Chaque mois de juin revient la saison des Marches des Fiertés et autres Prides et, avec elles, une forme de passéisme devenue récurrente. En substance : la Gay Pride, entend-on ici et là, «c’était mieux avant».
Avant quoi ? Avant les “officiels” (élu·es et ministres) dans le carré de tête du cortège, avant les mots d’ordre ineptes et dépolitisés (comme celui de la Marche parisienne de cette année, «Les discriminations au tapis, dans le sport comme dans nos vies !»), avant les chars commerciaux ou ceux des policiers LGBT (notamment de l’association Flag!), des labos pharmaceutiques et des partis nationalistes (comme le N-VA, parti flamand présent à la Pride de Bruxelles le 19 mai) ? Il y a en effet bien des raisons légitimes de ne pas se reconnaître dans les Marches des Fiertés actuelles.
C’est d’ailleurs pour cela que des “Prides de nuit”, plus radicales, sont organisées en amont de la Marche des Fiertés “officielle”, à Paris (depuis 2015), à Toulouse ou, pour la première fois cette année, à Lyon. Mais on se tromperait en pensant que ces initiatives bienvenues se contentent de renouer avec un esprit originel qui se serait perdu.
L' »âge d’or » des luttes homosexuelles n’a jamais existé
Lequel, d’ailleurs ? Celui des émeutes de Stonewall ? C’est oublier que, si ces affrontements séminaux avec la police new-yorkaise furent en effet violents, beaucoup de leurs participant·es ne portaient au départ qu’une revendication très simple (et très respectable) : avoir le droit de boire, de danser, de s’amuser et de faire la fête sans se faire frapper par les flics. L’esprit du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) alors ? Aussi durables qu’aient été son influence et son héritage, il ne faut pas exagérer l’importance qu’il a eu durant sa brève existence : le FHAR n’a jamais représenté l’état d’esprit d’une majorité des homosexuels français des années 70, loin s’en faut.
Une expo pour commémorer les émeutes de Stonewall
En réalité, les premières “Gay Prides” (on ne disait pas alors “Marches des Fiertés LGBTI”), qui rassemblaient beaucoup moins de monde qu’aujourd’hui, n’étaient pas uniquement composées de militants radicaux, conscientisés et politisés. Depuis, certains combats ont été gagnés (la “dépénalisation” de l’homosexualité, la reconnaissance juridique des couples de même sexe…), d’autres ont émergé (notamment tous ceux qui ont trait à l’homoparentalité) et on ne voit pas en quoi ils seraient moins légitimes sous prétexte qu’une forme limitée d’acceptation de l’homosexualité s’est développée chez les hétérosexuel·les.
Ne nous y trompons pas : les luttes des minorités sexuelles ne seront pas sauvées par la nostalgie, ni par la vénération figée d’un âge d’or mythifié, mais bien par leur capacité à se réinventer et à prendre à bras-le-corps, de façon radicale et indépendante, les différents maux de notre société.
Photo : Première marche nationale pour les droits et les libertés des homosexuels à Paris, le 4 avril 1981, à l’appel du CUARH (Comité d’Urgence Anti-Répression Homoseuxuelle) © Claude Truong-Ngoc
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