A la cour d'assises de Moselle, deux "clients" de personnes prostituées ont été condamnés pour viols et violences à 12 et 18 ans de prison. A ces peines lourdes, le jury a donné les motivations suivantes : les deux mis en cause « ont commis des viols, qualifiés de crimes, sur plusieurs prostituées sur une durée de 2 ans. Ces faits sont constitutifs d'une démarche d'abus de personnes vulnérables, du recours à des personnes se livrant à la prostitution comme on utilise un objet dans le seul but de satisfaire un désir égoïste »
Pour Lorraine Questiaux, avocate du Mouvement du Nid, “Ce verdict d'assises et sa motivation démontrent le changement dans les mentalités.
Un jury citoyen tiré au sort a été capable, à l issue de 3 jours d un procès qui a mis en lumière ce que la prostitution est vraiment, d'en tirer toutes les conséquences et de définir le recours à la prostitution comme un acte imposé par la violence et la contrainte sur des personnes vulnérables. Ils ont “saisi” l' intention du client de nier l'humanité et le désir des personnes prostituées. 2 ans seulement après le vote de la loi, une telle décision est la preuve que l'abolition est possible !”
Les victimes, dont l'une était accompagnée par le Mouvement du Nid, ont obtenu 25 000 euros de dommages et intérêts, alors que rarement les dédommagements dépassent les 10 000 euros.
Les faits reprochés aux 2 hommes se sont déroulés en France et au Luxembourg entre 2013 et 2015 et étaient caractérisés par une extrême brutalité. Viols, sans préservatifs, coups, tortures ont été perpétrés sur des jeunes femmes très vulnérables, toxicomanes.L'une des 6 victimes identifiées a ainsi expliqué pendant l'enquête que ces violences avaient eu pour conséquence la nécessaire ablation de ses organes reproducteurs.
Pour Christine Blec, présidente du Mouvement du Nid,« cette affaire est emblématique de ce que nous mettons en lumière depuis 80 ans. Dans la prostitution, les personnes prostituées sont en position de vulnérabilité face à des hommes qui s'octroient non seulement le droit de les acheter, mais celui de les « punir » par des violences supplémentaires, s'ils ne s'estiment pas satisfaits de la situation. Dans la prostitution, l'argent est un prétexte à l'impunité des violences et du viol(1) ».
"Ce n'est certainement pas en exonérant les "clients" de toute responsabilité comme le réclament aujourd'hui ceux qui ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité pour faire abroger leur pénalisation, que les personnes prostituées seront mieux protégées » mais bien en poursuivant le changement de société que l'on commence à observer, et avec la décision historique prise lors de ce procès », ajoute Grégoire Théry, porte-parole ».
(1) voir à ce propos l'article paru dans notre revue Prostitution et Société : http://www.prostitutionetsociete.fr/eclairage/point-de-vue/article/le-paiement-pretexte-a-l-impunite-du-viol-et-du-feminicide-prostitutionnels