Une manière de chant perché tout là-haut, quelque part entre Prince, Beck et Scissor Sisters période Let’s have a kiki. Un groove en technicolor qui rappelle Michael Jackson au bord de la puberté. Et puis un soupçon de Grace Jones au niveau du rendu capillaire, et un dress code de fluo kid à faire pâlir Stromae.
Vingt ans, flamboyant, tout juste sorti des anonymats désertiques de son Nevada natal, Shamir est le nouveau petit prince de la dance music indé qui affole tout ce que la blogosphère compte de plus hip, smart et chic. Il sort prochainement son tout premier album, après avoir égrainé une poignée de titres fortement imprégnés par la house vintage, celle qui rythmait les revendications des communautés black et homo dans les années 1980, et qui a resurgi plus récemment dans une déclinaison autrement plus mercantile avec la clique de Disclosure. Shamir, d’ailleurs, pourrait bien prendre la relève des deux frangins britanniques au rayon des drum machines post-adolescentes.
Multiplicité
Shamir, c’est d’abord une voix. En fait deux: à la fois l’agilité fluette, réminiscence d’une enfance étrangement éternelle, et des résonances plus graves, gagnées à l’époque du lycée, alors que Shamir se sentait différent sur tous les plans, «la manière dont je m’habillais, la manière dont je bougeais, la manière dont je parlais», confiait-il récemment au site NME. Androgynie vocale et queer attitude dans la banlieue de Las Vegas, loin des néons frénétiques et des casinos, dans un quartier qui sent le sable, le désert et l’agriculture intensive. «J’ai décidé que j’allais leur donner quelque chose à regarder, et j’ai commencé à venir en cours avec des tenues complètement dingues, et une coiffure différente chaque jour.»
Dark
Shamir distribue les hugs, se transforme en muppet dans la vidéo de «Call it off», porte haut les bariolures de ses shorts en boubou, flanqué d’un escadron de jouets Fisher-Price au fil du hit On the regular, ou fait des batailles de bulles dans «If it wasn’t true». Son mélange de rappé-chanté balancé sur des beats bruts de décoffrage donne envie de transformer les trottoirs en dancefloors. Pourtant les tracks de Shamir ne parlent pas toutes de positive attitude. «Darker» raconte la mort et ses pulsions, «Vegas» «parle du côté sombre de cette ville, du fait de grandir dans un endroit qui s’intéresse plus à ses visiteurs qu’à ses habitants», confie le jeune Américain au magazine Tsugi, et «I’ll never be able to love» évoque l’expérience de la différence, du refus des rôles de genre réglementaires et de l’isolement qui en résulte.
Shamir se dit timide, introverti, il ne clubbe pas, il décrit la soirée parfaite comme un tête à tête avec ses machines et ses disques. C’est que la house ne l’a pas toujours branché. Il écoute Nina Simone, la goth pop d’Austra et Zola Jesus, Marina and the Diamonds et même la néo-country de Taylor Swift ou Tegan and Sara – sa reprise du Lived and Died alone de Lindi Ortega à la guitare sèche a le grain nostalgique d’une vieille photo noir blanc. Multiplicité de soi: son compte Twitter dépeint Shamir en «comédien, chanteur, rappeur, twerkeur, chef, écrivain, réalisateur, tumblr, mincelet à gros derrière». Une panoplie désormais mise en œuvre à New York, où a été produit son album, «Ratchet». Signification ? «Une diva, plutôt issue des zones urbaines ou du ghetto, qui a ses raisons de se croire bien roulée, mais qui hélas ne l’est pas du tout», clarifie urbandictionary.com. Les attributs secondaires comptent aussi vénérer Nicki Minaj, porter des leggings déchirés en club et répéter «yolo», «boost» et «swag» à l’envi.