Beaucoup d'hommes, lorsqu'ils en viennent à s'intéresser aux féminisme veulent aider dans les combats pré-existants. Ainsi on le voit militer pour que la rue soit à tous et toutes, militer pour l'égalité salariale ou je ne sais quoi. Mais ces combats là sont déjà pris en charge par les femmes qui n'ont donc nul besoin qu'on leur tienne à la main. En revanche, nous avons besoin qu'on détruise déconstruise la virilité. Les femmes ne sont pas discriminées toutes seules, elles le sont car les hommes ont des avantages.
Si les femmes sont payées 20% de moins à compétences et poste égaux, c'est que les hommes sont payés 25% de plus.
Si les femmes n'occupent pas l'espace public, c'est que les hommes l'occupent et trouvent cela tout naturel.
Si les hommes ont le temps de se demander quand et comment ils pourraient aider les femmes, c'est pendant que ces dernières n'ont pas ce choix là.
Je cite Guillaumin (texte écrit dans les années 80) : "Nous sommes toujours «plus» ou «moins». Et jamais nous ne sommes le terme de référence. On ne mesure pas la taille des hommes par rapport à la nôtre alors qu'on mesure la nôtre par rapport à celle des hommes (nous sommes «plus petites») laquelle n'est mesurée que par rapport à elle-même. On dit que notre salaire est un tiers moins élevé que celui des hommes, mais on ne dit pas que celui des hommes est de moitié plus élevé que le nôtre, il ne représente rien que lui-même."
Alors si les femmes féministes étudient les rôles sociaux de genre, étudient ce que constitue le "devenir femme" en termes d'injonctions et d'interdits, il convient que les hommes qui souhaiteraient aider les féministes étudient la virilité qui n'est constituée, on l'a déjà dit, que sur la négation et l'humiliation du féminin (comme la blanchité n'est construite que su l'humiliation et l'infériorisation de la négritude).
A ce sujet là donc j'avais lancé sur twitter, à destination de certains hommes aux velléités féministes, quelques conseils. On me les a demandés, les voici.
Il convient de ne pas perdre de vue, jamais, quand on est un homme féministe, qu'on exerce aussi l'oppression qu'on le veuille ou non. Je sais que cette idée est désagréable et c'est pour cela que nombre d'hommes ont violemment accueilli l'idée qu'ils pouvaient faire peur dans la rue (alors qu'aucun homme blanc n'a trouvé choquant que des hommes noirs changent de trottoir à cause d'un système raciste soit dit en passant).
De plus si vous voulez que les femmes aient des droits égaux à vous, il convient de comprendre ce qui se joue dans la virilité ; on pourra bien corner sur tous les tons qu'une femme n'est pas spécialement douée, ni génétiquement, ni hormonalement, ni culturellement pour s'occuper d'un gamin, tant qu'on ne déconstruire pas l'idée qu'un homme ne sait pas le faire ni par nature, ni par culture, alors tant qu'on aura pas inventé des robots baby sitters cela sera les femmes qui continueront à prendre en charge la marmaille.
Voici donc les dits conseils ; ils ont le format twitter, sont donc particulièrement simples voire simplistes ; néanmoins si vous avez besoin d'explications, dites le moi en commentaire et je détaillerai les points.
Je ne cautionne plus le harcèlement sexiste et j'aide une femme qui y est confrontée.
Je ne ris plus aux blagues machistes pour faire comme les autres pour éviter de me sentir isolé.
Dans la rue la nuit si une femme est seule, je la dépasse vite en me mettant sur le trottoir d'en face pour montrer que tout est safe.
Je ne me permets pas de valider par mes jugements le physique des inconnues dans la rue.
Je "n'aide" plus au ménage je fais ma part.
Quand une femme dit qu'elle a été harcelée, je l'écoute et je ne minimise pas.
Quand une femme veut rentrer seule le soir chez elle, je ne prétends pas qu'il va "lui arriver des trucs".
Je ne couche pas avec les filles qui jouent un jeu dangereux à base de "l'homme doit insister pour que je dise oui".
La séduction en système sexiste est fondée sur un schema simple (et c'est pourquoi elle est problématique). La femme minaude et n'envoie pas des signaux clairs de consentements ; l'homme doit insister - un temps indéfini - pour qu'elle dise oui. Ce "jeu" donne une certaine valeur au consentement de la femme (il comprend que je ne suis pas une pute) et une valeur à sa personne (il a insisté donc je compte à ses yeux).
Pourquoi est ce dangereux ? Parce que vous ne pouvez pas être sûr qu'elle est en train de jouer. Elle dit peut-être vraiment non en pensant non et vous n'avez pas beaucoup de moyens de le savoir.
Je ne vais pas appliquer les méthodes de PUA. Même si j'ai envie de niquer. j'ai une main. voire deux.
On ne demande des précisions sur ce point. Les PUA s'adressent par exemple aux hommes timides ou qui ne correspondent pas au schéma viril traditionnel en leur donnant des conseils. Ces conseils servent à leur faire acquérir des valeurs viriles (qui donc sont problématiques et oppressives par essence) et renforcent les stéréotypes sexistes en partant du principe qu'un homme doit être fort ou que la séduction est un jeu dominant/dominée. Les conseils en séduction expliquent aux hommes timides ou qui ne correspondent pas au mâle tradi, qu'ils doivent le devenir pour séduire et choper. Ils leur disent "ce n'est pas grave que tu sois comme cela car avec nous tu vas changer". Nulle part n'est évoquée l'idée qu'ils n'ont pas besoin de changer, que ce n'est pas leur comportement qui est problématique mais le sexisme. De plus vous constaterez que les conseillers en séduction partent du principe que c'est à l'homme de séduire.
Je ne couche pas avec une fille dont je ne suis pas sûr du consentement. Comment tu sais ? Si tu poses la question c'est que t'es pas sûr.
Je n'ai plus peur du jugement des autres hommes et j'évite les comportements sexistes.
Je cesse de me sentir visé quand on parle de viol et je tente d’écouter plutôt que de penser qu'on m'accuse.
Quand on te sort les stats sur les agressions sexuelles, au lieu de minimiser demander toi si tu n'as pas été l'un d'entre eux.
Quand on te parle de harcèlement de rue, au lieu d'expliquer qu'on ne "peut plus draguer" demande toi si tu n'as pas harcelé.
En tant qu'homme je ne refuse pas de dire que j'ai peur (par ex de rentrer seul).
Je refuse la violence systémique comme moyen d'expression et je m'interroge si j'y ai recours.
Je ne vis pas une demie molle comme un drame et je demande à mes partenaires d'en faire autant.
En tant que père, oncle, grand-frère, je n'interdis pas certains comportements à un petit garçon ; pleurer, les jeux dit "de fille"
Je renonce à la galanterie pour la politesse qui s'applique à tout le monde.
Contrepoint du 20. et si une fille veut pas baiser car tu n'as pas payé le restau.. tu n'as rien perdu, va.
Je m'interroge sur mon vocabulaire à base de "pédé" et autre "homme fragile" pour qualifier les comportements de copains ou faire rire la galerie.
Je ne me justifie pas 25 minutes quand j'ai regardé/lu/écouté une production qui n'est pas considérée comme typiquement masculine.
Ce qui est compliqué - je le sais pour l'expérimenter tous les jours lorsque je tente d'évaluer ce que je suis en tant que blanche/hétéro/cisgenre - est de prendre conscience que si un groupe est discriminé, il ne l'est pas tout seul, dans son coin. il l'est PAR RAPPORT A un autre groupe, qui a donc bien des avantages (ceci s'étudie évidemment à oppressions égales ; il est bien évident - et de très mauvaise foi - qu'on ne va pas mettre en face à face Oprah Winfrey et un SDF blanc). Et si vous appartenez à ce groupe, vous avez donc des avantages et vous discriminez l'autre groupe sans même le vouloir.
Je termine par une citation de Guillaumin.
"L'intériorisation de la clôture s'obtient par dressage positif et également par dressage négatif. Dans le premier cas : «Ta place est ici, tu es la reine du foyer, la magicienne du lit, la mère irremplaçable. Tes * enfants deviendront autistiques, caractériels, idiots, délinquants, homosexuels, frustrés, si tu ne restes pas à la maison, si tu n'es pas là quand ils rentrent, si tu ne leur donnes pas le sein jusqu'à trois mois, six mois, trois ans, etc., etc.» Bref, il n'y a que toi pour faire tout ça, tu es irremplaçable (surtout par un mâle). Dans le second cas : «Si tu sors, mes congénères te traqueront jusqu'à ce que tu renonces, te menaceront, te rendront de mille manières la vie impossible, épuisante. Tu as la permission (c'est un ordre) d'aller à l'épicerie, à l'école, au marché, à la mairie, et dans la rue principale où il y a les magasins. Et tu peux y aller entre sept heures du matin et sept heures du soir. C'est tout. Si tu fais autre chose tu seras punie d'une façon ou d'une autre, et d'ailleurs moi, je te l'interdis pour ta sécurité et ma tranquillité." Colette Guillaumin.
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