Une soirée de baise au Sofitel Un soir de cette semaine, j’avais rendez-vous pour dîner avec un homme ultra chic, la cinquantaine, Président de société – un groupe de haut niveau, implanté dans toutes les grandes capitales financières. J’avais besoin, vraiment besoin de me prendre une bonne décharge d’élégance masculine (à cause de mon taf du moment où je croise plus souvent des ‘chemises à carreau-cardigans’ que des cravates Hermès) : il fallait que je me prenne une injection de très grande classe, je commençais à être en manque.
Donc j’avais rendez-vous avec un Président de multinationale – le genre de Président qui a un excellent DG, à propos duquel il m’a dit : «
Mon DG ? Oui, c’est vrai, c’est lui qui bosse mais c’est moi qui ai tout le pouvoir ». On reconnaît la qualité des DG à la mine des Présidents, dit-on : certains Présidents ont, à toutes les périodes de l’année, les traits reposés (voire le teint légèrement hâlé) pour attester de la qualité de leur équipe de direction. Plus le Président est bronzé, plus le DG est compétent. J’ajouterais volontiers, basé sur mes observations : plus le Président est libertin, plus le DG assure derrière…
La vie du Président : voyages incessants, avions, grands hôtels, dîners huppés avec plein d’autres PDG (qu’il me racontait, ces derniers temps), clubs privés, tout ça… Bref :
le mode de vie rêvé pour éprouver son tempérament libertin... car, bien évidemment, le Président de mon rendez-vous l’était pour le moins : notre dîner ne devait rien au hasard, encore moins au
business(je
doute que le Président ait beaucoup de cardigans dans ses équipes, lui : dans ses activités le taux de pénétration de la cravate Hermès atteint des sommets) – notre rencontre se justifiait donc par notre attachement commun au libertinage, et plus généralement notre rapport partagé à la sensualité. Rencontre pas du tout fortuite, donc, à attribuer à la connivence libertine, et
de fait, pleine de possibilités éventuelles, de sous-entendus associés, rien d’innocent dans tout cela...Je passe sur la phase de séduction (qui mériterait des pages et des pages de dissertation – en résumé, disons que le Président m’avait dit : «
vous pourriezêtre ma maîtresse, Camille – j’en ai déjà deux, absolument extraordinaires, mais aucune à Paris ; mais bon, je n’aime pas les jeunes filles en fleur qui s’effarouchent d’un rien, j’aime au contraire les femmes qui savent exprimer leur excitation, celles qui adorent le sexe, plutôt très vicieuses, vous comprenez ? Il me faut des amantes à ma mesure – j’aime le sexe très libéré, j’aime les femmes qui osent tout et qui assument à 100% leur lubricité, alors à vous de voir... » Programme ainsi énoncé, de but en blanc, sans la moindre hésitation : le Président est très, très sûr de lui, et singulièrement de son pouvoir de séduction. Il n’en fallait pas plus pour que je surenchérisse : mon orgueil d’amante était attaqué (je déteste qu’on me prenne pour une petite débutante innocente, j’aime au contraire qu’on me reconnaisse
une certaine maîtrise dans le sensuel, voire -idéalement-
quelques talents d'amante…).
L’envie m’était venue de répondre au Président quelque chose d’un peu prétentieux, de type «
Croyez-moi Président, de nous deux, en matière de lubricité c’est bien moi qui risque de vous surprendre… » La conversation avait donc dérivé sur de très beaux exemples de pratiques, de caresses, d’expériences libertines exaltantes, etc… – c’était franchement très excitant. Le surlendemain, il m’appelait à peu près en ces termes : «
Camille, j’étais en train de penser à vous, je suis nu dans la chambre d’un hôtel absolument sublime à Londres, seul, et je bande comme un dingue, qu’en pensez-vous ? ». Ce que j’en pensais ? Ma foi… J’avais laissé entendre qu’il n’était pas exclu que ce genre de scène puisse « m’inspirer » - je m’étais bien gardée de dire « m’exciter » : comme tous les libertins, le Président doit détester les situations gagnées d’avance, avais-je pensé, il préfère forcément les amantes aguerries au jeu du
voilement/dévoilement de leurs envies, celles qui savent biaiser pour mieux s’imposer face aux hommes, le moment venu… Bref, j’avais botté en touche… Puis le Président m’avait demandé : «
Ca ne vous gène pas si je me branle en pensant à vous, là, maintenant ? ». J’avais répondu au Président que non,
déranger n’est pas le verbe que j’emploierai au sujet de cette conversation… Quelques jours plus tard, il me demandait à quelle heure je devais être à Paris tel jour ( !), car il me faisait envoyer des billets d’avion pour que je vienne le rejoindre à Genève pour dîner – donc il voulait savoir à quelle heure il fallait que je sois à Paris le lendemain matin pour le billet retour... Qu’on se rassure : j’ai tâché de ne pas me comporter, justement, comme une jeune fille en fleur – le genre de jeune fille fonçant tête baissée vers le lit du premier Président venu. Je me suis comportée quelques temps (volontairement) comme une petite chatte inéduquée : coups de griffe résolument méfiants à l’endroit de tout homme qui voudrait s’approcher de trop près, fût-ce pour la caresser sans arrière-pensées… Et puis, le bon moment est presque aussi crucial que la bonne personne : j’avais annulé un dîner (au motif : trop de taf - je ne suis pas sure que le Président ait pu y croire…), ça l’avait agacé, j’avais même pensé l’avoir perdu, j’étais à deux doigts de m’excuser… Mais bon, finalement, après plusieurs autres épisodes (j’ai abattu quelques cartes qui me semblaient maîtresses, en pensant :
là, le Président va comprendre qui je suis, quels sont mes secrets et quel profit il peut en tirer pour ses plaisirs…), le jeu de séduction avait repris, et commençait à me plaire franchement – à m’exciter énormément. Et puis, c’est bien ça le mystère de la séduction : quel que soit la licence qu’on déploie, et toutes les langueurs de la liturgie érotique qu’on a beau déclamer avec passion, parfois ça prend et parfois ça ne prend pas, c’est comme ça : et bien là non seulement ça prenait, mais ça flambait pas mal, même, avec le Président… Cela faisait donc un bon moment que je pensais que le Président et moi finirions dans le même lit (tôt ou tard), quand il m’a donné rendez-vous pour dîner un soir à Paris, cette semaine, donc, à 20h30 dans un lieu hyper huppé (fermé au public), qu’il m’a expressément priée de ne pas nommer ici (je pense qu’il en est habitué, il a peur de pouvoir être identifié via le lieu)… Le genre d’endroit où les gens influents peuvent épater leurs maîtresses en toute tranquillité (bon, ça n’a pas marché du tout avec moi : non seulement je trouve le concept du lieu –un genre de club privé - d’un ridicule achevé, mais j’y ai déjà dîné 3 fois, et les 3 fois j’avais été relativement mal baisée après – largement de quoi confirmer
ma thèse selon laquelle plus le lieu est huppé, moins le sexe après est débridé : « dis-moi où on va dîner, je saurais comment après on va baiser… »). J’avais expliqué au Président qu’à défaut de me comporter mal, très mal au lit (ce que j’aurais préféré) je tâcherais au moins de me tenir bien à table… Et en début d’après-midi, je lui avais demandé, puisqu’on avait rendez-vous à 20h30 «
à quelle heure il estimait, du coup, que son sexe serait ce soir dans ma bouche ». Et je lui avais aussi fait un mail un peu
(voire très très) chaud, lui expliquant précisément
pourquoi je n’arrivais pas à me concentrer (une description précise des mauvaises pensées détournant mon esprit vers une brûlante lubricité, bref, toutes les obscénités que j’imaginais, à H – 6 d’un dîner avec lui – et il est vrai, pour tout avouer, que cet après-midi là, je me suis maudite de n’avoir pas dans mon sac de vibromasseur, j’aurais alors activé la serrure électronique de mon bureau, j’aurais relu les 98 mails (oui, vraiment 98…) que nous avions déjà échangé tandis que de l’autre main… et je me serais efforcée, tant bien que mal, de ne surtout pas crier…). Donc je prends ma part de responsabilité : je ne me suis pas (du tout) présentée à ce dîner comme la dernière des innocentes : je le reconnais tout à fait,
j’avais envie de sexe avec lui. Toujours est-il que ça m’emmerdait assez d’aller dîner dans son lieu privé : je ne m’étais pas privée de m’en plaindre (j’ai dit au Président : c’est surement fréquenté par quelques personnes très bien, mais j’y connais aussi beaucoup de pique-assiette et de +/- tocards qui ont des trucs à vendre (des consultants à placer, des missions de ceci-cela, des demandes de subventions, etc.). Il ne m’avait pas trop contredite, on avait parlé réseaux et marqueurs sociaux, genre le golf, le Président m’avait dit : «
il n’y a pas que des cons qui en font, mais tous les cons, eux, en font ». Ca m’avait fait rire !). Et puis, dîner ou pas dîner, j’avais envie d’intimité avec le Président, pas d’une salle trop fréquentée où sans cesse ses connaissances viendraient le saluer… A 20h30, du coup, le Président me propose un changement de programme : un «
dîner simple, plus décontracté ». Yes, je me dis que la soirée gagne soudain en intérêt (je ne m’étais donc pas caressée, j’avais toujours envie de jouir, déjà mes dessous étaient trempés, il fallait prendre en compte tout le contexte en amont pour appréhender ce dîner : les 98 mails échangés, et toute la journée à fantasmer, etc). Bon, le « dîner décontracté », pour le Président, c’est le restaurant d’un Sofitel à deux pas de l’endroit où nous avions rendez-vous (si, depuis l’affaire DSK il est encore possible d’ignorer ce qu’est un Sofitel, je précise : la gamme d’hôtels 5* du Groupe Accord – donc tout sauf un endroit « simple », « décontracté » et « abordable »… mais bon, cel
a allait bien avec le costume impeccable et la cravate Hermès qu’il portait ce soir-là. Moi j’étais moins chic (je ne m’étais pas changée), quoi que j’avais à la main droite un superbe diamant monté en solitaire offert par D. il y a plusieurs années, et j’étais surtout très décolletée – ce que je crois que le Président a bien aimé). Donc nous marchons une demi-minute, et nous voilà au Sofitel (superbe décor, magnifique endroit, sublime…). Dans le hall, avant d’entrer dans le restaurant, il me propose avec insistance d’aller « poser mes affaires » – pas la peine, je lui dis, j’ai juste mon sac à main, j’aime autant l’avoir près de moi… Si si, il insiste, viens, tu vas poser tes affaires, suis-moi… 2 minutes d’ascenseur, voilà qu’il me conduit, avant le dîner, dans une chambre qu’il avait
donc déjà réservée, et referme la porte derrière-nous : le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il annonçait la couleur : déjà seuls dans une chambre dix minutes après s’être retrouvés… Le Président habite (seul) une des plus belles avenues de Paris, il sait aussi très bien que j’ai un appartement où je vois mes amants, en sus de ma vie avec S., alors je lui demande pourquoi il a pris une chambre… Il aurait pu répondre en faisant allusion à mon SMS le laissant choisir «
l’heure à laquelle son sexe serait dans ma bouche » (du genre :
je meurs d’envie de sentir ta bouche autour de ma bite avant le dîner, et dans une chambre c’est quand même plus sexy que dans les toilettes du restaurant, tout en
disant cela il aurait défait la boucle de sa ceinture, sorti son sexe avec autorité, je me serais assise sur le rebord du lit et il aurait fait mine de me caresser les cheveux, tout ça m’aurait surement excitée…) , mais non : il me dit «
je te l’ai dit : pour que tu puisses poser tes affaires, tiens, pose ton sac, on descend dîner ». Nous échangeons un premier baiser dans la chambre (
plutôt chaste : je ne dirais pas que je sens, dès ce moment-là, la langue du Président tout au fond de ma bouche : ce baiser accroît donc ma frustration, aiguise encore mon appétit, mon envie de me faire baiser…) ; mais je ne souhaite pourtant pas aller plus loin à ce stade : tout cela me semble un poil trop « écrit à l’avance », le coup de la chambre pour poser mon sac avant le dîner… C’est donc moi qui, cette fois, demande qu’on descende, coupant court aux caresses qui s’annonçaient (le Président bandait). Je lui demande s’il pense que je suis une femme légère, facile, influençable par les circonstances ; il me répond, calmement : «
non, du tout, pourquoi, quelque chose te choque dans ce début de soirée ? ». Et finalement, pour bien jouer encore et encore à l’agacer, dans l’ascenseur qui descend, je me contredis, en lui demandant : «
Faut-il vraiment qu’on aille dîner ? ».
Le Président rigole, je crois qu’il comprend mes atermoiements, mais c’est un jeu, une partie d’échecs, on sait très bien ce qu’on fait : la bataille est factice, on sait très bien l’un et l’autre comment va se finir la partie… Bref, nous voilà à dîner en tête à tête dans le restaurant de l’hôtel, et j’adore. Enfin pas le dîner, mais le Président. Je prends ma dose d’élégance, je rattrape, je fais des provisions de
style... Je me nourris de la volupté d’un tel moment, observer le Président : je me dis que ce genre d’hommes se savoure – s’ils ne sont pas introuvables, ils sont quand même relativement rares. Quand je dis « ce genre d’hommes », j’entends : alliant à un tel degré une élégance absolue – de la mise, des gestes, des propos, des attitudes, des attentions… - et la conception la plus vicieuse et débridée des choses du sexe.
Il faut aimer (c’est clairement mon cas) les grands contrastes, les personnalités dont le meilleur (i.e. le plus obscène) se dissimule derrière des apparences insoupçonnables, les hommes qui planquent leurs trésors de perversion derrière leurs meilleures manières, derrière une distinction infaillible qui ne rend que plus savoureuses, une fois nus, leurs audaces les plus extrêmes…
En dînant, je me perds dans mes fantasmes : imaginer que derrière l’élégance du Président se dissimule un amant qui, peut-être, dans un instant, dans la chambre au-dessus qu’il a déjà réservée, me léchera les seins tout en me caressant l’intérieur de la chatte avec deux doigts ; ou me traitera de
petite garce, son sexe bien au fond de ma gorge ; ou me massera l’anus avant de me sodomiser – ce qui n’est pas arrivé, d’ailleurs : le Président m’a dit (quand on
était au lit) : «
j’aime enculer assez serré ». Ce à quoi j’ai répondu, pour tout avouer : « j’imagine que très peu de femmes te laissent faire, vu la taille de ton sexe ». Et franchement, ce n’était pas de la flatterie courtisane… un peu plus tard, quand il était sur moi, je trouvais ça vraiment bon, d’ailleurs, j’en criais…
Digression, pardon.
Je reviens au dîner : il s’avère que le Président connaît (évidemment) un de mes ex-amants dont j’ai été, à 20 ans, folle dingue amoureuse (D., qui comme lui savait très bien déléguer, d’ailleurs… et comme lui aimait le sexe « très vicieux »), et lorsqu’il me demande quel amant il était, je lui réponds sans hésitation : «
hors du commun ». Nous en venons à parler de ce qui peut faire – ou non – qu’une relation entre amants est « hors du commun ». Puis nous parlons de la juste place de l’égoïsme dans le sexe, du plaisir des femmes, de l’érotisme de la masturbation, des soirées entre libertins à Paris, du plaisir pour finir. Puis nous montons baiser.
A ce sujet – ce qui peut faire qu’une relation entre amants peut être « hors du commun », je lui disais : cela mériterait bien un article entier (le Président avait lu mon blog, il m’avait dit : quand tu te mets en scène dans tes articles, ça me fait bander – je lui avais dit : alors je vais arrêter, car ce n’est pas le but, ce n’est pas un blog érotique, j’écris dans une optique didactique sur la liberté sexuelle, pas pour faire bander les hommes par qui j’ai envie de me faire baiser… Il m’avait répondu : Ah oui, tu as donc envie que je te baise ? J’avais botté en touche illico, et répondu : Donc il faudrait que je fasse un article sur les liaisons « hors du commun », tu vois, je serais plus à l’aise pour l’expliquer par écrit, plutôt que ce soir ici face à toi, bizarrement j’éprouve quelques difficultés à me concentrer…).
Et voilà la genèse de ce billet…
(nota : dans un prochain billet, je raconterai – si je trouve le temps – ce qui s’est passé après le dîner, à savoir : comment le Président m’a baisée, sur les draps blancs de la chambre du Sofitel qu’il avait donc déjà réservée – je peux juste dire que quand il m’a poussée sur le lit, et que je l’ai vu remonter son col puis dénouer sa cravate d’un geste très sur, j’ai cru que j’allais mourir de volupté…)**********
La mythologie de la liaison entre amants (en train de se perdre presque complètement ?) Donc qu’est-ce qui fait, peut faire qu’une relation entre amants est « hors du commun » ?
Comme il y a une mythologie du mariage, qui globalement décrit le tiède (
les courses le samedi après-midi, les déjeuners du dimanche avec les beaux-parents, le sexe « rapidement et sans réveiller les enfants »…), il existe une mythologie de la liaison entre amants – qui, elle, flirte avec le feu.
Enfin, c’est la mythologie, bien sûr. Le feu, encore faut-il le vouloir… Il y a
amants et
amants…
Dans la vie, tout me semble une question de choix : les couples ont la stabilité, donc toutes les valeurs associées à la raison : l’épargne, la prévoyance, le long terme… Les amants n’ont que l’incertitude de l’instant, mais (en théorie)
toutes les valeurs associées à la folie : l’excès, la déraison, les coups d’éclat (et les grands cris de plaisirs)… C’est normal : les liaisons sont par nature éphémères, et on vit toujours plus intensément quand on a conscience que tout peut s’arrêter du jour au lendemain… Chacun des deux modèles a ses joies et surtout ses châtiments : celui de l’épouse se nomme l’ennui (sinon l’indifférence), celui de l’amante se nomme l’attente (sinon la solitude).
Les couples qui essaient de voler les valeurs des amants (les coups d’éclat) sont souvent pathétiques (genre «
chérie, ce soir j’ai mis les enfants chez mamie, je te sors THE grand jeu : dîner aphrodisiaque en sous-vêtements dans le salon, et en dessert tu auras un cunnilingus comme tu n’as plus connu depuis la nuit de noce !! Je vais te le réveiller moi le désir, tu vas voir ça !! »… pathétique…).
Mais l’inverse me semble ENCORE PLUS pathétique et minable : les amants qui se laissent gagner par les valeurs des couples (ils recrutent leurs « liaisons » via un casting ultra-précis sur Gleeden avec des accroches aussi sexy que « on sait tous les deux pourquoi on est là, alors pas de manières, on a envie de la même chose, on se voit ? », puis planifient leurs entrevues à la seconde, se voient exclusivement entre midi et deux, ne
prennent aucun risque, surveillent souvent leur montre pour
ne pas laisser filer le temps, ne font pas de dépenses inconsidérées, les hommes prient leurs maîtresses d’éviter tout parfum – ça pourrait laisser des traces sur leur veste, et pas envie que les collègues à 14h se doutent de l’escapade -, chacun doit prévenir minimum 48 h à l’avance en cas d’empêchement, puis dès le 2
nd rendez-vous ces amants-là tombent dans une routine de l’adultère salut/sexe/à la prochaine, bref, l’horreur, aucune surprise, en un rien de temps ils se retrouveront comme les couples à vouloir désespérément "rallumer la flamme", "essayer des trucs nouveaux", "varier les plaisirs", ou alors ils se quittent dans l’indifférence généralisée (genre, en se disant « bon, on se rappelle, hein ? Oui oui, on se rappelle… » et aucun des deux n’y croit une seule seconde), et je me dis toujours, pensant à ces pauvres amants devenus si raisonnables : mais pourquoi ? pourquoi prendre un amant / une maîtresse si c’est pour vivre des choses aussi cadrées ? C’est quoi l’intérêt, le sel, l’essence, le plaisir d’un truc aussi normé ? Autant se branler un bon coup, ça revient à peu près au même, non ? C’est quoi l’intérêt d’une liaison comme ça, sans coup d’éclats, sans folie, sans sortir des cadres ?
Donc : la mythologie de la liaison
entre amants, qui me semble en train de se perdre, c’est celle du
coup d’éclat.
C’est-à-dire : les folies, les trucs dingues, les actes complètement déraisonnables (donc parfaitement inoubliables) commis pour le seul plaisir d’éblouir celle ou celui qui nous offre une nuit hors du temps. Pour la beauté du geste romanesque, pour impressionner l’autre ou par
pur plaisirde se laisser gagner par la folie ; tout cela pour ajouter
encore et encore de l’insolite au miracle de la complicité qui ne s’oubliera jamais… (je vais donner des exemples ci-après). En fait, il faut fracasser
vraimentles digues du raisonnable et des convenances, et c’est gagné…
J’ai déjà dit à plusieurs de mes amants cette jolie phrase (lue dans un Kundera je crois) : «
je ne t’assignerai qu’à l’éternité ».Ce qui signifie : le
deal est clair : où on vit simplement une «
petite parenthèse », sans prendre trop de risques : elle sera raisonnable donc normée (elle sera
petite, c’est bien le mot), on passera donc des moments agréables à baiser, mais dans 5, 10, 15 ans, il ne nous en restera que très peu de souvenirs, sinon rien. Ou bien on s’autorise les coups d’éclat, et on est capables de surinjecter du romanesque, de l’excès et de l’audace dans notre liaison, et alors là on ne s’oubliera jamais, jamais, jamais… et on aura donné à nos vies de la consistance, de l’épaisseur, de la saveur… (je ne t’assignerai qu’à l’éternité = c’est
tout (on se s’oubliera jamais) ou
rien(dans 5 ans je ne me rappellerai même plus ton prénom).
Et franchement c’est bien le cas, me concernant, quand je repense à mes amants de ces 8 ou 10 dernières années. Il y a une petite élite qui surnage : ceux que je n’oublierai jamais, ce dont je me souviens de tout : du moindre regard, des intonations, des accès de folies et des excès, de la forme exacte de leur sexe, etc, bref, ceux dont le souvenir vivra éternellement en moi… Et il y a les autres, dont je me rappelle vaguement que « c’était bien », mais pas grand-chose de plus… (y compris, par exemple, un homme avec qui je suis restée quasi un an, il avait de grandes qualités mais c’est vrai que c’était assez plat, et aujourd’hui je ne me rappelle quasi plus de rien… quelle tristesse !) Ce qui fait toute la différence : les premiers étaient romanesques, déraisonnables, ils réinventaient constamment notre liaison, à chaque fois que je les voyais j’avais des émotions dans tous les sens... Les seconds étaient plus sages, plus raisonnables, donc facilement « oubliables ».
Il faudrait que chaque fois qu’un homme va retrouver une femme pour la baiser, il se pose la question : qu’est-ce que je veux lui laisser, quelle importance voudrais-je que notre liaison ait pour elle ? Un « ptit plan Q », ou bien qu’elle ne m’oublie jamais ?
Après, à chaque homme de se comporter selon le choix qu’il fait…
Le drame, c’est que je suis prête à parier que l’immense majorité des hommes se contenteront volontiers, et très bien, de l’option « ptit plan Q », et voilà exactement la mythologie des amants qui se perd : aujourd’hui les hommes ne cherchent plus des amantes, ils cherchent des « plans Q », et se comportent en conséquence : tièdement, raisonnablement, petitement…
Quand je pense à D., qui fut l’amant qui a totalement ébloui mes 20 ans, je revois encore aujourd’hui, avec une netteté hallucinante, des centaines d’instants partagés. Huit ans après, c’est comme si je les avais vécus hier. Voilà pourquoi : peut-être plus encore que du sexe, D. était
amoureux des coups d’éclat – à ce jour, en ce domaine précis, aucun de mes amants suivants ne lui est encore arrivé
à la cheville. Il aimait me faire jouir, mais plus encore : commettre des actes romanesques. C’était son truc, il disait : «
je suis assez sérieux dans la conduite de mon groupe pour me permettre de ne plus l’être du tout avec les femmes »… Des fois je lui disais « on ne peut pas faire ça, enfin, ça ne se fait pas, je n’oserais jamais… », et il me répondait «
Bullshit ma chérie, rien à foutre que ça se fasse ou pas, tu comprends ? ». Il était capable de tout : il était vraiment dans le fantasme de la liaison cinématographique, il disait «
on a qu’une vie, prends de la hauteur tu verras que tout ce qu’on vit c’est vraiment le meilleur » ; le monde lui appartenait et il osait pour m’éblouir absolument toutes les folies qui pouvaient lui passer par la tête; il avait vraiment ce talent-là,
le talent des coups d’éclat… Il m’a fait vivre mes 20 ans à 200 à l’heure, et jamais, jamais, jamais je n’oublierai ce que je lui dois : la plupart de mes plus beaux souvenirs de sexe, de complicité, de folie et de félicité. Ils sont à moi pour l’éternité – ma mémoire de D. est un palais - ; ce sont mes souvenirs d’intensité absolue, ils font partie de ce que je suis, ils vivront en moi jusqu’à ma dernière seconde sur terre, et toutes ces folies d’amants ont façonné l’amante sinon la femme que je suis : D. a fait de moi la maîtresse ardente et passionnée que je serais à présent toute ma vie.
[là normalement je donnais des exemples de trucs complètement dingues que D. a fait pour moi, au mépris de toute raison, mais ça faisait un billet vraiment trop long. J’en ferais un prochain billet : mes exemples de pure folie entre amants vécus à 20 ans, j’étais encore étudiante…]Bref : pour qu’une liaison entre amants soit hors du commun, il faut l’alchimie du sexe, c’est clair. Mais certainement pas que ça. Pour qu’elle soit hors du commun, il faut en plus de la
déraison.
Ce qui n’est jamais si évident : la raison est la valeur phare qui structure la société et les rapports entre les humains…
Il faut une sacrée indépendance d’esprit, il faut une liberté vraiment supérieure et un talent qui n’existe que chez très peu d’hommes pour être capable de manier la déraison, pour être capable de réinventer perpétuellement les façons dont un homme peut aimer une femme, et pour faire naître le feu… Et pourtant, sincèrement, il n’y a RIEN de meilleur sur terre que d’être l’amante d’hommes qui savent l’être,
déraisonnables… Il n’existe pas de plus grande félicité, rien qui puisse autant enchanter que de se dire : mon amant n’est pas juste
un coup, c’est un
amant…
(
déraisonnableça ne veut pas dire : partir dans tous les sens sans discernement, faire n’importe quoi, multiplier les trucs débiles... C’est infiniment plus subtil.
Confer les exemples de D.)
Cette capacité qu’ont les hommes à être fous auprès de leurs amantesEt ça, ce talent-là, cette capacité qu’ont les hommes à être fous auprès de leurs amantes, il se perd. Ça fait longtemps qu’il est en train de se perdre, mais on peut encore le défendre… enfin, à chacun de choisir s’il veut vivre des
petites parenthèses, des
petits plan Q ou des liaisons qui ne s’oublient jamais… C’est vraiment à chaque amant (et chaque amante) de choisir ce qu’il veut mettre d’intensité dans le lien, de choisir où placer le curseur sur l’échelle des valeurs allant de raison (donc tiède) d’un côté, à folie (donc feu) de l’autre…
Dans son autobiographie, Madame Claude donne cette anecdote (ok, on me dira que l’exemple est mal choisi… mais les filles de Madame Claude étaient
presquedes amantes, elles étaient payées pour être
des amantes, justement, pas des putes, donc j’utilise quand même son témoignage, même si la prostitution n’est pas DU TOUT mon sujet) : alors que les filles de son réseau étaient payées par avance, un prix fixe et en cash, elle a souvent vu, en plus : «
sans pouvoir donner une explication réelle, des garçons faire de superbes cadeaux à la compagne tranquille d’une seule soirée ». Elle cite : un diamant, un vison, voire une Austin offerte à la fille d’une seule nuit, comme ça, par pure folie, sans qu’ils n’aient le moindre espoir de la revoir jamais (Madame Claude, sauf exception, ne ré-attribuait jamais la même fille pour éviter les liens amoureux, justement). Voilà : le type a payée la fille par avance, il a passé une nuit géniale avec elle, et au petit matin, au lieu de lui dire « bye-bye », il lui dit « attend, on va juste faire un détour par la Place Vendôme et après je te dépose, j’ai juste une petite course à faire… », il lui offre un superbe bijou, et lui dit alors adieu… Pour Madame Claude : «
peut-être était-ce pour eux [ce genre de cadeaux « illogiques » et romanesques]
un moyen de faire de cette nuit unique un « précieux » souvenir ? ». Car plus on met du romanesque et de l’irrationnel, plus le souvenir devient inoubliable, en effet…
Lorsqu’elle rédige ses mémoires, plus de 20 ans plus tard, Madame Claude voit déjà la fin d’une époque, du moins, la fin d’un certain rapport à la félicité entre amants : «
Maintenant, les cadeaux somptueux aux filles arrivent très rarement. Comment voulez vous justifier sur votre feuille d’impôts une sortie d’argent importante pour seulement faire rêver une femme ? Les ministres des finances ne savent plus rêver… ». Elle peste en creux contre la judiciarisation de la société (elle sous-entend que les cadeaux étaient offerts depuis la comptabilité des entreprises, pas depuis les comptes bancaires personnels des hommes, qui eux ne regardent pas les ministres des finances), les contrôles fiscaux incessants et la disparition progressive des fonds secrets (aussi bien, d’ailleurs, les fonds secrets des Ministères et des partis, que ceux des grands groupes industriels). Si Madame Claude travaillait encore, possible qu’un Roland Dumas aurait eu moins d’emmerdes avec des filles de Claude qu’avec sa « Putain de la République » richement entretenue par les fonds secrets d’Elf d’Aquitaine ès qualité « retour de bon procédé », mais bon, autre sujet…
Bon, peu importe les fonds secrets : en effet, les cadeaux irrationnels arrivent rarement aux maîtresses, actuellement, mais Madame Claude doit avoir bien d’autres motifs d’indignation :
est-ce que les liaisons entre amants ne se sont pas (globalement) affadies, rationalisées, assagies, ‘’conjugalisées’’, de nos jours ? Il n’est pas question des cadeaux : ne serait-ce que le temps partagé… Les hommes sont-ils encore capables de se dégager du temps, vraiment du temps, et de ne le consacrer qu’à leur amante, à l’heure du flicage via smartphones et des mails toutes les deux secondes ?
Est-ce qu’un homme peut encore « prendre deux ou trois heures » pour n’être « nulle part », s’affranchir du social, se rendre à un rendez-vous sans que pas une seule personne ne sache où il va, et couper tout lien avec le monde pendant ce temps consacré à baiser son amante ? Est-ce qu’on est encore capables de ces priorités-là :
quand je suis auprès de toi, le monde ne peut plus m’atteindre (portable éteint, pas de montre, etc) ? Et puis d’abord, les hommes en ont-ils seulement envie, d’éblouir une femme, comme ça, dans un espace-temps totalement secret, avec la préoccupation de lui laisser un merveilleux souvenir ? La plupart des hommes ne pensent-ils pas : « juste des rendez-vous entre midi et deux à l’hôtel, sans prendre de risque inconsidéré, ce serait parfait » ?
Toute la différence entre la liaison et le « vulgaire plan cul », même si dans les deux cas on baise et on jouit… Bref : Quelque chose s’est perdu, incontestablement, et je ne parle pas des cadeaux, qui ont bien peu d’importance…
Je caricature un peu ? Pas tant que cela… Combien d’hommes sont capables de décrocher de leur smartphone pendant le temps qu’ils partagent avec leur amante ? Sincèrement ? Si la sonnerie retentit alors qu’ils sont au lit auprès d’elle, passé les 2-3 premiers rdz-vs, ils se précipitent pour répondre, non ? Quelle horreur… Quelle inélégance, quelle nullité… (ou alors, dans une version atténuée, dès que la baise est « finie », aucun temps à rester tendrement enlacé au lit avec leur amante : à peine ont-ils joui qu'ils bondissent sur leur téléphone pour consulter les mails qu'ils supposent avoir reçu pendant ce temps… Et le pire c’est que j’en connais pas mal, des hommes qui (avec moi) ont fait ça : erreur fatale… Si le portable d’un homme sonne pendant qu’il est avec une amante, il doit répondre quelque chose du genre «
si tu savais à quel point j’en ai rien à foutre, alors là, ils peuvent bien essayer de m’appeler autant qu’ils veulent, auprès de toi je ne risque pas de répondre… » Et il doit même reprendre de plus belle son amante, pendant que la sonnerie continue à retentir... Tout cela me semble tellement évident... et pourtant !
Moi je ne supporte plus qu’un amant me baise en gardant sa montre au poignet. Même s’il ne la regarde jamais : question de principe. Un homme qui baise une amante doit être capable de retirer sa montre. En tout cas pour me baiser moi.
Bref, quand je dis : savoir être déraisonnable, je ne pense pas du tout aux cadeaux dingues offerts sur les fonds secrets, comme à l’époque des plus belles heures de Madame Claude. Je parle de l’attitude morale… Aujourd’hui, le génie du sexe, pour reprendre
le titre d’un livre de Christine Brusson, ce serait plutôt ça, selon moi : être capable, pendant deux heures, de « tout lâcher », « courir au lit avec l’autre », « allumer le grand feu ». J’adore cette citation
(que je cite ici parce que je l’ai retrouvée pour un homme qui m’écrit des messages enchanteurs remarquablement bien rédigés, je viens de lui envoyer en privé… ;-))
Bon, bref, je parle bien d’attitude morale.L’attitude « raisonnable », aussi, de nos jours, ça consiste à se soumettre à cette immonde prudence, totalement minable, je trouve, qui veut qu’on fasse semblant de ne surtout pas connaître les gens avec qui on baise, du genre : « ah non, si on se connaissait
autrement je te recommanderais, évidemment, mais là, comme on est amants, tu comprends bien que je ne peux pas parler de toi, ça serait suspect, non non, je ne peux prendre aucun risque, il vaut mieux faire comme si on ne se connaissait pas ».
J’en reviens au Président du début de mon article. J’explique au Président que je sollicite actuellement plusieurs de mes connaissances pour intercéder en ma faveur, et faire avancer un truc me concernant… (rien d’illégal du tout !). Le Président me dit «
attends, si je peux le faire, je vais m’en occuper personnellement ». (sincèrement, je le jure, je ne m’y attendais pas une seule seconde, je n’y pensais même pas). On a pourtant baisé qu’une seule fois. Il me dit qu’il va « regarder ce qu’il peut faire ». Quelques jours plus tard, il m’apprend qu’il doit déjeuner avec la personne que je cherche à atteindre. En l’occurrence, cette personne est une femme. Le Président m’explique : « je la baiserais, même, tu vois, si je savais que cela pourrait t’aider ». Pour moi, ça, c’était romanesque, rare, sublime. Soudain, j’étais dans les
Liaisons Dangereuses, c’était grandiose… Ce qui fait que je classe, d’évidence, le Président dans la petite minorité d’hommes qui ont conservé cette mythologie, qui savent encore se montrer d’une telle noblesse d’âme, par pur plaisir d’éblouir et d’impressionner une femme (moi). J'aime
beaucoup les hommes comme ça...
Vivement une prochaine soirée libertine, que j'y recroise "fortuitement" le Président...