Le site de porno bisexuel masculin BiPhoria, nouveau studio créé par Zero Tolerance avec le réalisateur Jim Powers à la direction artistique, a ouvert ses portes le 6 mai 2020. Profitons de ce lancement pour faire un tour d’horizon de ce genre qui a du mal à prendre la place qui lui revient dans le paysage pornographique mondial. Aux États-Unis, par exemple, les scènes bi sont récompensées par les GayVN, mais pas par les AVN (ou les deux). La volonté du site serait-elle de sortir le bi MMF de sa niche ?
Un genre stigmatisé
Dans un environnement où le porno bisexuel avec deux femmes et un homme se nomme juste threesome, le bi masculin est quant à lui désigné par le terme porno bisexuel (bisexual en anglais). Il y aurait beaucoup de choses à analyser simplement sur l’utilisation du tag, comme l’invisibilisation de la bisexualité féminine et la mise à l’écart de la masculine.
Lance Hart et Wolf Hudson, les daddies du porno bi (avec Charlotte Sartre au milieu)
Avec le succès rencontré par Wolf Hudson, le porno bi MMF a le vent en poupe. Pourtant, les performeurs bi sont encore mal considérés et exclus des plateaux dits mainstream. Wolf l’explique dans notre interview, les agents ne veulent pas que les performeuses tournent avec des performeurs bi à cause d’une stigmatisation nourrie de clichés sur l’homosexualité et les IST. Ça explique que le pool de performeurs soit très limité et qu’ils soient souvent plus connus pour leur travail dans le porno gay.
Par peur d’être ostracisées, les performeuses sont rarement des porn stars reconnues ou désirant l’être. Comme tourner avec des partenaires fréquentant ou soupçonnés de fréquenter la scène gay est mal vu, les femmes du bi sont des indépendantes ne tournant que peu sur le circuit pro ou auto-réprésentées, c’est-à-dire qu’elles se passent d’agent. Décider de tourner dans des productions incluant de la bisexualité masculin est en tout cas un choix de carrière déterminant.
Tour d’horizon de la scène bi
Cependant, la vague du bi grossit, et les studios s’y mettent de plus en plus. Chez Devil’s Film, les scènes bi existent depuis au moins 2007 avec des séries régulières. C’est encore le cas en 2020 et Jim Powers est souvent derrière la caméra. Chez Evil Angel, Aiden Starr a produit quelques scènes, mais ça n’a pas duré plus de trois ans. Cependant, ce mois-ci, le studio sort une nouvelle série axée sur la bisexualité masculine avec Aiden Starr encore aux manettes.
En Europe, il y a toujours eu d’obscurs studios pratiquant un porno sans passion, avec des performeurs sur pilote automatique. BiEmpire, DogHouse Digital avec des séries (ces deux studios appartiennent à MindGeek), le récent LetsGoBi propose un porno un peu plus qualitatif qu’ailleurs. C’est à peu près tout.
Évidemment, la scène indépendante joue un rôle majeur dans le bi. Wolf Hudson est en train de populariser le genre. Mais avant lui, Lance Hart a créé nombres de scènes bisexuelles MMF avec sincérité et passion. Son catalogue est une mine à explorer, même si beaucoup de contenus sont traités sous l’angle femdom, ce dont il n’est pas forcément question ici. Chez les Pornhub Models, il y a bien peu d’amateurs qui s’essaient au genre. La plupart sont des performeurs du circuit pro.
Sortir de la niche
Depuis le lancement (et le succès) de Blacked, des studios haut de gamme ont voulu offrir une meilleure représentation à des niches pornographiques avec des scènes très ambitieuses. Gamma Films et Bree Mills en ont quelques-uns à leur actif, comme Transfixed pour les performeuses transgenres, Shape of Beauty pour les performeuses plus size et Age Beauty pour les performeuses de plus de 25 ans (c’est une blague, disons plutôt 40 ans).
La recette semble tout indiquée pour le porno bi. Genre maltraité, dénigré, il est le parfait candidat pour se voir bichonner avec des moyens importants, des scénarios élaborés, une photographie travaillée et plein de beaux effets pour faire rêver. Mais est-ce vraiment le cas avec BiPhoria ?
BiPhoria appartient à Zero Tolerance, studio fondé en 2002 et dont le gonzo est une spécialité. Leur travail ne brille plus vraiment au firmament. La faute aux tubes ?
Jim Powers est le réalisateur officiel du nouveau studio et également une figure du mouvement gonzo. Il est réputé pour ses réalisations et productions extrêmes. Il se définit comme politiquement incorrect, ce qui est désormais plutôt synonyme de vieux réac’. American Bukkake, Girlvert sont des séries de sa création. Depuis l’époque bénie du gonzo, il a trouvé sa place en tournant du porno avec des femmes transgenres et en utilisant des termes péjoratifs dans les titres. Le porno bi lui permet de continuer à travailler.
Une jaquette de la série Girlvert avec l’incroyable Ashley Blue
Bi biz
À notre époque où la communication sur le porno est souvent porteuse d’un discours presque militant (cf. le porno féministe, Bree Mills, le controversé terme « éthique », etc.), BiPhoria ne semble pas avoir la cause bi comme étendard. Il n’y a rien dans le parcours du studio ou du réalisateur qui prouverait une véritable volonté de représenter la bisexualité masculine. Le CEO de Zero Tolerance, Gregg Alan, n’annonce d’ailleurs pas le contraire dans leur communiqué de presse : “la gamme BiPhoria s’est révélée incroyablement populaire sur le marché en croissance du contenu bisexuel en DVD). »
Au moins, ces gens-là ne mentent pas au public en faisant croire à de nobles intentions quand il ne s’agit que d’argent. De plus, un tel studio offre une belle exposition pour le porno bi car BiPhoria est partenaire de Gamma Entertainment pour la promotion. Pas d’annonce sur la future présence du studio sur Adult Time, cependant.
L’élite du bisexual
Comme annoncé plus haut, BiPhoria compte la crème des performeurs bi. En même temps, ils sont très peu nombreux. Lance Hart, Wolf Hudson, Dillon Diaz, Ruckus, Tony Orlando sont au casting, notre 5 majeur. Ensuite, il y a des performeurs plus connus sur la scène gay : Dante Colle, Pierce Paris, Michael DelRay, Draven Navarro, Colby Jansen et bien d’autres. Si vous fréquentez les sites de porno transgenre, vous les connaissez. Ils représentent l’élite des performeurs traversant les frontières du porno (ceux qui bossent dans le gay, le trans et le bi), l’hétéro les stigmatisant toujours en 2020. Le terme « cross-over » est souvent utilisé, mais il est jugé dénigrant par les personnes concernées [édit du 21/05 : comme Wolf Hudson l’a fait remarquer dans un tweet, qui a entraîné l’édition de ce terme dans l’article].
Pour les performeuses, le casting se restreint aux habituées du genre. Bunny Colby est toujours sur les bons coups aux côtés de Daisy Cooper, Mercedes Carrera, Penelope Reed, Audrey Noir, Vera King, Riley Nixon, Sovereign Syre, Rose Darling, Lauren Philips. Au moins, cela représente des opprtunités de travail pour les personnes hors du circuit par volonté d’indépendance ou parce qu’elles ont dénoncé le système en place dans le porno mainstream (comme Bunny Colby et Vera King).
Cependant, il faudra que le contenu soit à la hauteur. Gamma, avec ses studios de niche haut de gamme a habitué le public à de la qualité et une cinématographie impeccable. Il n’y a qu’à voir le Shape of Beauty entre White et Trouble. La comparaison risque de jouer en défaveur de BiPhoria.
L’orgie bi, visible sur Le Bon Fap, montre que les moyens pourraient ne pas être suffisants. BiPhoria n’a pas la force de frappe de Gamma et cela se ressent à l’image. Spécialistes du gonzo, ils ont décidé d’appliquer une façon de filmer minimaliste et tout en mouvement, ce qui peut décontenancer. On vous laisse vous faire votre avis.
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