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La Russie partait grande favorite du concours Eurovision 2016. Malheureusement pour le fief de Vladimir Poutine, la victoire lui a été ravie au dernier moment par la chanteuse ukrainienne Jamala et sa chanson d’hommage aux Tatars de Crimée 1944, l’année de leur déportation par Staline. A Moscou, on a plutôt mal pris la défaite : “C’est la politique qui a battu l’art”, a affirmé le sénateur Frantz Klintsevitch. En recevant son prix, la concurrente de l’Ukraine a en effet affirmé que son triomphe était une preuve du soutien du vieux continent aux habitants de la péninsule annexée par l’armée russe en 2014 : “Ceux qui ont dit que l’Europe n’en avait rien à faire de nous ont pu voir que ce n’était pas vrai”.
Aux déclarations politiques de Jamala est venue s’ajouter une autre source d’embarras pour la Russie samedi dernier, quand le Sun britannique a révélé une étrange photographie de Sergey Lazarev. Le chanteur et ancien gymnaste sélectionné par la Russie pour la 61e édition de l’Eurovision y apparaît complètement nu, brandissant une scie mordue à son extrémité par une femme peu vêtue et enchaînée à un radiateur. D’autres photos de ce genre circuleraient actuellement sur des sites gay. Il n’en fallait pas plus pour que le tabloïd flanque Sergey Lazarev d’un “passé secret dans le porno fétichiste”. Le Kremlin lui-même a jugé bon d’adresser la rumeur en affirmant que ce cliché avait été réalisé dans le but de lutter contre les violences domestiques. Le Sun indique que Moscou aurait même engagé une équipe d’experts en informatique pour faire disparaître ces clichés du web.
La photo qui fait hurler le Kremlin
Vous savez ce qu’en pense le Tag Parfait : pourquoi devrions-nous nous soucier du passé de Sergey Lazarev, porno ou pas ? Malheureusement, la Russie n’est pas vraiment réputée pour son goût des contenus X ou son homophilie : en 2013, Vladimir Poutine a ratifié une loi qui interdit la “propagande homosexuelle” et la “promotion des relations sexuelles non traditionnelles” auprès des mineurs. Le code pénal russe interdit également la vente et la production de “pornographie illégale”, sans la définir précisément. Idéal pour frapper les internautes quand les autorités le désirent. Imaginez donc l’embarras des responsables politiques du pays si leur précieux candidat à l’Eurovision révélait un passé pornographique… C’est fort improbable – la Sun est un tabloïd – mais on y rêve tranquillement.
CamSoda est une nouvelle plateforme de webcam lancée sur le marché l’année dernière. On y retrouve évidemment des camgirls et des shows de porn stars, mais aussi de la cam en VR et une « maison voyeur » : la CamSoda House. Un temple du vice planqué à Miami, dans lequel une multitude de modèles se baladent sous l’oeil voyeuriste de caméras branchées non-stop, façon Secret Story.
Intrigué par ce concept de reality show porno, Gonzo m’a proposé d’inverser le concept de « camathon » et de passer 24h à observer cette micro-société. Je ne suis pas un grand consommateur de cam, mais l’idée de vivre une journée entière aux côtés de parfaits inconnus évoluant dans un espace clos m’a tout de suite séduit. J’ai donc accepté ma mission.
Paré pour la conquête du mondeEn fait, je n’ai pas vraiment passé 24h avec eux, l’histoire s’est réellement étalée de 14h00 (heures françaises) à 7h30 le lendemain. N’oubliez pas que quand il est 08h00 là-bas – l’heure où la plupart des habitants de la villa se réveillent – il est 14h00 en France. Cette expérience m’a obligé à passer une nuit complète devant mon écran, ponctuée de visites de mes collègues un peu saouls et de parties de League Of Legends, à observer des personnes boire, manger, faire du sport et se masturber. Pour l’occasion, Gonzo m’a acheté une ribambelle de produits censés assurer ma survie pendant la nuit : pop corn salé, Redbull, sandwichs triangles, Pasta Box et quelques 8.6 de circonstance (Bavaria, la seule, l’unique). Il m’a également crédité de 200 tokens, histoire de pouvoir participer activement à la vie de la maison pendant mon incursion en tant que Yann Dury, mon pseudo pour l’aventure.
Toutes les heures évoquées dans l’article seront calées sur le fuseau horaire de Miami.
Il est 08h00, le camathon peut commencer. J’ai un peu d’appréhension car je suis déjà complètement crevé, il est déjà 14 heures en France. Mais je me dis quand même que ça va être une chouette expérience. Je lance donc le stream. Tout le monde dort. D’accord, bon, on reviendra plus tard.
Il est 10h, la CamSoda House s’éveilleCe n’est que deux heures plus tard, vers 09h45, que la première camgirl se réveille. Elle s’appelle Charley Hart et c’est la seule qui dispose de sa propre room sur le site. Après une rapide toilette dans les règles de l’art – c’est à dire complètement nue -, Charley se prépare pour son premier show de la journée. Pas de place à l’improvisation dans la villa, tous les habitants disposent d’un emploi du temps pour leurs shows perso sur le site.
Pendant que Hart se prépare, je lâche mon premier tip : 6 tokens. Elle se détourne du miroir devant lequel elle se maquillait généreusement pour se tourner vers la caméra et me remercier d’un « THANK YOU YANNDURYYYYYY » des plus sincères. Je suis tout chose, c’est la première fois que je dispose réellement de tokens et que l’on me remercie pour un don.
Vers 10h35, du côté de la 70s Room, j’aperçois un mec et une fille qui papotent sous la couette. On est bien dans une situation typique de télé-réalité : les gens font leur vie, déambulent librement, cuisinent, sortent du lit. Mais qui dit enfermement dit aussi contact humain permanent, ce qui amène immanquablement son lot d’histoires et de disputes, même si j’avoue ne rien voir pour le moment.
À 10h42, toujours rien à signaler du côté des autres chambres. Après quelques recherches, j’apprends que le mec et la fille sont en fait un vrai couple de modèles connus du site. Daron, le patron de Camsoda, m’expliquera plus tard que c’est son équipe qui choisit les participants et que les candidats sont sélectionnés sur la base de critères physiques mais également sur leurs aptitudes à vivre en communauté. Mes attentes quant à la spontanéité des évènements qui pourraient se produire dans cette maison se voient donc légèrement revues à la baisse.
Je lâche 2 tokens de façon aléatoire dans la room de Charley. Elle regarde la caméra, se fend d’un énième « THANK YOU YANN DURYYYYYYY » puis se claque violemment la fesse. Un peu d’interaction, enfin, joie.
Il est 11h00 quand je découvre pour la première fois Vickistar. Elle se réveille doucement, visiblement la tête dans le cul. Un beau gosse du type surfeur californien – qui restera porté disparu jusqu’à la fin de la journée – se lève à son tour dans la Master Bedroom. Je profite de ce petit moment de flottement pour aller faire un tour virtuel du côté de la piscine, qui restera désespérément vide jusqu’à la tombée de la nuit.
On approche du déjeuner, nos gaillards se dirigent vers la grande cuisine américaine mise à leur disposition pour se constituer un encas.
À tout moment on peut communiquer avec eux. Des télévisions connectées au chat du site sont installées dans chaque pièce de la villa, permettant aux modèles d’interagir avec leur public. Pas de chance, dans la cuisine le son ne fonctionne pas, les grands signes de bras des camgirls pour me remercier ressemblent à des gesticulations de Sims affamés.
C’est vers midi que je bifurque sur la Master Bedroom où j’aperçois Kai Leigh qui prépare sa performance. Vous pouvez choisir de suivre son show en face en passant par le site de CamSoda ou au travers des caméras de sa House. Si vous choisissez la deuxième option, vous n’aurez aucune interaction avec la fille puisque toute son attention se portera alors sur les tippers du site.
Le show de Kai se révèlera somme toute classique, bien qu’elle soit dotée d’un bouli fort plaisant, similaire en taille au Texas. Je balance 2 tokens. Je suis jusqu’alors plutôt fier de moi et de mes actions philanthropiques, mais je suis vite devancé par un certain JordanSanchez23, qui passera le reste de la journée à m’humilier et à faire passer mes dons pour de vulgaires tickets resto.
Kai remballe alors le matos. Le mot de la fin reviendra à Jayeayee qui n’hésitera pas à demander sans pression « What race are u? ». Probablement une elfe de la nuit, Jay…
Une télé-réalité non censuréeJe quitte la room de Kai pour me diriger vers les douches. Dans la Girls Shower, je distingue Victoria qui se lave et deviendra plus tard mon unique raison de ne pas tout arrêter. Je zappe ensuite vers la Master Shower. Jackpot, Kylie et Stevie Fox ont entamé une douche en duo. Mais on en restera là, les deux se contentent de se passer un peu de gel douche. Je comprends alors que toutes ces mises en scènes et ces tableaux de la vie sont laissés en stream uniquement pour attirer les voyeurs. Nous sommes plus dans un schéma de télé-réalité non censurée pour des gens qui prennent plaisir à espionner la vie d’autrui que dans un cam-show permanent. Malgré cela, le moindre événement est susceptible d’être érotisé, comme quand Kylie annonce à Stevie d’une petite voix espiègle : « Hum, I need to clean my butt, can you Stevie?« .
Il est 14h16 et il ne passe pas grand chose, j’imagine que tout le monde déjeune de son côté. J’entraperçois une fille qui semble se lancer dans un show dans la Girls Room. Gros problème : les liens pour accéder aux cam-shows n’apparaissent jamais sur le chat. Après avoir lancé plusieurs appels désespérés pour obtenir ce foutu lien, j’abandonne.
Je tippe quelques tokens dans la cuisine par ennui pendant que certains s’empiffrent d’un petit déjeuner tardif. J’attire l’attention de Zaya Cassidy, qui quittera aussitôt la cuisine la bouche pleine en m’adressant un « coucou » un peu forcé.
Quelques minutes plus tard, c’est au tour de Vickistar d’entamer son show. Encore une fois, j’ai dû mendier un nombre indécent de fois le nom de la bonne room. Heureusement qu’une sorte de bot s’est enfin décidé à me répondre. Je me sens parfois mal à trop forcer comme ça sur le chat.
Le show se passe sans encombre, je ne vais pas disserter trop longtemps dessus, les images seront beaucoup plus parlantes. À noter, le « HELL YEAH » que je lance dans le plus grand des calmes après mon pauvre tip de 5 tokens. On se laisse quand même très vite emporter avec toute cette virtual money.
De 15h00 jusqu’à 17h00, tout le monde disparaît des écrans et la Villa se vide de ses habitants. J’apprendrai plus tard qu’il existe des salles qui sont hors caméra, où les gens peuvent se reposer à l’abri des voyeurs.
Petite pause salutaireC’est le moment qu’ont choisi deux collègues, Lula et Margode, pour débarquer au bureau un peu saoules. Il est 22h21 en France, et cela fait maintenant 8h que je suis devant la Camsoda House. Il est temps de faire le point en s’ouvrant une bière.
J’ai beaucoup de mal à rentrer dans cet univers. Gonzo m’a filé 200 tokens, mais je ne me sens pas puissant pour autant. Je tente quelques blagues, j’essaye de passer le temps en discutant, en buvant un coup, en scrollant Twitter. Mais tout ne se déroule pas comme je l’aurais espéré : il ne se passe strictement rien. Je me dis qu’il est encore tôt, que j’ai sans doute choisi le mauvais jour car nous sommes un mercredi… En même temps, je n’avais aucune envie de ruiner mon week-end à faire ça. J’attends avec impatience que la nuit tombe pour pouvoir pénétrer dans le vif du sujet, en espérant que quelques bouteilles seront ouvertes et qu’il commencera enfin à se passer des choses.
Il est 17h15 à Miami, mes collègues partent et c’est un peu éméché que je reprend ma route vers la Côte Est. Je zappe sur la Theater Room, qui fait de toute évidence office de salle commune. L’endroit est plutôt aéré, de bon goût. Une petite estrade surplombe un gigantesque canapé où ma douce sirène Victoria Ryan, la lumière sacrée qui me guidera cette nuit, commence à s’installer. Elle est rayonnante, elle dégage quelque chose de très sincère, contrairement aux autres cammeuses tombées dans la monotonie des semaines passées.
Un peu d’amour dans un monde d’ennuiAprès une une nouvelle bataille pour déterrer le nom de la bonne room sur la home du site, je triomphe enfin et ressens un extrême soulagement. Je décide d’allonger les tips, 5 tokens, puis 5 autres. C’est la première fois que je me sens réellement détendu et à la fois excité. Elle parle beaucoup et nous rappelle à chaque envolée lyrique qu’on est là pour tipper un maximum. Tel un cyborg, elle déclame comme une poésie tous les goals à atteindre pour arriver au Saint Graal du parfait spectateur : le buttplug. Ni une ni deux, j’aligne une fois de plus les tokens, jusqu’à atteindre l’extase absolue. Bon, techniquement je suis encore au bureau. En face de moi, Le Serbe est en train de bosser ses papiers pour Motherboard, il ne se passera donc rien malgré la teuf inattendue dans mon slip.
Bref, retour dans la room de Charley, même si elle est de loin la cammeuse que j’apprécie le moins, en tout cas physiquement. Je remarque qu’il y a beaucoup de passage dans sa chambre et qu’il peut parfois s’y passer des choses drôlement intéressantes, comme ce moment où Zaya Cassidy débarque en claquant violemment la porte, effectue un touchdown fantôme en baissant sa culotte, puis ressort aussitôt sans un mot. Okay Zaya, ça marche.
Il est déjà plus de minuit en France, je pars du bureau pour choper le dernier métro. J’espère ne rien rater, même si je suis persuadé que ça devrait aller compte tenu du vide abyssal que je subis depuis le début de la journée.
Il est 20h00 là-bas, je suis arrivé chez moi. J’ai un mal de bide incontrôlable, sûrement à cause de l’infâme Monster jaune au jus de pisse que j’ai bu à la hâte dans le métro.
Le ticket d’orJe zappe chaque room une à une jusqu’à apercevoir une silhouette humaine dans la 70s room. C’est Cecilia Lion, la petite métisse en couple avec l’inconnu dont je parlais au début. Elle se prépare elle aussi pour son show. Cette fois je ne vais pas aller pleurer dans le chat pour trouver où elle streame. Je me dirige vers la page d’accueil pour la trouver moi-même.
Une fois arrivé au bon endroit, la fenêtre se bloque automatiquement.
Surprise, il faut acheter un « Ticket d’Or » pour accéder à son show, mais il est hors de question que je claque ne serait-ce qu’un token pour une fille qui passe son temps à scroller Facebook sur son téléphone.
Je me contente de regarder quelques secondes du spectacle par le trou de la serrure du vestiaire des filles, c’est-à-dire discrètement par la 70s room.
Puis je rebondis vers la piscine, visiblement toujours aussi triste et déserte, surtout la nuit.
Dans la cuisine, ça s’active pour une petite bouffe à l’improviste. Encore une fois, rien d’extraordinaire. J’ai les nerfs en pelote. Il est temps de refaire un point sur la situation.
Au final, ce n’est ni un reality-show dénudé où les batailles de polochons et les verres de mojito font rage, ni un tourbillon permanent de performances de camgirls. CamSoda House est simplement une machine extrêmement bien huilée, où les shows s’enchaînent les uns après les autres, une sorte de camshow géant d’une seule et même structure.
Heureusement, par un heureux coup du destin, je retombe sur la Theater Room, où ma petite Victoria est en train d’entamer son second show. Je la rince comme il se doit pour l’occasion. De toute façon, j’en ai marre de faire incessamment le tour des pièces et de toujours passer par cette sinistre piscine abandonnée.
Il est 22h45, Victoria et Cecilia se lancent dans une séance de hula hoop dans l’Exercice Room. Le moment de décompresser un peu. Je me rends compte qu’il me reste une bonne quantité de tokens non-utilisés. Je leur lance donc des petits défis complètement extrêmes : 10 tokens si tu arrives à faire tourner deux cerceaux, 20 si tu sautilles en même temps. Les filles s’exécutent en me baragouinant des choses incompréhensibles à cause de ce foutu problème de microphone qui grésille.
Je commence vraiment à me sentir dans la peau d’un énorme stalker. Je n’ose plus trop interagir dans le chat, même si je n’ai pas complètement abusé de ce côté-là comparé à certains dont je tairai les pseudos. Je suis presque mal à l’aise quand je tippe et qu’elles crient mon nom pour la 50ème fois de la journée. J’ai l’impression qu’elles se disent « Putain, mais ce mec n’a vraiment aucune vie, il nous suit absolument partout depuis ce matin« . Alors que c’est finalement le but de tout ça, pouvoir stalker à l’infini, passer son temps virtuellement avec elles et les suivre dans les moindres recoins de leur intimité. La fatigue est probablement un vecteur de ce sentiment de gêne.
Clap de finMais fini de pleurer, il est 23h00, le camathon va j’espère bientôt toucher à sa fin. C’est du moins comme ça que je me rassure. Je suis complètement rincé, j’ai froid, j’ai faim et la gerbe à la fois. Mes yeux pleurent du sang de camgirl, mes mains sont endolories par ces clics incessants sur les croix directionnelles qui mènent aux différentes rooms. Il me reste de quoi me payer une des vidéos enregistrées qui sont parfois mises à disposition. J’estime pouvoir m’octroyer une petite session de fap après 18h à mater un incessant défilé de boulis de toutes formes. J’opte donc pour celle où Cecilia Lion couche impunément avec son copain devant une fille qui s’en bat visiblement les reins, le nez plongé dans Snapchat.
Je vous en ai même fait un GIF
Il est 23h30, les lumières s’éteignent petit à petit, comme les deux hémisphères de mon cerveau. On peut faire un rapide résumé de toute cette histoire à l’aide d’une seule question rhétorique : qu’est-ce que tout ça m’a apporté ? Vous vous en doutez bien, absolument rien, quedal, nada. Comme la plupart des utilisateurs de Periscope, j’ai brassé du vide, mais cette fois-ci pendant une journée entière. Je reste néanmoins perplexe quant à l’ironie de la situation : j’ai tout de même fini par fapper, pas tout à fait grâce à toi CamSoda, mais bien à l’aide d’une bonne vieille vidéo enregistrée sur ton site.
Vu sur Mon Cher Stagiaire, Anouk Laclos
Le titre ne me plaisait pas, la couverture encore moins, mais j’ai été intriguée par…
Cet article provient de Littérature érotique
Connaissez-vous Peau d’âne ? A l’origine, c’est une légende chrétienne qui raconte comment, pour échapper aux hommes, une femme fut transformée en créature poilue. Elle fut nommée sainte Wilgeforte. C’est la sainte des femmes mal mariées.
L’histoire de Peau d’âne commence en Cappadoce (Turquie). L’Eglise du serpent de Goreme contient une fresque qui représente un saint barbu à la poitrine de femme qui dissimule son entrejambe derrière une feuille de plante indéterminée… Ce saint nommé Onuphrius (Onuphre), est un transexuel hermaphrodite qui fut canonisé au IVe siècle. A l’origine, il, ou plutôt elle, était une magnifique prostituée jusqu’à ce qu’elle entende la voix de dieu et se convertisse au christianisme. Comme ses anciens clients la harcelaient, ne cessant de réclamer ses faveurs et, au besoin, de la violenter, elle pria dieu qu’il la rende laide. Dieu alors vint à son aide, la pourvoyant de caractéristiques mâles. Elle garda sa belle poitrine mais il lui poussa une barbe. Les hommes, dès lors, la laissèrent en paix.
Le grand succès des hommes et des femmes sauvages
Le culte d’Onuphre fut particulièrement important pendant les XV et XVIe siècles qui vit proliférer les représentations d’hommes et de femmes sauvages, à la nudité masquée par de longs poils de bête… Ces créatures étaient très populaires. Elles ornaient jusqu’aux vitraux, tapisseries, plats, coffres, saillies de gouttières et jeux de cartes. «On les trouvait dans les marges des livres, les stalles du chœur à l’église et sur les portes des cathédrales. Partout où les gens regardaient, ils se trouvaient face à des êtres sauvages et velus», raconte la chercheuse Merry Wiesner-Hanks. Durant cette même période, un autre culte se développa à travers toute la chrétienté : celui de saint Wilgefortis, également connue sous le nom de sainte Wilgeforte (littéralement «Vierge forte», du latin virgo fortis). Une autre femme à barbe, mais bien plus connue encore. D’où lui venaient ses poils ? Les versions de sa légende diffèrent.
La légende de sainte Wilgeforte
«C’est au XIVe siècle que l’histoire de sainte Wilgeforte […] est relatée pour la première fois. On racontait que Wilgeforte était la fille chrétienne d’un roi païen du Portugal et qu’elle voulait fuir un mariage arrangé. Elle pria pour un miracle et Dieu recouvrit son visage de poils. Son fiancé refusa alors de l’épouser et son père la fit crucifier», résume la chercheuse. Dans d’autres légendes, en Bavière par exemple, «Kümmernis est la fille d’un prince portugais qui conçoit envers elle une passion incestueuse. Affligée, elle demande au Christ de changer sa beauté en laideur. Son père, la voyant barbue, la fait crucifier pour qu’elle partage le sort de son céleste époux.» C’est de cette version-là certainement que dérive le conte de Peau d’âne : l’histoire d’une jeune femme que son père trouve si belle qu’il en tombe amoureux. La jeune fille s’interroge : que faire pour empêcher les noces ?
Comment empêcher une union incestueuse ?
Refusant d’épouser son père, la jeune fille n’a d’autre choix que demander la peau d’un âne, puis fuir loin du palais cachée sous cette pelure puante et répugnante. On ne voit plus sa beauté. On ne voit plus qu’une souillon emmitouflée dans des poils laineux, emmêlés, dissimulant son visage sous la défroque animale. Il s’agirait du premier conte de fée écrit en français : Charles Perrault le publie en 1694. Les frères Grimm en fournissent une version légèrement différente intitulée Allerleirauh : Peau de mille-bêtes ou Toutes-Fourrures (1812). Dans cette version, l’héroïne porte un manteau de mille fourrures qui l’apparentent à un monstre. Elle échappe donc au sort funeste : la menace du mariage est écartée. La morale triomphe. Le bien sort vainqueur.
Délivrez-moi du mâle
Certainement, Peau d’âne et Toute-fourrure dérivent des récits d’inspiration chrétienne qui circulent du Nord au Sud de l’Europe, avec pour figure commune : une femme délivrée, qui a échappé au danger par la grâce d’une brutale éruption de poils. Wilgeforte. La «Vierge forte» est une sainte presqu’aussi populaire que Marie-Madeleine, l’ancienne prostituée qu’on représente alors nue sous une toison échevelée. Quand plus rien ne peut protéger une femme des assauts sexuels et des violences mâles, les poils deviennent l’ultime rempart. On prie Wilgeforte pour être sauvée. Cela fait d’elle l’icône par excellence des épouses battues et des jeunes filles livrées de force à des brutes.
Quand le mari «encombre», on prie sainte Wilgeforte
«Que ce soit là ou non l’origine réelle de la légende de Wilgeforte, celle-ci s’était répandue au XVe siècle à travers l’Europe et Wilgeforte devint une sainte très populaire, surtout auprès des femmes. Elle portait un nom différent dans chaque pays : Uncumber en Angleterre, Kümmernis en Allemagne, Ontkommer aux Pays Bas, Liberata en Italie, et d’autres encore. Souvent, ces noms étaient dérivés de mots signifiant “libérer de” (quelque chose). C’était une sainte particulièrement aimée des femmes qui souhaitaient justement être libérées du joug d’un mari abusif.» Ainsi que le souligne Merry Wiesner-Hanks uncumber en anglais est une forme ancienne du mot disencumber qui signifie «désencombrer», «décharger». Sainte Ucumber, débarrassez-moi de mon époux ! Déchargez-moi de ce fardeau vivant. En français on l’appelle sainte Livrade, parce qu’elle délivre. Ou Sainte Débarras, pour «Bon débarras».
Une sainte peu orthodoxe…
«Les penseurs de l’époque ne voyaient souvent pas ce culte d’un bon œil et alléguaient que les femmes s’y adonnaient lorsqu’elles voulaient se débarrasser de leur mari, violent ou non. Thomas More nota en 1529 que “les femmes ont ainsi changé son nom et au lieu de sainte Wilgeforte l’appellent désormais sainte Uncumber car elles ne doutent pas que celle-ci les déchargera de leur mari.” Lors de la Réforme protestante en Angleterre, les icônes de sainte Uncumber furent détruites et brûlées mais elle resta très appréciée dans le reste de l’Europe et fut même ajoutée à la liste officielle des saints catholiques en 1583.» L’Eglise cependant ne pouvait au XXe siècle accepter en son sein une sainte si séditieuse. Par un curieux hasard, son nom sera retiré en 1969 «tout comme celui de saint Valentin et d’autres saints dont l’existence était jugée incertaine». L’année érotique a donc tué la Vierge forte ?
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A LIRE : «Les Gonzales, famille sauvage et velue», de Merry Wiesner-Hanks, article publié dans la revue Apparence(s), n°5, 2014.
Sexological and other less Logical stories, de Johan Mattelaer, éd. EAU, 2013.
« La Barbe, groupe d’action féministe» part à Beauvais en pelerinage pour rendre hommage a Sainte Débarras. La vidéo est sur YouTube.
NOTE
(1) Hans Memling représente Ste Wilgefortis sur un des panneaux du triptyque Adriaan Reins, qui se trouve à l’Hôpital St Jean de Bruges.
POUR EN SAVOIR PLUS. Sur Saint Onuphre: un article publié de Terre d’Israel. Sur sainte Wilgeforte : un article de carmina-carmina.com.
ILLUSTRATIONS : fresque de l’Eglise du serpent à Goreme représentant St Onophrius ; peinture de l’artiste Geneviève Van der Wielen (le blog de l’artiste :http://genevievevanderwielen.blogspot.com) représentant une femme en prière ; sculpture de Ste Wilgeforte en croix à l’église de Wissant ; photos de sculptures de Wilgeforte en croix publiées sur le site Le coin de l’énigme.