Être un homme qui se masturbe n’est pas facile tous les jours. La branlette passe encore largement pour une pratique d’adolescent frénétique ou de célibataire encroûté. Cette mauvaise réputation est très visible dans le domaine des sextoys. Contrairement à leurs équivalents féminins, les masturbateurs pour homme ont peu évolué au fil du XXIe siècle. Les vibromasseurs, toujours plus nombreux et sophistiqués, trouvent aisément leur place dans la grande distribution. Pendant ce temps, les Fleshlight et leurs amis stagnent. Au milieu des moulages de vulves d’actrices, des modèles compacts et des périphériques pas forcément au point, les vraies innovations peinent à arriver.
Pour la journaliste et experte en sexualité Lux Alptraum, cet immobilisme tient justement à la mauvaise réputation du plaisir solitaire masculin. “Les femmes sont encouragées à se masturber pour découvrir ce qu’elles aiment et développer une sexualité plus satisfaisante avec un partenaire, écrit-elle dans The Verge. Les hommes sont supposés se masturber pour remplacer le sexe. (…) La masturbation est un bouche-trou pour les solitaires et les rebuts, un signe que vous êtes trop indésirable pour trouver un être humain bien vivant pour coucher avec vous.” C’est pour inverser cette tendance que CT Schenk a créé le Blewit.
CT Schenk est le patron d’Aneros, une boîte réputée pour ses stimulateurs de prostate de qualité. Au mois de janvier dernier, il a lancé une campagne de financement participatif destinée au Blewit, un jouet masculin conçu pour permettre des séquence de masturbations “époustouflantes”. L’objet a conquis le public en un rien de temps : 90 000$ ont été récoltés, le projet a été financé à 350%. Comment expliquer un tel succès ? Pour Lux Alptraum, cela tient à la manière dont le Blewit a été présenté au public.
Plutôt que de vanter un outil exclusivement dédié au plaisir, CT Schenk et son équipe ont promis à leurs futurs clients que leur produit permettait d’“entrer en contact avec son corps” et d’“accroître son endurance sexuelle”. “L’angoisse de la performance existe réellement, affirme le site officiel du Blewit. Les problèmes de performance sexuelle concernent un homme sur trois. La solution ? Masturbation. (…) Le meilleur moyen d’améliorer ses capacités est de se masturber d’une manière qui ressemble au sexe. Blewit a été designé pour simuler parfaitement un rapport sexuel, contrairement à vos mains !”
Couplées à un design classe et une ouverture non-figurative, ces déclarations auraient contribué à convaincre les branleurs que leurs sessions solitaires n’étaient pas honteuses et dignes d’un ustensile de haut vol. Les créateurs du Blewit pensent qu’il permettra de promouvoir une approche plus naturelle de la masturbation masculine, plus lente et riche en sensations intéressantes. C’est la raison pour laquelle les heureux acquéreurs du jouet reçoivent en prime un guide supposé “changer leur approche du plaisir solitaire et de la performance”, Control It!. Une initiative louable et particulièrement suivie par les médias anglophones. On espère quand même que les lecteurs du Tag n’auront pas besoin de ça pour apprendre que se toucher la teub n’est pas un mal.