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«Sida ou pas, c’est sans capote. Je ne demande rien à personne. Je baise avec des adultes, ils savent que le sida est là. Ils acceptent de le faire sans capote. Je ne leur demande rien, ils ne me disent rien.» Ce témoignage d’un barebacker trentenaire romand risque d’emblée de provoquer des remous et des cris d’orfraies, voire de la révulsion. Les homosexuels qui couchent sans préservatif, tous des têtes brûlées façon James Dean, live fast, die young?
«Pour moi, un mec qui est capable de se faire prendre à la chaîne par une dizaine d’autres, je dois dire que ça inspire le respect»
Pour sortir de cette catégorisation réductrice, qui englobe les rapports sans protection dans la définition de sexualité à risque, Gary Crosilla, doctorant en études genre à l’Université de Lausanne, a interrogé des hommes pour discerner les valeurs et la symbolique qui se cachent derrière ces parties de jambes en l’air sans capote. Tant pour montrer qu’il s’agit d’un acte volontaire et non pas d’un oubli du préservatif, mais aussi pour donner des pistes pour les campagnes de prévention.
VIRILITÉ ET PREUVE D’AMOUR
Dans Vous avez dit bareback?, Gary Crosilla donne des pistes d’explications sur les pratiques de ces hommes, certes minoritaires, qui ne se protègent volontairement pas. Tout est dans le «volontairement». Oui, être barebacker implique des valeurs partagées par un groupe, loin d’une simple prise de risque inconsciente ou d’un manque d’information: «Parmi les personnes interrogées, plus d’un tiers ont répondu que le barebacking était de l’inconscience. Néanmoins, lorsque l’on regarde le profil socio-économique des barebackers, il s’avère que ces derniers ont un niveau d’éducation élevé et qu’ils ont hautement conscience des risques», précise le chercheur.
Alors pourquoi? Est-ce seulement l’excitation du risque? Non. L’un des éléments importants du bareback est la recherche et l’affirmation de sa virilité, de montrer qu’on est un homme, un vrai: «L’homme pénétré ne prend pas le rôle de soumis, de passif, donc le rôle attribué à la femme, mais affirme son rôle d’homme car il endure la douleur, une valeur virile, et affronte également la peur de la contamination au virus du sida», relève Gary Crosilla. L’un des barebackers, lui, raconte son admiration pour le sexe en groupe et souligne ce propos: «Pour moi, un mec qui est capable de se faire prendre à la chaîne par une dizaine d’autres, je dois dire que ça inspire le respect.»
«La prévention n’emmerde pas les hétéros qui ne se protègent pas»
L’échange de fluides a également une valeur symbolique pour ceux qui décident d’abandonner le préservatif. «Pour les barebackers revendiqués, le partage du sperme et l’analité sont les éléments symboliques les plus pertinents pour se définir », analyse Gary Crosilla. Certains barebackers participent à des «conversions parties», soirées durant lesquelles l’idée centrale peut être la transmission volontaire du VIH à un partenaire. Par cet acte, ils jurent fidélité et amour à leur partenaire, puisque la personne qui transmet le virus laissera une trace à vie sur la personne à laquelle elle le transmet. Enfin, Gary Crosilla ajout encore: «Un des hommes que j’ai rencontré m’a expliqué que le non-port du préservatif est une absence de barrière entre les corps, et que cela engendre une proximité supérieure, donc un partage de confiance.»
Un problème pour la prévention
Et si cette pratique du sexe sans capote n’était que l’influence des films porno estampillés «bareback» qui fleurissent sur la toile, et inciteraient à des relations sexuelles non-protégées? Le doctorant lausannois nuance cette vision: «L’industrie du porno répond avant tout à une demande. Les gens veulent voir, s’exciter en visionnant ces scènes, mais il n’y a pas à proprement parler une éducation au barebacking.» Pourtant, continue-t-il, ces contenus ont une incidence sur les pratiques réelles: «Les personnes qui consomment ce genre de films se disent «Je dois faire ça, le sexe, c’est ça» et tentent de reproduire dans leur relation sexuelle ce qu’ils ont vu dans le dernier porno qu’ils ont vu. On remarque toutefois que la plupart d’entre-eux ne passent pas à l’acte et les barebackers n’ont pas besoin de consommer de films pornographiques pour réaliser – voire construire – leurs fantasmes.»
«Je veux juste qu’on me laisse baiser comme je veux»
Sauf que cela dépasse la seule mode du copier-coller. Le comportement de certains barebackers peut parfois s’expliquer comme une réponse à ce qu’ils considèrent comme «une aliénation» du milieu gay. «Ces pratiques s’inscrivent dans une contestation face à la pratique du safe-sex chez les homosexuels. Il s’agit pour les barebackers de montrer leur rejet face à l’hétéronormalisation du milieu homosexuel masculin», commente Gary Crosilla. En témoigne ces propos d’un barebacker: «Je ne peux pas dire que le bareback c’est du sexe sans protection. C’est trop réducteur. A ce moment-là, tous les hétéros qui s’envoient en l’air font du bareback. Et eux, on ne va pas les emmerder avec de la prévention.»
«Emmerder», le mot est lancé. L’un des barebackers le reconnait: «Je sais que je prends des risques. Je ne demande rien à personne, je veux juste qu’on me laisse baiser comme je veux. Pour moi, le bareback ne peut pas être réduit à la simple prise de risque!» Selon Gary Crosilla, la prévention met dans le même panier les barebackers, qui ne se protègent pas volontairement, avec les personnes qui prennent des risques par manque de connaissances.
L’un des buts de cette étude était de comprendre le barebacking en Suisse romande: «La santé publique n’en a pas une vision globale et ne prend pas en considération toutes les questions inhérentes à cette pratique. C’est surtout la mise en avant de l’inconscience qui prévaut dans le milieu de la prévention», pointe le chercheur. Parfois même, le milieu de la prévention ne sait pas de quoi il s’agit: «Lorsque j’ai interrogé une personne dans une institution de santé homosexuelle, elle m’a répondu “C’est quoi le barebacking?”. La pratique est restée trop longtemps invisible et passée sous silence et doit être ex- posée au grand jour par la santé publique en Suisse!»
L’éclairage de Vincent Jobin, responsable santé chez Dialogai«Depuis quelques années, la norme a changé. Je remarque, chez les moins de 30 ans, une baisse de l’utilisation du préservatif. L’évolution de la trithérapie contre le VIH a changé la vision qu’ils portent sur cette problématique, comme si on pouvait désormais vivre avec normalement. Il
y a un déni du virus du sida et un silence des personnes concernées par peur de la sérophobie. Ces pratiques peuvent aussi être une réponse à l’angoisse ou à la dépression, un abandon de soi pour ne pas affronter la réalité trop stressante. Quant à une prévention spécifique, elle se fait généralement de façon adaptée en fonction de ce que vivent nos interlocuteurs afin de transmettre les messages adaptés.»
Lorsqu’un cadavre anonyme arrive à la morgue et qu’il n’en reste plus grand chose, à part des os, il faut d’abord déterminer son sexe. Par où commencer ? La largeur du bassin ? Le poids des os ? La taille du crâne ?
Identification du squelette : quel pourcentage de réussite ?
Lorsqu’un médecin légiste doit identifier un squelette, il essaye d’abord de savoir si la personne était mâle ou femelle. Est-ce facile ? «Non, répond Evelyne Peyre. Il est impossible d’estimer le sexe de plus de la moitié de la population. Seulement 30% des squelettes sont réellement identifiables.» Paléoanthropologue au Muséum d’histoire naturelle, chargée de recherche au CNRS, Evelyne Peyre mène depuis des années un travail de recherche sur ce qu’elle nomme «le sexe osseux» : au moment de son Doctorat, il lui faut recoller bout à bout les os d’environ 300 mérovingiens, tous habitants d’un même village situé en Ile-de-France. Sa recherche a pour objectif l’étude de l’évolution du crâne. Mais pour effectuer sa recherche, elle doit d’abord identifier les corps : «Il fallait au préalable les classer par sexe… suivant quel critère ?». Evelyne Peyre prend sur chaque squelette 300 mesures qu’elle passe au crible, en cherchant «la variable» : la mesure qui distinguerait au mieux le groupe femme du groupe homme. Elle finit par trouver : la hauteur de la symphyse mandibulaire (du menton) fournit les chiffres les plus parlants. Mais d’autres chercheurs suggèrent d’autres variables, à leurs yeux plus pertinentes… variables elles-mêmes variables, soumises à quantité de remises en question et toujours sujettes à caution. Rien n’est simple non plus quand il s’agit d’autres estimateurs biologiques du sexe. La meilleure preuve qu’en fournit Evelyne Peyre se trouve dans un ouvrage passionnant qui rassemble exclusivement les travaux de scientifiques : leur vision de la différence homme-femme s’appuie sur les dernières découvertes en matière de biologie, endocrinologie ou génétique. Dans cet ouvrage intitulé Mon corps a-t-il un sexe ?, Evelyne Peyre s’amuse à recenser les études publiées depuis un demi-siècle sur le sexe osseux. Le nombre des recherches ne cesse d’augmenter depuis les années 1940… en même temps que les certitudes s’effondrent. Un seul article en 1945, 10 en 1968, 93 en 2012, deux articles par semaine en 2014 sont publiés sur la base Medline. «L’étude du sexe osseux est un champ scientifique en pleine expansion», souligne Evelyne Peyre. Ce qui prouve bien l’ampleur de la tâche. S’il était si facile d’identifier des squelettes, pourquoi autant d’articles seraient-ils consacrés à la question ?
La taille du squelette est-elle un critère valable ?
Quand les gens sont en vie, il est facile de les identifier. Quand ils meurent, la chair molle des organes génitaux disparaît… et les difficultés commencent. Dans le chapitre «Sexe des os» du livre Mon corps a-t-il un sexe ?, Evelyne Peyre résume le contenu d’un millier d’articles publiés par Medline sur les identifications de squelette : «Ces résultats confirment que le sexe osseux reste une question complexe. Ils prouvent que notre corps manifeste des variations d’expression d’un trait sexué à l’autre chez un même individu : par exemple, un squelette de petite taille, aux arcades sus-orbitaires très saillantes, peut aussi bien être celui d’un homme petit ou d’une femme au crâne masculin. »
Pour donner un exemple, Evelyne Peyre évoque la taille des individus : «La moyenne des hommes en France est de 175 cm et 161 cm pour les femmes (2). Cela signifie que 50% des femmes mesurent plus de 161 cm et 50% des hommes mesurent moins de 175 cm. Les individus mesurant entre 161 et 175 cm – qui sont de taille moyenne – peuvent être avec la même probabilité un homme ou une femme. Si un squelette mesure 169 cm, on ne peut rien en déduire : s’agit-il d’une grande femme ou d’un petit homme ? Si le squelette fait 145 cm c’est probablement une femme… Mais connaissez-vous beaucoup de femmes de 145 cm ?». Les «vraies» femmes sont rares, autant que les «vrais» hommes dans la population. Qu’il s’agisse de personnes en chair ou en os, cela revient au même : les gens sont plutôt de taille moyenne, avec des corpulences moyennes, des squelettes moyens, etc. Pour le dire en une phrase : «Les traits osseux sexués répartissent une communauté selon un continuum dont la distribution gaussienne rend impossible la prédiction du sexe chez plus de la moitié de la population et ne permet d’identifier comme hommes et femmes que les sujets dont le squelette extrême est le plus éloigné de la “norme“».
Les os des femmes sont-ils plus légers ?
«Tout dépend de l’accès aux ressources nutritives et du mode d’alimentation», répond Evelyne Peyre. Autrement dit : les différences homme femme inscrites dans le corps peuvent avoir une origine environnementale et culturelle. «Le squelette se forme jusqu’à l’âge de 19 ans. Or il s’avère qu’à l’heure actuelle 20% des jeunes adultes françaises sont anorexiques. Lorsqu’on examinera leur squelette dans un siècle, il y a de fortes probabilités que tous les squelettes présentant des signes d’ostéoporose seront identifiés comme ceux de femmes, parce qu’elles auront subi les séquelles de la malnutrition.» C’est la même chose quand on examine les squelettes de villageois français des siècles passés : les os des femmes portent les stigmates évidents de leur sacrifice. «Jusqu’à récemment encore, dans les familles paysannes pauvres, lorsqu’il n’y avait qu’un morceau de viande, il était pour le chef de famille. Quand il y en avait un deuxième, il était pour le fils ainé. Les femmes, elles, en général buvaient le bouillon de cuisson. Les protéines, c’était en priorité pour les hommes.» Impossible d’identifier le sexe d’un squelette, sans avoir une connaissance précise des habitus d’une population : les hommes et les femmes développent leur corps selon des activités qui leur sont parfois propres. Il y a des gestes répétés de travaux dont les femmes ont le monopole, par exemple, et l’usure de certains de leurs os sert donc d’indice très fort pour les identifier. Le fait que les femmes se soumettent à des critères de beauté comme la minceur n’est pas non plus anodin : la minceur acquise par défaut nutritionnel laisse son empreinte sur le squelette. De même que le sport extrême. Les activités physiques, les coutumes alimentaires ou vestimentaires, «ça marque l’os, résume Evelyne Peyre. Les inégalités sociales économiques aussi marquent l’os. Dans les cultures qui attribuent moins d’importance au sexe dit “faible“, les squelettes présentant des symptômes de carence alimentaire sont plus souvent ceux des femmes…». Ce que l’on attribue à la constitution «naturelle» des femmes relève donc surtout de la construction : le squelette ne naît pas faible, il le devient.
Le bassin des femmes est-il plus large ?
Quid de cette activité proprement féminine, et biologique, qu’est la procréation ? Ne nécessite-t-elle pas un bassin plus large afin que le foetus puisse «sortir» ? Pour July Bouhallier, une des plus grandes spécialistes en France du bassin osseux et spécialiste de la parturition dans l’évolution humaine, c’est une idée reçue : «Il faut cesser de dire que la largeur des hanches joue un rôle dans la gestation et dans le passage de l’enfant lors de l’accouchement. Les femmes ont des hanches plus larges à cause de la graisse et de leur taille fine, ce qui n’a rien à voir avec les os…». En général, la taille du bassin n’est pas aussi dissemblable qu’on aimerait qu’il soit entre les femmes et les hommes (3). Quant à sa forme… elle résulte d’une adaptation à la marche en posture debout. July ajoute : «L’histoire de cet os est intimement mêlée à celle de la bipédie acquise il y a 6 millions d’années. Les contraintes liées à l’accouchement ne représentent qu’une partie des fonctions qu’assument le bassin et ne concernent que sa partie «creuse», la cavité pelvienne. La morphologie du bassin dépend pour l’essentiel des contraintes exercées par la locomotion et la contention des viscères, mais aussi du mode de vie : les facteurs individuels – âge de l’acquisition de la marche, nutrition, activité physique – jouent beaucoup…». Nous avons un bassin de bipède avant tout, dit-elle. Sa forme s’est constituée sous l’effet de pressions majeures d’un tout autre ordre que sexuées : l’adoption du déplacement sur deux pattes. Dans Mon corps a-t-il un sexe ?, le chapitre dédié au bassin comporte cependant trente pages d’explications serrées… Le sujet est rien moins que facile. Quid de la cavité pelvienne par exemple ? C’est par là que passe le foetus, au moment de l’accouchement…
La cavité pelvienne des femmes est-elle gynécoïde ?
July Bouhallier répond : «En matière de procréation, ce qui compte ce n’est pas la largeur du bassin, c’est la largeur de sa cavité pelvienne.» En 1933, les médecins Caldwell, Moloy et d’Esopo établissent d’après radiographies qu’il existe quatre types majeurs de cavités pelviennes : anthropoïde (ressemblant vaguement à celui des grands singes)
gynécoïde (féminin)
androïde (masculin)
platypelloïde (plat).
Ils affirment que la forme gynécoïde – ronde, d’un diamètre de 12 centimètres – est présente chez 41% des femmes européennes. Suite à quoi, le type gynécoïde devient le «bassin obstétrique idéal», considéré comme le plus adapté au travail de parturition… En 1952, un autre chercheur – Snow – procède à des radiographies. Il ne trouve que 30% de bassins gynécoïdes chez les femmes. En 2000, July Bouhallier s’y attelle à son tour. Elle démontre par une analyse morphométrique de la cavité pelvienne que « le bassin gynécoïde n’est pas le bassin féminin par excellence partagé par toute la population féminine.» En clair : on trouve les morphotypes dans les deux sexes. Les hommes peuvent avoir un bassin gynécoïde. Les formes de bassins propres à une histoire de vie sont bien plus nombreux que les 2 morphotypes censés représenter l’humanité femelle et mâle. «Les types pelviens existent dans toutes les populations humaines, dit July, et aucun ne caractérise une population en particulier. Attribuer aux femmes le type gynécoïde, c’est comme définir ce qui est un corps de femme “typique“ par le corps de Marilyn Monroe et celui de l’homme typique par celui d’Arnold Schwarzenegger».
Le bassin est-il un critère universel d’identification du sexe ?
«L’éventail de la variabilité humaine est tel que la majorité des humains partagent des formes pelviennes qui ne sont pas liées au sexe (4)», affirme July Bouhallier. Mieux : selon les populations, ce n’est pas le creux du bassin, ni la taille du squelette, ni la densité des os qui permet de distinguer les hommes des femmes… Ainsi que l’explique Evelyne Peyre : «le sexe osseux est désormais recherché sur la mandibule des Coréens, la clavicule ou la rotule des Iraniens, les métacarpiens (main) des Thaïs, l’astragale (cheville) des Égyptiens, l’omoplate ou le bassin des Grecs, le bassin ou le carpe (poignet) des Mexicains, l’humérus (bras) des Crétois…». Elle cite encore une dizaine d’autres exemples. Dans le sud est de la France, c’est à leurs dents qu’on identifie le sexe des squelettes. En Australie de l’Ouest : à leur sternum. En Crète : à l’humérus. Il n’existe aucun critère absolu d’identification du sexe osseux. Tout dépend de l’époque et du lieu : chaque population possède ses propres caractéristiques, qui dépendent des coutumes alimentaires, des gestuelles adoptées au travail, etc. Autrement dit, conclut Evelyne Peyre : «le squelette est une mémoire “vivante“ de notre histoire. Le “lire“, c’est décrypter les informations enregistrées au niveau du temps long de l’évolution ou du temps court de la vie particulière».
Mon corps a-t-il un sexe ? d’Evelyne Peyre et Joëlle Wiels, éditions La Découverte. Sortie le 12 février 2015. Evolution de la fonction obstétricale chez les
hominoïdes: analyse morphométrique tridimensionnelle de la cavité pelvienne
chez les espèces actuelles et fossiles
, de July Bouhallier, 2006.
NOTES
(1) « Il est très aisé d’interpréter la morphologie d’un bassin féminin en raison de la très grande implication de cet os dans les processus physiologiques propres à la femme que sont la gestation et la parturition. La valeur d’indice des traces y est très importante. Outre l’aspect dichotomique de la caractérisation dont nous avons parlé précédemment, l’identification et l’interprétation de l’indice fait avec un taux de fiabilité très élevé, autorise une diagnose sexuelle correcte dans plus de 95 % des cas. » (Source : article du socio-anthropologue Pascal Adalian, en ligne ici)
(2) Chiffres 2007. Source : Wikipedia.
(3) La taille du bassin est aussi la même chez les petites femmes aux hanches larges et les grandes gigues filiformes. On peut avoir des hanches d’homme et accoucher sans plus de difficulté qu’une modèle de Botticelli. Comme dit July Bouhallier : « Le bassin n’est ni lié à la largeur des hanches, ni lié à la stature (fondamental ! les femmes petites n’ont pas de petits bassins !) et ne participe pas à la contention du foetus lors de la grossesse puisque c’est la sangle abdominale qui maintient l’enfant. De plus, quand on entend dire d’une femme que ses larges hanches lui permettront d’accoucher facilement, c’est une erreur : les hanches peuvent être larges et l’intérieur du bassin très petit.» (Entretien par courriel, 14 février 2015)
(4) « Les caractères du bassin propres à la parturition donc typiquement féminin reste très «intime» et caché puisqu’il ne concerne qu’une cavité formé par trois os. Trois os dont la forme dépend des muscles, de la croissance et de son arrêt, de la nutrition... on est loin d’un bassin féminin dont la forme serait déterminée et reconnaissable par sa seule fonction d’accoucher les petits de l’espèce. Et ce creux entre les trois os du bassin n’est pas que le lieu de passage d’un enfant. On y trouve des organes, dont la mobilité varie, des artères et des nerfs, de la graisse parfois sans oublier que deux puissants muscles pour maintenir le tronc droit viennent chevaucher en partie l’ouverture de ce petit bassin. » (Source : July Bouhallier, courriel).
LIENS : Lucy est-elle Lucien ? ; Institut Emilie du Chatelet, colloque «Mon corps a-t-il un sexe ?», 2012.
Illustrations : Les images en haut sont signées Antoine Bernhart. Les schémas de bassins viennent du livre Mon corps a-t-il un sexe ? et illustrent l’article signé par July Bouhallier.
Lorsqu’un cadavre anonyme arrive à la morgue et qu’il n’en reste plus grand chose, à part des os, il faut d’abord déterminer son sexe. Par où commencer ? La largeur du bassin ? Le poids des os ? La taille du crâne ?
Identification du squelette : quel pourcentage de réussite ?
Lorsqu’un médecin légiste doit identifier un squelette, il essaye d’abord de savoir si la personne était mâle ou femelle. Est-ce facile ? «Non, répond Evelyne Peyre. Il est impossible d’estimer le sexe de plus de la moitié de la population. Seulement 30% des squelettes sont réellement identifiables.» Paléoanthropologue au Muséum d’histoire naturelle, chargée de recherche au CNRS, Evelyne Peyre mène depuis des années un travail de recherche sur ce qu’elle nomme «le sexe osseux» : au moment de son Doctorat, il lui faut recoller bout à bout les os d’environ 300 mérovingiens, tous habitants d’un même village situé en Ile-de-France. Sa recherche a pour objectif l’étude de l’évolution du crâne. Mais pour effectuer sa recherche, elle doit d’abord identifier les corps : «Il fallait au préalable les classer par sexe… suivant quel critère ?». Evelyne Peyre prend sur chaque squelette 300 mesures qu’elle passe au crible, en cherchant «la variable» : la mesure qui distinguerait au mieux le groupe femme du groupe homme. Elle finit par trouver : la hauteur de la symphyse mandibulaire (du menton) fournit les chiffres les plus parlants. Mais d’autres chercheurs suggèrent d’autres variables, à leurs yeux plus pertinentes… variables elles-mêmes variables, soumises à quantité de remises en question et toujours sujettes à caution. Rien n’est simple non plus quand il s’agit d’autres estimateurs biologiques du sexe. La meilleure preuve qu’en fournit Evelyne Peyre se trouve dans un ouvrage passionnant qui rassemble exclusivement les travaux de scientifiques : leur vision de la différence homme-femme s’appuie sur les dernières découvertes en matière de biologie, endocrinologie ou génétique. Dans cet ouvrage intitulé Mon corps a-t-il un sexe ?, Evelyne Peyre s’amuse à recenser les études publiées depuis un demi-siècle sur le sexe osseux. Le nombre des recherches ne cesse d’augmenter depuis les années 1940… en même temps que les certitudes s’effondrent. Un seul article en 1945, 10 en 1968, 93 en 2012, deux articles par semaine en 2014 sont publiés sur la base Medline. «L’étude du sexe osseux est un champ scientifique en pleine expansion», souligne Evelyne Peyre. Ce qui prouve bien l’ampleur de la tâche. S’il était si facile d’identifier des squelettes, pourquoi autant d’articles seraient-ils consacrés à la question ?
La taille du squelette est-elle un critère valable ?
Quand les gens sont en vie, il est facile de les identifier. Quand ils meurent, la chair molle des organes génitaux disparaît… et les difficultés commencent. Dans le chapitre «Sexe des os» du livre Mon corps a-t-il un sexe ?, Evelyne Peyre résume le contenu d’un millier d’articles publiés par Medline sur les identifications de squelette : «Ces résultats confirment que le sexe osseux reste une question complexe. Ils prouvent que notre corps manifeste des variations d’expression d’un trait sexué à l’autre chez un même individu : par exemple, un squelette de petite taille, aux arcades sus-orbitaires très saillantes, peut aussi bien être celui d’un homme petit ou d’une femme au crâne masculin. »
Pour donner un exemple, Evelyne Peyre évoque la taille des individus : «La moyenne des hommes en France est de 175 cm et 161 cm pour les femmes (2). Cela signifie que 50% des femmes mesurent plus de 161 cm et 50% des hommes mesurent moins de 175 cm. Les individus mesurant entre 161 et 175 cm – qui sont de taille moyenne – peuvent être avec la même probabilité un homme ou une femme. Si un squelette mesure 169 cm, on ne peut rien en déduire : s’agit-il d’une grande femme ou d’un petit homme ? Si le squelette fait 145 cm c’est probablement une femme… Mais connaissez-vous beaucoup de femmes de 145 cm ?». Les «vraies» femmes sont rares, autant que les «vrais» hommes dans la population. Qu’il s’agisse de personnes en chair ou en os, cela revient au même : les gens sont plutôt de taille moyenne, avec des corpulences moyennes, des squelettes moyens, etc. Pour le dire en une phrase : «Les traits osseux sexués répartissent une communauté selon un continuum dont la distribution gaussienne rend impossible la prédiction du sexe chez plus de la moitié de la population et ne permet d’identifier comme hommes et femmes que les sujets dont le squelette extrême est le plus éloigné de la “norme“».
Les os des femmes sont-ils plus légers ?
«Tout dépend de l’accès aux ressources nutritives et du mode d’alimentation», répond Evelyne Peyre. Autrement dit : les différences homme femme inscrites dans le corps peuvent avoir une origine environnementale et culturelle. «Le squelette se forme jusqu’à l’âge de 19 ans. Or il s’avère qu’à l’heure actuelle 20% des jeunes adultes françaises sont anorexiques. Lorsqu’on examinera leur squelette dans un siècle, il y a de fortes probabilités que tous les squelettes présentant des signes d’ostéoporose seront identifiés comme ceux de femmes, parce qu’elles auront subi les séquelles de la malnutrition.» C’est la même chose quand on examine les squelettes de villageois français des siècles passés : les os des femmes portent les stigmates évidents de leur sacrifice. «Jusqu’à récemment encore, dans les familles paysannes pauvres, lorsqu’il n’y avait qu’un morceau de viande, il était pour le chef de famille. Quand il y en avait un deuxième, il était pour le fils ainé. Les femmes, elles, en général buvaient le bouillon de cuisson. Les protéines, c’était en priorité pour les hommes.» Impossible d’identifier le sexe d’un squelette, sans avoir une connaissance précise des habitus d’une population : les hommes et les femmes développent leur corps selon des activités qui leur sont parfois propres. Il y a des gestes répétés de travaux dont les femmes ont le monopole, par exemple, et l’usure de certains de leurs os sert donc d’indice très fort pour les identifier. Le fait que les femmes se soumettent à des critères de beauté comme la minceur n’est pas non plus anodin : la minceur acquise par défaut nutritionnel laisse son empreinte sur le squelette. De même que le sport extrême. Les activités physiques, les coutumes alimentaires ou vestimentaires, «ça marque l’os, résume Evelyne Peyre. Les inégalités sociales économiques aussi marquent l’os. Dans les cultures qui attribuent moins d’importance au sexe dit “faible“, les squelettes présentant des symptômes de carence alimentaire sont plus souvent ceux des femmes…». Ce que l’on attribue à la constitution «naturelle» des femmes relève donc surtout de la construction : le squelette ne naît pas faible, il le devient.
Le bassin des femmes est-il plus large ?
Quid de cette activité proprement féminine, et biologique, qu’est la procréation ? Ne nécessite-t-elle pas un bassin plus large afin que le foetus puisse «sortir» ? Pour July Bouhallier, une des plus grandes spécialistes en France du bassin osseux et spécialiste de la parturition dans l’évolution humaine, c’est une idée reçue : «Il faut cesser de dire que la largeur des hanches joue un rôle dans la gestation et dans le passage de l’enfant lors de l’accouchement. Les femmes ont des hanches plus larges à cause de la graisse et de leur taille fine, ce qui n’a rien à voir avec les os…». En général, la taille du bassin n’est pas aussi dissemblable qu’on aimerait qu’il soit entre les femmes et les hommes (3). Quant à sa forme… elle résulte d’une adaptation à la marche en posture debout. July ajoute : «L’histoire de cet os est intimement mêlée à celle de la bipédie acquise il y a 6 millions d’années. Les contraintes liées à l’accouchement ne représentent qu’une partie des fonctions qu’assument le bassin et ne concernent que sa partie «creuse», la cavité pelvienne. La morphologie du bassin dépend pour l’essentiel des contraintes exercées par la locomotion et la contention des viscères, mais aussi du mode de vie : les facteurs individuels – âge de l’acquisition de la marche, nutrition, activité physique – jouent beaucoup…». Nous avons un bassin de bipède avant tout, dit-elle. Sa forme s’est constituée sous l’effet de pressions majeures d’un tout autre ordre que sexuées : l’adoption du déplacement sur deux pattes. Dans Mon corps a-t-il un sexe ?, le chapitre dédié au bassin comporte cependant trente pages d’explications serrées… Le sujet est rien moins que facile. Quid de la cavité pelvienne par exemple ? C’est par là que passe le foetus, au moment de l’accouchement…
La cavité pelvienne des femmes est-elle gynécoïde ?
July Bouhallier répond : «En matière de procréation, ce qui compte ce n’est pas la largeur du bassin, c’est la largeur de sa cavité pelvienne.» En 1933, les médecins Caldwell, Moloy et d’Esopo établissent d’après radiographies qu’il existe quatre types majeurs de cavités pelviennes : anthropoïde (ressemblant vaguement à celui des grands singes)
gynécoïde (féminin)
androïde (masculin)
platypelloïde (plat).
Ils affirment que la forme gynécoïde – ronde, d’un diamètre de 12 centimètres – est présente chez 41% des femmes européennes. Suite à quoi, le type gynécoïde devient le «bassin obstétrique idéal», considéré comme le plus adapté au travail de parturition… En 1952, un autre chercheur – Snow – procède à des radiographies. Il ne trouve que 30% de bassins gynécoïdes chez les femmes. En 2000, July Bouhallier s’y attelle à son tour. Elle démontre par une analyse morphométrique de la cavité pelvienne que « le bassin gynécoïde n’est pas le bassin féminin par excellence partagé par toute la population féminine.» En clair : on trouve les morphotypes dans les deux sexes. Les hommes peuvent avoir un bassin gynécoïde. Les formes de bassins propres à une histoire de vie sont bien plus nombreux que les 2 morphotypes censés représenter l’humanité femelle et mâle. «Les types pelviens existent dans toutes les populations humaines, dit July, et aucun ne caractérise une population en particulier. Attribuer aux femmes le type gynécoïde, c’est comme définir ce qui est un corps de femme “typique“ par le corps de Marilyn Monroe et celui de l’homme typique par celui d’Arnold Schwarzenegger».
Le bassin est-il un critère universel d’identification du sexe ?
«L’éventail de la variabilité humaine est tel que la majorité des humains partagent des formes pelviennes qui ne sont pas liées au sexe (4)», affirme July Bouhallier. Mieux : selon les populations, ce n’est pas le creux du bassin, ni la taille du squelette, ni la densité des os qui permet de distinguer les hommes des femmes… Ainsi que l’explique Evelyne Peyre : «le sexe osseux est désormais recherché sur la mandibule des Coréens, la clavicule ou la rotule des Iraniens, les métacarpiens (main) des Thaïs, l’astragale (cheville) des Égyptiens, l’omoplate ou le bassin des Grecs, le bassin ou le carpe (poignet) des Mexicains, l’humérus (bras) des Crétois…». Elle cite encore une dizaine d’autres exemples. Dans le sud est de la France, c’est à leurs dents qu’on identifie le sexe des squelettes. En Australie de l’Ouest : à leur sternum. En Crète : à l’humérus. Il n’existe aucun critère absolu d’identification du sexe osseux. Tout dépend de l’époque et du lieu : chaque population possède ses propres caractéristiques, qui dépendent des coutumes alimentaires, des gestuelles adoptées au travail, etc. Autrement dit, conclut Evelyne Peyre : «le squelette est une mémoire “vivante“ de notre histoire. Le “lire“, c’est décrypter les informations enregistrées au niveau du temps long de l’évolution ou du temps court de la vie particulière».
Mon corps a-t-il un sexe ? d’Evelyne Peyre et Joëlle Wiels, éditions La Découverte. Sortie le 12 février 2015. Evolution de la fonction obstétricale chez les
hominoïdes: analyse morphométrique tridimensionnelle de la cavité pelvienne
chez les espèces actuelles et fossiles
, de July Bouhallier, 2006.
NOTES
(1) « Il est très aisé d’interpréter la morphologie d’un bassin féminin en raison de la très grande implication de cet os dans les processus physiologiques propres à la femme que sont la gestation et la parturition. La valeur d’indice des traces y est très importante. Outre l’aspect dichotomique de la caractérisation dont nous avons parlé précédemment, l’identification et l’interprétation de l’indice fait avec un taux de fiabilité très élevé, autorise une diagnose sexuelle correcte dans plus de 95 % des cas. » (Source : article du socio-anthropologue Pascal Adalian, en ligne ici)
(2) Chiffres 2007. Source : Wikipedia.
(3) La taille du bassin est aussi la même chez les petites femmes aux hanches larges et les grandes gigues filiformes. On peut avoir des hanches d’homme et accoucher sans plus de difficulté qu’une modèle de Botticelli. Comme dit July Bouhallier : « Le bassin n’est ni lié à la largeur des hanches, ni lié à la stature (fondamental ! les femmes petites n’ont pas de petits bassins !) et ne participe pas à la contention du foetus lors de la grossesse puisque c’est la sangle abdominale qui maintient l’enfant. De plus, quand on entend dire d’une femme que ses larges hanches lui permettront d’accoucher facilement, c’est une erreur : les hanches peuvent être larges et l’intérieur du bassin très petit.» (Entretien par courriel, 14 février 2015)
(4) « Les caractères du bassin propres à la parturition donc typiquement féminin reste très «intime» et caché puisqu’il ne concerne qu’une cavité formé par trois os. Trois os dont la forme dépend des muscles, de la croissance et de son arrêt, de la nutrition... on est loin d’un bassin féminin dont la forme serait déterminée et reconnaissable par sa seule fonction d’accoucher les petits de l’espèce. Et ce creux entre les trois os du bassin n’est pas que le lieu de passage d’un enfant. On y trouve des organes, dont la mobilité varie, des artères et des nerfs, de la graisse parfois sans oublier que deux puissants muscles pour maintenir le tronc droit viennent chevaucher en partie l’ouverture de ce petit bassin. » (Source : July Bouhallier, courriel).
LIENS : Lucy est-elle Lucien ? ; Institut Emilie du Chatelet, colloque «Mon corps a-t-il un sexe ?», 2012.
Illustrations : Les images en haut sont signées Antoine Bernhart. Les schémas de bassins viennent du livre Mon corps a-t-il un sexe ? et illustrent l’article signé par July Bouhallier.
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