleus - 12 portraits. est un
projet de série documentaire animée qui met en valeur la diversité des corps
masculins et les histoires que ces personnalités singulières ont à raconter. Des hommes de tous âges et
toutes origines sont magnifiés au stylo BIC bleu en rotoscopie par l’artiste
Francisco Bianchi. La série est produite par Mood Films Production (créée par Benjamin Bonnet). Avec le soutien du CNC Talents et de la SACEM
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QUATRE QUESTIONS A BENJAMIN BONNET ET FRANCISCO BIANCHI
Le projet a commencé quand ? A l’initiative de qui ?
Benjamin - La diffusion sur
Instagram du projet a démarré le mercredi 29 janvier à 14 heures avec épisode
1: florent. La pré-production date de début 2019 et le concept du
documentaire animé est né d’une réflexion entre Francisco et moi sur comment
mettre en valeur ses dessins au stylo bille bleu et une envie de parler du
masculin en interrogeant 12 modèles dans un panel le plus divers
possible.
Francisco - Benjamin a vu mon projet
d’illustration les garçons bleus et quelques petites animations que j’avais
faites et postées sur mon compte Instagram, et il m’a proposé qu’on réfléchisse
à une oeuvre audiovisuelle.
Comment faites-vous pour « recruter » les modèles ?
Benjamin - C’est un choix commun
dans nos réseaux de proches ou des personnalités qui nous semblent avoir des
choses à raconter sur leur masculinité. Pas d’appel au casting sauf pour le
12ème garçon que nous aimerions avec un corps handicapé ou mutilé et qui
assumerait de se mettre à nu dans l’optique de valoriser et magnifier sa
différence et de lui donner la parole. Dans les 11 garçons que nous avons
interviewés 4 sont hétérosexuels, 2 bisexuels, 5 homosexuels. Mais la question
de leurs préférences sexuelles n’en est pas une.
Francisco - La série ne parle pas de
sexe, mais de nudité, de rapport au corps…
C’est compliqué de faire se déshabiller quelqu’un ?
Benjamin - C’est une question de
confiance et de respect. Il faut bien expliquer la démarche, le fait que les
rushs de la vidéo ne seront pas utilisés en tant que tel mais seulement pour
faire l’animation. Le tournage se passe en équipe très réduite dans un studio à
Pantin pour préserver l’intimité. Seuls sont présents, Pablo l’ingénieur son,
Francisco le réalisateur et moi même.
C’est quoi être un homme maintenant ? Avoir des organes génitaux
masculins ? Avoir un comportement masculin, conforme aux normes sociales
?
Francisco - Honnêtement, je ne sais
pas. C’est justement parce que je me posais moi-même cette question que j’ai
décidé de mettre en place le projet, afin de demander à plusieurs personnes
leurs ressentis.
POUR EN SAVOIR PLUS : «Fonction sexuelle masculine et sexualité féminine», d’Alain Giami, Communications, n°81, 2007 (Corps et techniques, sous la direction de Georges Vigarello et Thierry Pillon).