L’érection. Tout commence là ; du moins, dans un porno. Si la sexualité ne se résume pas à la mécanique érection/ pénétration/ éjaculation, elle est la plupart du temps représentée ainsi dans les films porno. Certains d’entre eux valoriseront plus ou moins la montée du désir, mais en règle générale , hormis pour une scène lesbienne, une scène X commence surtout au moment où nous voyons un sexe masculin « prêt à l’emploi ». Si l’on dit d’un homme qui n’arrive pas à bander qu’il est impuissant, cela sous-entend que celui qui peut, est à contrario « puissant », à savoir qu’il est non seulement compétent, mais qu’il est aussi investi d’un pouvoir faisant de lui un mâle actif, apte à se reproduire. Je n’ai jamais entendu une femme se vanter de la morphologie de son clitoris, en revanche il n’est pas rare qu’un homme se vante d’un centimètre de plus. Pourquoi ? Se dresser haut et fort c’est affirmer sa puissance de mâle dominant. Je bande, donc j’existe. A cette équation existentielle rajoutez la logique simple : pas d’érection, pas de scène , vous comprendrez que les conditions d’un tournage exercent sur un hardeur une pression hors du commun.
Si l’actrice engagée n’éprouve aucune excitation, elle pourra toujours simuler, user et abuser de lubrifiant ; cela n’exclut pas d’ailleurs que le plaisir soit ensuite au rendez-vous. L’appétit vient en mangeant. Il m’est arrivé maintes fois de ne pas désirer ardemment un acteur et de prendre mon pied ensuite. Mais si vous ne bandez pas, le producteur devra tout de même rémunérer l’actrice, payer les frais de maquillage, de location de décor, sans compter l’équipe technique, aussi réduite soit-elle. En somme, il n’y a pas de « si vous ne bandez pas ». Vous devez bander et puis c’est tout. Et c’est ici que les ennuis commencent. Car plus vous y pensez, moins vous y parvenez. Votre cerveau tente de trouver la connexion entre votre sexe et votre main qui l’active, d’identifier le plaisir, de l’entretenir, de l’augmenter… Mais c’est en le cherchant même qu’il le perd. Au moment où vous vous demandez si vous tenez une érection , votre chair perd déjà sa fermeté.
Vous avez pourtant la chance de tourner aujourd’hui avec une jeune femme aux formes affolantes. Vous êtes lucide, elle ne vous aurait même adressé un regard si vous vous étiez croisés dans la rue, mais votre métier à cet avantage de vous apporter chaque jour des collègues de travail peu ordinaires et aujourd’hui c’est Anita que le réalisateur vous jette dans les bras. Anita et son regard vert, ses jambes interminables, sa poitrine opulente. Votre mission : être opérationnel à « Action ! », le rester aussi longtemps qu’on vous le demandera (une, deux, trois heures parfois plus), exécuter une éjaculation aussi généreuse que possible et ce, dans les dix minutes qui suivront le top. Dans l’immédiat, vous êtes nus dans un entrepôt qui n’est pas chauffé, le réalisateur souhaite commencer par effectuer les photos hard avant de tourner la scène. Il faut donc se priver d’une aide amicale de la bouche d’Anita afin de ne pas saccager son maquillage.Vous ne pouvez pas l’embrasser non plus pour l’instant mais en revanche on vous attend pour commencer la scène. Alors, à moins que comme certains acteurs votre corps ait de réelles prédispositions, qu’il réagisse au quart de tour sans même une seule pensée, il vous reste à trouver la méthode qui vous convient le mieux.
- Vous êtes ce que j’appelle un « fétichiste », un adorateur du détail. Votre truc c’est de vous attacher à une partie du corps. Des fesses rebondies, des seins lourds ou une pointe de téton dressée avec insolence, de petits pieds cambrés sur des talons aiguilles..vous recherchez votre stimulus sur une courbe, un mouvement, un piercing, un grain de beauté, un défaut… et vous y attardez. Il vous arrive de demander à votre partenaire de poser ses orteils sur votre cuisse, de coller ses seins contre votre visage, ou de simplement se tourner pour que vous puissiez admirer sa chute de reins. Votre sexe, comme beaucoup d’hommes, répond à ce que vous voyez. Vous êtes un obsessionnel. Il vous suffit de toucher ou fixer la partie du corps convoitée pour vous sentir durcir. Un acteur me confiait récemment qu’il avait été surpris par la pilosité abondante d’une actrice. Ce ne fut, au premier abord, pas une découverte très agréable, mais au final l’état de surprise et surtout, la nouveauté, poussèrent son excitation à son paroxysme. Les poils devinrent alors le centre de son attention. Il finit par m’avouer qu’il aurait souhaiter qu’elle en ait davantage.
- Vous êtes « un fantasmeur » : vous, vous préférez quitter mentalement ce tournage, oublier que vous êtes censé jouer un patient et qu’elle est votre infirmière. Le fantasme du réalisateur n’est pas le vôtre. Vous préférez imaginer que cette fille avec qui vous avez déjà tourné quinze fois, est une parfaite inconnue, une auto-stoppeuse recueillie au bord de la route. C’est votre fantasme favori du moment, celui auquel vous êtes le plus réactif. Vous pouvez aussi pousser le vice jusqu’à en oublier votre partenaire, la faire disparaître derrière un nouveau personnage, plus rassurant, plus proche de vos critères. Il vous est déjà arrivé d’affronter la mauvaise humeur de certaines, de devoir endurer leurs caprices, d’avoir à écouter des confidences dont vous vous seriez bien passé. Bref, vous pouvez voir débarquer la bimbo de vos rêves, et voir votre libido aussitôt réduite en miettes, pour un rire, une parole, une odeur de peau… L’alchimie n’est pas toujours au rendez-vous.
Alors vous vous blindez. D’emblée vous rentrez dans votre bulle douillette, une bulle où toutes les femmes vous désirent, où vous n’avez qu’à choisir. Vous êtes protégé, personne ne vous décevra ou vous rejettera puisque vous vous êtes construit un monde parfait. J’avais eu l’occasion d’interviewer un hardeur américain à ce propos. Personnellement je n’aimais pas tourner avec lui car il était d’une froideur sans égale. Professionnel irréprochable, il accordait en revanche peu d’attention. Son regard était vide, il embrassait peu. Je lui en voulais de me rappeler que nous étions là pour travailler. Lorsque je lui ai demandé ce qui justifiait son attitude il m’a expliqué ne pas vouloir se mettre en danger en se mettant en situation de dépendance vis à vis de sa partenaire. Si la bonne entente était au rendez-vous alors tant mieux, mais avant tout il préférait s’isoler dans son propre scénario. Il faut croire que cette méthode s’avérait efficace. Cet acteur n’avait jamais besoin de toucher la fille pour obtenir une érection ni même pour atteindre l’orgasme. La seule maîtrise de sa boîte à fantasmes , à savoir, son cerveau, lui permettait de faire face à toutes les situations…
- Vous êtes un homme qui jonglez avec vos pulsions, vous pouvez très naturellement être… « un infidèle ». Tout comme « le fantasmeur », vous êtes un cérébral, et il y a mille et une façons de tromper. Vous préférez vous reposer sur une expérience passée, acquise, plutôt que sur le moment présent qui pourrait vous échapper. Votre corps rentre en fusion avec Anita mais c’est à Sandy que vous pensez, votre partenaire de la veille. Un moment d’extase qui vous rappelle à quel point ce métier peut être gratifiant et vous fait oublier tous les mauvais moments. C’est pour des femmes comme elle que vous vous êtes lancé dans le X. Vous souhaiteriez juste que toutes les actrices aient cette même gourmandise, cette rage, cette sensualité. Votre seule préoccupation est alors de ne pas jouir car l’alchimie entre vos deux corps, vos deux esprits, en arriverait presque à vous faire perdre le contrôle. Il vous est même déjà arrivé d’en oublier de réclamer votre chèque.
Parfois vous vous contentez de loucher sur le décolleté de la maquilleuse et de partir avec elle dans un rêve où elle cède à vos avances, ou accepte tout simplement de vous laisser toucher ses seins à travers son soutien-gorge. Cela peut suffire. Plus sentimental vous pouvez enfin préférer tromper votre partenaire du jour avec… votre petite-copine. Cela peut paraître presque choquant mais oui, vous pouvez être hardeur et être amoureux. Personne ne vous connaît et ne vous accepte mieux qu’elle. Elle devine vos envies, maîtrise vos vices, elle vous aime ; avec elle vous pouvez tout vous permettre. Tout ? Cette infinie possibilité vous hante… vous vous mettez à bander. Du moins, pour le moment…
Katsuni
A suivre : Les secrets de l’érection d’un hardeur 2/2 : Amour, viagra, et mécanique
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