J. : signer ma reconnaissance à ton endroit pour cette immense scène de luxure - ce grand moment de pornographie, même - cette nuit de janvier gorgée de stupre à tout jamais, c’est juste une évidence. Ce désir-là fait partie de moi, tu l’as compris : sacraliser les émois – ceux qui méritent de l’être évidemment : ceux qui relèvent de la foudre. Les écrire pour l’éternité, m’acharner à tenter de traduire en style un peu de ce que je reçois en soufre… Alors cette nuit là, oui, bien sur, il faut la raconter immédiatement… Sans délai, c’est une évidence… Mais quoi, au secours, je suis totalement perdue… Après la foudre, tu sais, la suffocation est de règle… Alors imagine un peu dans quel état sont mes pensées, cette nuit, après de telles images de toi, et avec ce que tu sais… Mon amour, il te faudra me pardonner si ce récit manque de discernement, si tu le trouves un peu trop passionné…Il est saisi sur le fil de l’instant, alors que tout flambe encore en moi, si tu savais, je suis encore au cœur de ce moment-là…
Et je t’écris
ici, je veux dire, sur ce site public : ça procède exactement de la même logique que ce qui c’est passé cette nuit, ce grand moment obscène au sens premier
(qui ne peut pas être montré sur scène - sens premier : ce qu’on cache en coulisse, ce qui se passe en secret, dans les étages sans personne, pendant que le monde continue de tourner sans se douter de rien…) - dix ou cent mille fois plus obscène que de la pure baise, d’ailleurs, cette soirée, ce rendez-vous complètement dingue… Ca procède de la même logique, je veux dire : derrière la pornographie partagée, cette nuit, il y avait aussi le symbole : marquer ton territoire… Donc là c’est pareil, c’est la même logique : j’ai des amis, des connaissances et surtout des ex-amants qui sont libres de lire tout ce que j’écris ici... Et bien qu’ils lisent, qu’ils sachent… à quel point je m’inféode à toi, sensuellement, à quel point mon érotisme t’appartient depuis quelques temps… A quel point je suis perdue dans ma passion pour toi…
Donc à nouveau, l’histoire ici est vraie – et tu vas encore en être le « héros », comme tu m’as écrit la dernière fois – héros involontaire, membre à part entière du « nous » dont il sera encore question... Je n’ai aucun recul, je l’écris la nuit-même, avec un taux d’avidité dans mes mauvaises pensées, et de frissons à la surface de ma peau, à leurs extrêmes maximums… J’emploie encore cet adjectif, et ça va faire la 3e fois : c’est une histoire
pornographique. Pornographique (4e fois…) mais fervente, un truc infiniment subtil où mon génial amant est parvenu à me traiter successivement comme la dernière des putes, puis comme une vraie princesse, le tout avec un talent pour manier l’obscène juste hallucinant – je veux dire : une capacité de fou à passer naturellement de l’un à l’autre des registres, presque en fondu enchaîné, dans une parfaite continuité... Donc un rendez-vous 200.000 fois au moins plus surchargé en luxure qu’une chambre d’hôtel pour baiser, le truc vieux comme le monde, la mythologie classique des amants... Notre mythologie à nous, on la crée un peu dans tous les sens, on mélange tout, c’est hallucinant, la tendresse, la luxure, l’amour le désir, la connivence, les caresses de toutes sortes, les rendez-vous très doux et les trucs complètement débridés comme ce soir… Cette nuit, le curseur s’affolait, donc, on a atteint un grand sommet… On est dingues… Un rendez-vous totalement à rebours des convenances (mais alors totalement), un rendez-vous avec de la baise « comme ça ne se fait pas », du pur stupre, de la licence absolue, de la luxure. De la
pure luxure, comme on dit d’un diamant qu’il est pur : limpide…
Je suis rentrée hallucinée. En sentant le sperme qui collait à ma peau : je sentais la baise, la femme amoureuse, la volupté absolue, et j’avais envie de hurler de plaisir, de brûlure, de morsure, de tout…
Je n’en suis toujours pas revenue. Pas atterri encore…
Et dans le taxi du retour, noyée dans mon immense
volupté d’être, je pensais à Monica qui avait conservé des années et des années sa petite robe tachée du sperme de son amant (le sien était Président des Etats-Unis, je dois dire que le mien n’est pas mal non plus, dans le genre), et je l’enviais… Je l’enviais à mort, en regardant les rues de Paris défiler sous mes yeux sans rien en voir, je me disais que Monica avait gardé la robe, quand moi il me faudrait bien me laver, pour retourner travailler…
Je vais faire quelques détours dans le récit de ma nuit, pour recréer le climat réel de ma journée, sa torpeur infinie, mais ce ne sont que des détours… Mes mots ne craignent pas, pour parler de toi, et singulièrement du plus sacré de l’érotisme, de se salir un peu… D’aller au profane… Ce ne sont pas des mots d’intellectuel pour intellectuel, ils disent foutre avec gourmandise, tu vois ce à quoi je fais référence… Ce sont des mots qui - comme moi - ont connu l’épreuve de l’impatience, ont compté les heures, les minutes, ils ont vraiment brûlé, alors ils sont tout sauf innocents… Ils signifient et re-signifient avec férocité… Ils ont un sens premier, évident, et un sens caché, qui ne l’est pas du tout d’ailleurs, tout me semble transparent : chaque mot ici ne s’adresse qu’à toi, chaque mot ici a ce double sens, évident, chaque mot ici ne veut dire qu’une chose :
encore…
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Allons-y pour cette grande nuit. Lundi 12 Janvier 2015... Sommet de luxure dans ma vie…
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Mais avant, commencer par le commencement : un lundi matin.
Le quotidien, sous son cours apparemment structuré, civilisé, rompu au savoir-vivre. Avec ce caractère apaisé propre au creux de la vague quotidienne : la vie normale, banale, sans affolement excessif, avec ses toutes petites joies et ses contrariétés ridicules. Le travail à l’usine, sans grand intérêt passé l’ascension que l’on prétend sociale (
sans grand intérêt : je veux dire par là qu’il est très éloigné de mes passions), quand bien même il me plait assez, il parviendrait presque, même, à me distraire de toi, à m’occuper l’esprit, ce qui n’est pas une mince affaire…
Ambiance ultra-feutrée dans un hôtel particulier, moquette épaisse, silence absolu dans les couloirs… Aucune réunion planifiée ce matin. Préparation de dossiers dans mon bureau. Quelques collaboratrices qui frappent, à l’occasion. Mais ne restent pas. Des demandes banales. Rien de plus.
Lundi matin, donc : ce quotidien très alangui, vraiment très ennuyeux au fond, que je
chéris tout particulièrement…
Je le chéris plus que tout, ce quotidien si banal, car sans ces heures infiniment ternes, l’art et la luxure qui sont en moi n’auraient pas cette impatience absolue, cette hâte d’en déchirer le tissu, cette ardeur à chercher sans cesse la moindre faille pour s'en échapper…
Et c’en serait fini de mon ivresse à me sentir grâce à eux,
grâce à l’art, grâce à la luxure, éjectée des limites assignées à ma vie, éjectée des limites du raisonnable, d’une vie banale…
Ce matin, donc, 12 janvier 2015, au milieu de ces heures-là, mes pensées vers J. sont des entailles dans ce cadre alangui
Des grosses grosses entailles
Je travaille mais toujours en moi ce deuxième rideau de pensées qu’on ne peut pas raconter, je travaille mais secrètement J. caresse mon corps, mes seins, me fait crier, c’est sauvage…
Je produis mes meilleurs efforts pour conserver un air éminemment concentré… Pour mettre de côté la grande nuit de samedi à dimanche, passée à baiser jusqu’à 5h du matin, et encore, si J ne m’avait pas dit «
s’il te plait ma chérie, laisse-moi rentrer, je dois vraiment dormir un peu… s’il te plait chérie, je suis épuisé… », on y serait surement encore, dans cette grande nuit en train de baiser… Les souvenirs affluent… Dur de rester concentrée ce lundi matin, c’est une lutte de chaque instant…
Déjeuner horrible, boulot bien sûr, consacré à un dossier, et j’invente des prétextes pour mater mon portable… «
Quoi, 12,5% vous dites la croissance du produit machin ? Vous êtes vraiment certain ? Ca m’étonne… Attendez, je vérifie tout de suite sur mon blackberry… » et hop, je peux mater mon téléphone - évidemment je me cogne grave de savoir quoi que ce soit sur le produit machin, rien à foutre du produit machin, je veux juste voir si par hasard J ne m’aurait pas écrit…
L’après-midi, réunion, et je surjoue l’intérêt pour le sujet… J’en fais des tonnes, je suis hyper concentrée, je pose des questions, je fais mine de m’intéresser à fond à la problématique, comme si ma vie en dépendait… Evidemment c'est dans l’intérêt de ma cause, tout ce cinéma : je suis calculatrice…
Comme un détenu qui, en se cachant de ses geôliers, utilise la moindre occasion pour creuser en secret le tunnel auquel il s’obstine à croire : il ne doit jamais manquer une occasion de sourire à ses gardiens… Ce prisonnier-là, amoureux de son tunnel, sait combien jouer le détenu modèle pourra faciliter son évasion, alors il doit être prêt à toutes les compromissions, il sera le premier à flatter ses propres surveillants, par devant… Ça s’appelle : les apparences de la vertu…
Les
apparences…
Seulement
les apparences, car en fait...
Dans l’intérêt de ma cause je dois donc à tout prix laisser croire à mes patrons que je suis une collaboratrice fiable, respectable… Hissée pour de bon à hauteur de civilisation, apte aux grands débats, pas une fille perdue en pensée dans la pire luxure à la moindre occasion, parce que son petit copain lui tourne la tête… Non, je suis une femme capable de dominer toutes ses passions... jamais la moindre pensée déplacée en moi... rien de sexuel dans mes secrets... Oh non, surtout pas… Quel horreur le désir, non, moi pas concernée… Je vous promets… Par contre le produit machin, trop top...
Evidemment, c’est dur de jouer à ça... C’est une performance, un show… Alors en sortant de réunion, je craque. J’en ai trop fait : la rechute est sévère. Caprice.
Jusque-là j’avais tenu, et je perds toutes mes résolutions : vers 15h15, je fais plein de sms à J.Il me demande de façon assez ferme de ne pas lui écrire:
15h26 : «
Oui amour. Je suis en réunion là ». (c’est poli quand même, c’est un garçon bien élevé, il me demande très poliment de le laisser tranquille)
Ce sur quoi, je lui réponds aussitôt 4 SMS où il est question de mon envie de me faire baiser – rien à foutre qu’il soit en réunion, quelle importance sa réunion…
Sa réponse : «
Réunion. A plus tard amour ».
Ok !!! Je vois qu’il veut vraiment que je le laisse travailler…
C’est là où mon orgueil est atrocement coriace à capituler : je sombre en plein caprice. Rien à foutre de sa réunion. Je continue à lui écrire des sms avec plein de désirs ardents, je fais un peu la salope en fait, je cherche à l’exciter…
Comme je pense qu’il ne lit plus mes sms (pour se concentrer sur sa réunion…), je me lâche. Je lui confie un grand fantasme. Ca me calme. Ca va mieux d’avoir transféré sur son téléphone un peu des pensées obsédantes qui m’habitaient l’esprit. Je reprends le cours de mon après-midi, un peu apaisée.
Sauf que lui, en sortant de sa réunion, vers 18h, évidemment me répond. Et saisit la balle au bond – il n’est pas mon amant pour rien…
En gros, il me dit :
ce que tu m’as écrit, ça t’exciterait ? Ma réponse :
Ah oui, grave. Sa réponse (j’abrège les détails) :
Ce soir, tard, dans mon bureau.
*******
Ma peine ne s’arrête pas là : dîner pro à 19h30 - que j’avais confirmé vendredi dernier, alors je ne peux pas annuler à 18h30 quand je reçois le sms de J. qui me dit « ce soir dans mon bureau »…
Alors je vais assurer le service minimum… Etre vue, sourire, sortir 2-3 phrases sur les enjeux des usines à l’ère du numérique, un truc bien pompeux dans ce style, et me barrer vite fait de ce dîner pour aller me faire baiser dans le bureau de mon amant…
Je préviens d’emblée que je devrais partir tôt. Je vois le regard assassin d’un de mes patrons. Je m’en fous. Je lui souris tristement, grande comédienne, l’air d’avoir un problème familial très très grave à régler pour justifier une telle dérobade… Très très grave problème à régler, oui : j’ai envie de mon amant à hurler, là…
Et je ne peux pas m’empêcher de penser : le problème, ce n’est pas de me tirer en plein milieu du dîner… Le problème, ça sera demain matin, quand big boss qui m’a jeté un regard assassin va me croiser dans les couloirs, avec dans les yeux ce brillant particulier que n’importe quel adulte qui a déjà fantastiquement bien baisé peut décoder… Le brillant des femmes qui ont reçu la nuit leur contant d’impudeur, et d’amour fou…
Bref… les discutions sont interminables, vraiment interminables avant de prendre la commande… Je vois le temps filer, et J. qui me fait un sms : « dans une heure »… Oh oh, je dois quitter cet endroit, ce dîner, mais comment faire… Interminable… Je jette des regards plein de désespoir aux serveurs, ils n’osent pas interrompre un autre des boss, qui improvise un quasi-discours à table… Je commence à penser que le mieux serait de ne surtout pas commencer le dîner, partir avant le plat, sinon je suis fichue… En même temps, pourquoi je suis venue dans ce cas ? Les types présents ce soir-là vont halluciner… Mais fuck… J’ai envie de me tirer, pas d’être à ce dîner… J’en ferais 1000 des dîners à l’avenir si vous voulez, promis, tous les dîners les plus chiants que vous voudrez, mais cette nuit laissez-moi partir, mon amant m’attend, je vous en supplie, laissez-moi courir vers l’homme que je désire…
Un des convives se saisit du prétexte de la nouvelle année, et de mon arrivée récente, pour m’offrir deux places de concert, en me précisant que « nous irons ensemble »… (ah oui !!! carrément !!! et puis quoi encore !!!)… J’en avise J. par SMS… Qui me répond :
«
Sale connard de petit dragueur de merde »
Enorme coup de chaud, de mon côté… Je coule… J. ne pouvait pas mieux me répondre… En amour, j’aime l’orgueil et la jalousie, j’aime tous les grands sentiments d’essence passionnelle en fait : j’ai toujours trouvé qu’ils allaient merveilleusement bien avec les grands cris d’orgasme… «
Sale connard de petit dragueur de merde », il faut que je me tire de ce restaurant vite fait… Ou alors je reste : j’ai tellement envie de me caresser sous la nappe, ça pourrait aussi être une solution… Au secours…
Le téléphone qui vibre à nouveau… Le plat n’est pas servi… J. qui insiste… Tant pis, je me tire, à près tout je ne passe jamais que pour ce que je suis : une femme qui a bien mieux à faire, cette nuit... Oh oui… Tellement mieux à faire…
Et voilà. Je ne donne aucun prétexte, rappelle seulement que j’avais prévenu que je ne pourrais pas rester, que je suis désolée, nous avions une demi-heure de retard sur l’horaire du dîner (ce qui était vrai). Je ne le suis pas, pourtant, désolée, et personne ne croit rien à mes politesses. Je crois que tout le monde m’envie, secrètement. C’est la noble souveraineté du désir, celui qui est si totalitaire qu’il décide évidemment de tout, et avec la force de l’évidence. Rien ne lui résiste, aucune bonne raison. Celui qui donne à la décision la plus déraisonnable des allures parfaitement rationnelles. Ce soir-là, j’en suis donc là : évidence absolue que ma juste place sur terre, à cet instant, c’est dans un taxi pour voler vers mon amant. Pour voler retrouver J. A aucun autre endroit.
Dès lors ces sensations-là d’exister : ondulantes, chaudes et humides, suffocantes, tellement sublimes…
* * *
J. m’a donc donné rendez-vous dans son bureau. C’est la première fois que je l’y retrouve.
Direction les beaux quartiers, grand bâtiment au Trocadéro.
Je suis atrocement impressionnée par les lieux. Je me sens minuscule, je recommence à me demander ce qu’il peut bien me trouver… Surtout : je n’ai aucun mal, au vu de sa situation de pouvoir, à imaginer toutes les minettes qui doivent lui faire de l’œil à longueur de journée… J’avance dans le bâtiment désert, je passe les salons, les couloirs, les ascenseurs, et à chaque coin du lieu je l’imagine lui, avancer, et l’attitude des femmes se transformer sur son passage, les minettes en question adopter tout soudain des poses d’une exquise lascivité, faussement improvisées, et arborer leurs plus beaux regards troubles à son endroit… l’horreur… Et en même temps, cette nuit c’est moi qui suis dans l’ascenseur de la direction, en train de monter vers lui, c’est moi qu’il va embrasser, prendre dans ses bras, et… Interminable couloir, je jette des coups d’œil aux panneaux à côté des portes, Directeur des ventes, Directeur du marketing, Directeur de l’export, Directeur Conformité client, service après-vente, etc... ils sont tous partis… Les bureaux sont vides, déserts, le couloir est noir, tellement silencieux… Au bout, il y aura J, je le sais, il me l’a écrit, il m’attend, je repense à l’échange de sms et je suis excitée, tellement excitée :
Ce que tu m’as écrit, ça t’exciterait ? Ah oui, grave. Ce soir, tard, dans mon bureau. J’ai le cœur qui bat à éclater, « ce soir tard dans mon bureau » c’est maintenant, ok, c’est bon, il est là… Rester parfaitement neutre, calme, ne pas me jeter sur lui, surtout pas, on n’est pas encore forcément seuls, qui sait, à ce stade je suis un simple rendez-vous professionnel, un visiteur du soir qui vient juste lui donner mon avis sur la géopolitique mondiale… Rester calme, absolument rester calme… Il me fait encore traverser des trucs… Sa salle de réunion, on passe devant le bureau de son assistante, mon cœur s’emballe, c’est bon, on y est, là c’est son bureau, il ferme la porte derrière nous et – oh mon dieu là c’est vraiment maintenant, J. face à moi, il est bien là, mon amant, et on est bien seuls, et on va se jeter l’un sur l’autre comme des bêtes dans un instant…
Soudain sur Paris : microclimatUne tropicale, caniculaire poussée de concupiscence Il fait 40° dans ce bureau, mon corps est déjà en train de flamber…
Là c’est… il faut avoir connu ça au moins une fois dans sa vie, c’est incomparable, l’âpre cérémonial, la chaude solennité, cette troublante merveille de deux amants qui se retrouvent… Qui se tournent autour…
Ca ne risque pas de s’arranger : d’emblée, il m’embrasse…
Ça pourrait passer pour des retrouvailles tendres, on tourne un peu l’un autour de l’autre… Mais moi je sais très bien pourquoi je suis venue : pour l’émotion du fantasme offert et partagé… C’est une émotion brute, impossible à étrangler…
Problème : je suis juste hyper impressionnée par son univers, par son grand bureau de patron, j’ai envie de regarder le nom de chaque dossier, de jeter un œil à tous les papiers qui s’y trouvent, je suis au cœur de ce qu’il est, je crois, et c’est tellement impressionnant, un peu paralysant…
Il faut qu’il me rassure, qu’il fasse disparaître ce décor qui m’impressionne tant, il faut qu’il me pousse dans le fantasme, qu’il me jette à l’intérieur, qu’il m’y pousse sans me demander mon avis, sinon je suis fichue…
Ca va qu’il est juste génial…
Un peu après le premier baiser, je le revois tellement distinctement me dire :
« Alors, tu es venue pour… » (il énonce le fantasme, tranquillement, l’air tellement serein… moi je suis perdue, noyée…)J’adore cette sérénité chez lui, il dit ça s’une façon tellement naturelle, évidente, il sait parfaitement l’effet que cette phrase aura sur moi, mais il assume très tranquillement, comme s’il venait d’annoncer une parfaite banalité, avec en plus un regard innocent qu’il essaie de me faire croire pavé des meilleures intentions… Mais la réalité est bien là : je suis venue pour ça, oui, pour ce fantasme-là… Tout mon corps tremble…
J. est génial, dans ces instants-là : Il me dit
Ok, alors viens, viens ma chérie… Il m’entraîne dans la partie salon de son bureau… C’est moi qui enlève mon haut, c’est lui qui déboutonne son pantalon…
Et là, que dire… que l’indécence en amour est pour moi une valeur splendide, incomparable, l’intensité absolue…
Et là commence un moment de pure luxure…
Ce qui s’est passé, pour de vrai, dans ce bureau, à partir de cet instant, n’est qu’à nous. Silence assumé sur l’essentiel.
Omission sur le plus sexuel de la soirée - la démesure des émotions, à ce moment, donne leçon d’humilité à tous les discours possibles sur un tel moment.
C’est complètement pornographique.
Il me traite comme une pute.
Il me le dit, d’ailleurs, à un moment, dans son trouble.
Je coule sur le haut de mes cuisses, tellement ce moment m’excite.
C’est de la folie pure, du sexe complètement sauvage, de la pulsion je veux dire, je me sens complètement livrée à mes pulsions, j’en raffole…
Tout ce que je peux dire : ça ressemble à un grand, un très grand roman érotique, un de deux qui ont façonné mon apprentissage du sensuel. Ça en a l’audace, l’indécence absolue, et toute l’intensité. Sauf que c’est pas ça. C’est pas du tout un roman, c’est ma vie, c’est mon hiver - parmi les plus ardents de toute ma vie - c’est ma liaison avec J., c’est ma vraie vie tout ça, ce moment irréel de luxure… C’est mon aventure de feu, et à ce moment-là, dans son bureau, je suis KO, complètement émerveillée par ça...
Par instants, pendant que je vis cette scène, à l’intérieur du fantasme qu’il m’offre, donc, il me semble qu’il suffirait d’infléchir à peine le feu qui habite symboliquement mon corps pour qu’il prenne vraiment dans la pièce…
(nota, pour J. : le hasard voudra que pile-poile quand je suis sortie de ton bureau, j’ai vu l’agent de sécurité qui allait entrer, mais il m’a semblé habillé en pompier. C’est bizarre non ? Je ne sais pas s’il est entré, en fait, parce que vu comment moi je suis sortie, il a peut-être rebroussé chemin… J’ai été très polie en tout cas, je lui ai dit « bonsoir Monsieur » avec un large sourire, tu l’imagines, et surtout surtout l’air de rien, comme si tout était normal…) Voilà, ce qui se passe dans ce bureau est à nous, juste à nous, pas question de le raconter, oh non…
Et là, d’ailleurs, dans le bureau de J, je ne sais même plus ce que je suis en train de vivre, c’est tellement sexuel, c’est obscène, c’est juste sublime, c’est très très à l’image de J et moi, en fait, je trouve, et je ... comment dire… enfin cet homme me rend dingue, vraiment. C’est tout. Et c’est immense…
* * * Après le plaisir, une espèce de bonheur absolu s’empare de moi, qui se traduit par des paroles de reconnaissance très discrètes : ces silences où entre nos corps toutes les choses viennent s’accorder à l’existence... Je ne veux surtout pas qu’il me touche, je ne lui dis rien, ou presque, je veux juste rester 2 min auprès de lui, l’embrasser, et le laisser travailler…
Je vole des éléments de son bureau, de son univers… enfin il me les donne mais c’est moi qui les réclame… Je repars avec des choses très intimes de lui dans mes poches, c’est tellement tendre, cet homme est incroyable…
Voilà, donc je n’en dis pas plus, sinon que quand je quitte ce bureau, je suis la femme la plus heureuse sur terre… Je suffoque littéralement, implorant le temps de se figer avec moi dans ce bonheur trop grand…
Je refais le chemin inverse dans le bâtiment, j’ai envie de hurler… Je suis pleine de toi, pas lavée du tout, et je meurs d’orgueil… L’orgueil, ce somptueux poison qui ne meurt jamais, ni chez les saintes ni chez les sages, alors évidemment, chez moi, tu penses… Il faut imaginer, pour l’amante très ardente que je suis, l’orgueil de quitter le lieu, comme ça, j’en tremblais de tout mon corps, c’était la volupté absolue... J. m’a déjà écrit plusieurs fois : «
je me sens libre » [avec toi].
C’est exactement ce que je ressens, ce soir-là, en sortant brûlante de son bureau.
Une énorme sensation de liberté.
La liberté ne tient pas plus à de savantes constructions intellectuelles qu’à une pleine souveraineté sensorielle. Oser ce genre de fantasme, oser cette audace-là, oui, la liberté absolue, le contrôle total sur ma vie…
Je ne sais pas trop quoi conclure de cette soirée, sinon l’émotion brute du fantasme offert et partagé… Il est plus de 2h du matin et je vais peut-être laisser ici mon récit… Qu’en dire de plus, de toute façon, sinon ce quelque chose de mieux que le bonheur qu’est ce très haut degré auquel est portée la conscience, en de rares instants de grâce comme ce fantasme-là, de ce qu’
intensité veut dire...
* * * Ce matin au réveil : intense bonheur dans l’âme.
Et encore, sur le corps, la brûlure de mon amant.
Une passion.
Nota pour J. :
Oui, tu m’ensorcelles. L’intensité de ma passion pour ce que tu incarnes, pour toi, et surtout l’espèce de culte fiévreux qui la scande restent pour moi une sorte d’énigme. Le hasard de notre rencontre me bouleverse encore. Ta virilité, ton érotisme un peu différent du mien sont mes radieux maléfices. Tu offres à mes désirs un prisme que je n’espérais pas. Et tu vois, en contraste avec hier, je repense à samedi soir, quelle nuit… Samedi soir c’était un autre registre… C’était le temps qui doucement s’abolit, et d’émotion sous les pieds le sol qui se dérobe… c’était ça pour moi samedi, c’était un rendez-vous de ferveur, plein de confidences, une nuit de caresses très soyeuses, bercées par le plus suave de la volupté, un rendez-vous de la douceur des choses… Et c’était beau, sublime… Et quand je pense que deux jours plus tard on est capable de l’extrême inverse, ce rendez-vous incandescent (et complètement inconscient, d’ailleurs), aride, obscène, gorgé de folie… Et qu’on soit capable de partager les deux émotions avec le même plaisir… Que te dire… Sinon qu’il est définitivement trop tard pour qu’il s’assagisse, mon désir de toi : il se plait trop dans cet empire de l’intempérance, placé sous ta protection… Vraiment, je ne sais pas quoi te dire. Impression d’avoir 20 ans, à peine, quand je suis dans tes bras.