34739 éléments (3198 non lus) dans 75 canaux
C’est en France que pour la première fois, en 1759, un ouvrage montre non pas le squelette humain mais deux squelettes – celui de l’homme et celui de la femme – sur des planches séparées destinées à mettre en valeur la différence des sexes. L’auteur de l’ouvrage… est une femme.
Il est courant de dire que le squelette des femmes est facilement reconnaissable. N’est-il pas plus petit, avec un bassin plus large «pour faire des enfants» ? Dans un ouvrage collectif intitulé Mon corps a-t-il un sexe ? (bientôt en librairie), la chercheuse Évelyne Peyre – paléoanthropologue au Musée de l’Homme à Paris, chargée de recherche au CNRS – réfute ces croyances dont elle situe précisément la naissance en 1759. Tout commence avec deux planches anatomiques, dit-elle. Ces planches sont publiées dans un ouvrage intitulé Traité d’ostéologie. Il s’agit de la traduction d’un livre rédigé par le célèbre anatomiste anglais Alexander Monro (1697-1767).
La femme qui publie cet ouvrage en France – Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville (1720-1805) – est la fille d’un riche fermier général. Elle n’apprend à écrire qu’à 8 ans. Elle épouse son mari à 14 ans. Les biographes (1), qui ne s’expliquent pas trop son brusque goût pour les sciences, se complaisent généralement à dire qu’un grand malheur la frappe à 23 ans : elle est défigurée par la petite vérole. Elle renonce désormais à plaire, s’habille comme une grand-mère, devient dévote et se consacre entièrement à l’étude (comme si une femme ne pouvait désirer s’instruire qu’après être devenue laide). Bref, elle assiste à des cours de dissections, se passionne pour la chimie, puis consacre huit ans de sa vie (1755-1763) à l’étude… de la putréfaction. Chaque jour, elle met des morceaux de viande dans des bocaux remplis de substances herbacées dont elle observe avec gravité les influences.
«4 juillet, le vent Ouest, beaucoup de nuages, le temps assez frais. Je trouvai la liqueur jeune et trouble, il y avait du dépôt brun et de la moisissure aux parois du bocal. La liqueur teignait en rouge le papier bleu», «Il y avait une pellicule blanchâtre assez épaisse à la surface de la liqueur, l’odeur était très fétide, la viande molle, gluante, et d’un rouge pâle.» «14 mai, Le vent Sud Ouest, beaucoup de nuages, le temps chaud. Il avait tonné le 11 et le 13. Je trouvai la liqueur partagée en deux, d’un assez beau rouge inférieurement et d’un jaune doré supérieurement ; elle était assez claire, quoiqu’il y eut à la surface une pellicule assez épaisse.» «17 décembre. Le vent Est, le ciel très pur. J’aperçus à la surface de la liqueur un petit endroit qui avait les couleurs de l’iris. » Etrange femme en vérité qui se délecte de putrides métamorphoses… Pas étonnant qu’elle ait trouvé tant d’intérêt aux ossements humains.
Lorsqu’elle décide de traduire le traité sur les os humains, en 1759, elle ne se contente cependant pas d’en donner une traduction éclairée, agrémentée de notes et d’une longue préface : elle se met en tête, contre l’avis de Monro, d’y ajouter des illustrations. Mieux : elle fait publier le livre sous la forme de deux lourds volumes dont la taille des pages est seize fois supérieure à l’original. Les planches anatomiques qui illustrent le texte, ainsi qu’elle l’explique elle-même « par leur beauté, effacent toutes celles qui sont connues jusqu’à présent.» Il est vrai qu’elles sont belles. Elles aident certainement le lecteur «à surmonter la répugnance [pour] des objets hideux tels que les squelettes.» On pourrait même dire qu’elles sont terriblement suggestives… Le squelette féminin se reconnaît du premier coup d’oeil.
«Ces Planches seront connues de toute l’Europe, explique Evelyne Peyre. Révélant en Thiroux une artiste accomplie, elles illustrent parfaitement les différences femme/homme […]. La passivité de la femme y est exprimée par une vue de face. Sa posture statique est accentuée par la figuration d’une tête immobile regardant droit devant, placée en équilibre sur un rachis (colonne vertébrale) dont la rectitude rigidifie l’ensemble osseux tel un bilboquet. Le dessin de l’homme montre, en opposition, un être altier, dynamique et puissant. La vue de trois quarts rend visibles les courbes souples spécifiquement humaines du rachis d’un corps en mouvement qui élève le regard au-dessus de l’horizon ».
Non contente de représenter la femme de face, en attente, et l’homme de trois quart profil, en action, les planches mettent en avant la différence de taille : le squelette de l’homme fait 20 cm de plus que la femme, qui lui arrive timidement à l’épaule. « La différence de stature f/h représentée (20 cm) est le double des statistiques actuelles (10 cm)», note Evelyne Peyre. Par ailleurs, le crâne de la femme semble minuscule. On dirait celui d’un enfant et cela d’autant plus que son front est « divisé verticalement par une suture, trait rare chez l’adulte mais constant chez le très jeune enfant, [ce qui] suggère une maturation féminine inachevée. » Dernier détail d’importance : une illusion d’optique donne l’impression que son bassin est plus beaucoup plus large que celui de l’homme. Pourquoi ? Parce qu’elle est dessinée avec la cage thoracique étriquée, déformée par le port du corset… Un seul coup d’oeil sur ces planches permet de constater la différence, spectaculaire, entre les sexes.
Mais que penser d’un telle différence ? Evelyne Peyre souligne le fait que le squelette féminin ne saurait représenter qu’une ultra-minorité de femmes. « Comme l’artiste précise que ses Planches sont «copiées fidèlement d’après Nature«, on peut supposer que son modèle était une petite aristocrate au crâne réduit, inactive et mal nourrie dans son enfance. En tout cas, ces images ne sont pas anodines pour l’histoire des femmes car, en érigeant une morphologie singulière comme norme, elles étayent une doctrine essentialiste naissante qui proclame des différences considérables entre femme et homme, et contribuent à les fonder comme naturelles en les «gravant« ». Ce qui nous mène à la question : pourquoi diable Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville a-t-elle ainsi contribué à donner des femmes une image si négative ?
Il faut se restituer dans le contexte de l’époque. Au XVIIIe siècle, la conception qui dominait jusqu’ici de la similarité des organes génitaux féminins et masculins s’effrite : les ovaires puis les spermatozo¨des ont été découverts. Les savants sont bien forcés de se rendre à l’évidence : la femme produit des oeufs, comme les poules. Seul l’homme produit du sperme. Cette découverte provoque des controverses acharnées et pousse certain médecins – comme Pierre Roussel – à dire que la femme est foncièrement différente de l’homme. Non seulement par son sexe, mais par tout le reste : sa musculature est différente, sa façon de penser est différente. Même ses os sont différents, dit-il : « l’essence du sexe ne se borne pas à un seul organe mais s’étend à toutes les parties ; la femme n’est pas femme par un seul endroit, mais par toutes les faces ».
Inéluctablement assimilée à une étrangère, une alien, une ovarienne, la femme devient radicalement «différente». Ainsi que l’explique Evelyne Peyre : «la distinction totale de deux «natures«, féminine et masculine, s’impose dès la fin du siècle. C’est alors à l’anatomie du squelette, perçue comme la plus intime du corps, qu’il revient de justifier cette différenciation, pendant tout un siècle. » Que vient faire Marie-Geneviève Thiroux d’Arconville dans un contexte si défavorable à son sexe ? Elle fait comme elle peut, avec les armes dont disposent les femmes de son temps. Elle essaye de défendre l’égalité des sexes. Or l’égalité, au XVIIIe siècle, repose sur l’idée que les femmes sont complémentaires des hommes. Il s’agit donc d’établir une répartition harmonieuse des rôles. La femme aura pour tâche d’être belle (c’est à dire petite, fine, galbée) et l’homme d’être fort (c’est à dire grand, musclé, actif).
Lorsqu’elle publie ces planches révolutionnaires, Madame d’Arconville n’a certainement pas l’intention de nuire à son propre sexe, au contraire. Le problème, c’est que ces planches favorisent l’idée que la femme possède un squelette à part. De nos jours encore, il est courant de penser que les femmes ont «par nature» des hanches plus larges, une cage thoracique plus étroite, une tête plus petite et un cerveau plus léger (normal, vu le peu de place). C’est ce que démontre brillamment Evelyne Peyre dans son article : lorsque le «beau sexe» se voit disqualifié en «sexe faible», des illustrateurs s’emparent des planches de Madame d’Harcourt et en donnent des versions remaniées qui frisent la caricature. En 1829, notamment, un médecin écossais nommé Barclay publie dans The Anatomy deux planches montrant les deux squelettes accompagnés chacun d’un animal et d’un décor allégorique. Devinez quel animal accompagne le squelette de l’homme ?
C’est un cheval, bien sûr, emblème du pouvoir et de la force. Quant au décor, il s’agit d’un bois occupé par un manoir : nous sommes donc en terrain civilisé. L’animal qui accompagne la femme, en revanche… « La femme est flanquée d’une Autruche, animal sauvage légendairement connu pour sa stupidité et ses oeufs ; sa figuration de profil fait ressortir sa petitesse de tête et son ampleur de bassin. Cette métaphore d’un féminin à l’intelligence dépréciée, isolée et «pondeuse«, justifie une place sociétale limitée à l’enfantement ; au contraire, celle de l’homme, force sociale pensante et puissante, légitime sa position de dominance. Ces Planches de style naturaliste affichent deux êtres que tout oppose aussi radicalement que le Cheval et l’Autruche. L’utilisation du squelette garantit l’importance des différences de corps jusqu’au plus intime et, cautionnant implicitement l’infériorité mentale des femmes, il légitime, en l’inscrivant dans la nature, une société fortement inégalitaire ».
Evelyne Peyre en profite pour citer quelques extraits de traités médicaux. Je ne résiste pas au plaisir de reproduire les propos de Julien-Joseph Virey [1824], pharmacien chef de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce : « Les différences sexuelles ne sont point bornées aux seuls organes de la génération dans l’homme et dans la femme ; mais toutes les parties de leurs corps, celles mêmes qui paraissent être indifférentes aux sexes, en éprouvent cependant quelques influences. […] Cette différence de conformation est analogue aux fonctions de chaque sexe. L’homme est destiné par la nature […] à l’usage de sa pensée, à se servir de la raison et du génie pour soutenir la famille dont il doit être le chef ; la femme, à qui le dépôt de la génération devait être confié, avait besoin d’un bassin spacieux qui se prêtât à la dilatation de l’utérus pendant la grossesse, et au passage du foetus dans l’accouchement »
Lundi prochain, j’aimerais me pencher plus avant sur ces histoires de bassin et de taille de crâne. Vrai ou faux ? Un article plus pointu sur ces questions suit donc.
Mon corps a-t-il un sexe ? , d’Evelyne Peyre et Joel Wiels, éditions La Découverte. Sortie en février.
(1) Le biographe qui exhume Madame d’Harconville de l’oubli se nomme Antoine-Alexandre Barbier dans un ouvrage datant de 1820. Wikipedia adopte plus ou moins sa vision du triste destin de la malheureuse «marquée par la vérole» qui se console dans les joies de l’esprit.
(2) Par souci de convenances, Madame d’Harconville publie ses ouvrages sous anonymat ou en utilisant des noms d’hommes. Le Traité d’ostéologie est signé par Exupère-Joseph Bertin et par M. Hérissant. Pour en savoir plus.
C’est en France que pour la première fois, en 1759, un ouvrage montre non pas le squelette humain mais deux squelettes – celui de l’homme et celui de la femme – sur des planches séparées destinées à mettre en valeur la différence des sexes. L’auteur de l’ouvrage… est une femme.
Il est courant de dire que le squelette des femmes est facilement reconnaissable. N’est-il pas plus petit, avec un bassin plus large «pour faire des enfants» ? Dans un ouvrage collectif intitulé Mon corps a-t-il un sexe ? (bientôt en librairie), la chercheuse Évelyne Peyre – paléoanthropologue au Musée de l’Homme à Paris, chargée de recherche au CNRS – réfute ces croyances dont elle situe précisément la naissance en 1759. Tout commence avec deux planches anatomiques, dit-elle. Ces planches sont publiées dans un ouvrage intitulé Traité d’ostéologie. Il s’agit de la traduction d’un livre rédigé par le célèbre anatomiste anglais Alexander Monro (1697-1767).
La femme qui publie cet ouvrage en France – Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville (1720-1805) – est la fille d’un riche fermier général. Elle n’apprend à écrire qu’à 8 ans. Elle épouse son mari à 14 ans. Les biographes (1), qui ne s’expliquent pas trop son brusque goût pour les sciences, se complaisent généralement à dire qu’un grand malheur la frappe à 23 ans : elle est défigurée par la petite vérole. Elle renonce désormais à plaire, s’habille comme une grand-mère, devient dévote et se consacre entièrement à l’étude (comme si une femme ne pouvait désirer s’instruire qu’après être devenue laide). Bref, elle assiste à des cours de dissections, se passionne pour la chimie, puis consacre huit ans de sa vie (1755-1763) à l’étude… de la putréfaction. Chaque jour, elle met des morceaux de viande dans des bocaux remplis de substances herbacées dont elle observe avec gravité les influences.
«4 juillet, le vent Ouest, beaucoup de nuages, le temps assez frais. Je trouvai la liqueur jeune et trouble, il y avait du dépôt brun et de la moisissure aux parois du bocal. La liqueur teignait en rouge le papier bleu», «Il y avait une pellicule blanchâtre assez épaisse à la surface de la liqueur, l’odeur était très fétide, la viande molle, gluante, et d’un rouge pâle.» «14 mai, Le vent Sud Ouest, beaucoup de nuages, le temps chaud. Il avait tonné le 11 et le 13. Je trouvai la liqueur partagée en deux, d’un assez beau rouge inférieurement et d’un jaune doré supérieurement ; elle était assez claire, quoiqu’il y eut à la surface une pellicule assez épaisse.» «17 décembre. Le vent Est, le ciel très pur. J’aperçus à la surface de la liqueur un petit endroit qui avait les couleurs de l’iris. » Etrange femme en vérité qui se délecte de putrides métamorphoses… Pas étonnant qu’elle ait trouvé tant d’intérêt aux ossements humains.
Lorsqu’elle décide de traduire le traité sur les os humains, en 1759, elle ne se contente cependant pas d’en donner une traduction éclairée, agrémentée de notes et d’une longue préface : elle se met en tête, contre l’avis de Monro, d’y ajouter des illustrations. Mieux : elle fait publier le livre sous la forme de deux lourds volumes dont la taille des pages est seize fois supérieure à l’original. Les planches anatomiques qui illustrent le texte, ainsi qu’elle l’explique elle-même « par leur beauté, effacent toutes celles qui sont connues jusqu’à présent.» Il est vrai qu’elles sont belles. Elles aident certainement le lecteur «à surmonter la répugnance [pour] des objets hideux tels que les squelettes.» On pourrait même dire qu’elles sont terriblement suggestives… Le squelette féminin se reconnaît du premier coup d’oeil.
«Ces Planches seront connues de toute l’Europe, explique Evelyne Peyre. Révélant en Thiroux une artiste accomplie, elles illustrent parfaitement les différences femme/homme […]. La passivité de la femme y est exprimée par une vue de face. Sa posture statique est accentuée par la figuration d’une tête immobile regardant droit devant, placée en équilibre sur un rachis (colonne vertébrale) dont la rectitude rigidifie l’ensemble osseux tel un bilboquet. Le dessin de l’homme montre, en opposition, un être altier, dynamique et puissant. La vue de trois quarts rend visibles les courbes souples spécifiquement humaines du rachis d’un corps en mouvement qui élève le regard au-dessus de l’horizon ».
Non contente de représenter la femme de face, en attente, et l’homme de trois quart profil, en action, les planches mettent en avant la différence de taille : le squelette de l’homme fait 20 cm de plus que la femme, qui lui arrive timidement à l’épaule. « La différence de stature f/h représentée (20 cm) est le double des statistiques actuelles (10 cm)», note Evelyne Peyre. Par ailleurs, le crâne de la femme semble minuscule. On dirait celui d’un enfant et cela d’autant plus que son front est « divisé verticalement par une suture, trait rare chez l’adulte mais constant chez le très jeune enfant, [ce qui] suggère une maturation féminine inachevée. » Dernier détail d’importance : une illusion d’optique donne l’impression que son bassin est plus beaucoup plus large que celui de l’homme. Pourquoi ? Parce qu’elle est dessinée avec la cage thoracique étriquée, déformée par le port du corset… Un seul coup d’oeil sur ces planches permet de constater la différence, spectaculaire, entre les sexes.
Mais que penser d’un telle différence ? Evelyne Peyre souligne le fait que le squelette féminin ne saurait représenter qu’une ultra-minorité de femmes. « Comme l’artiste précise que ses Planches sont «copiées fidèlement d’après Nature«, on peut supposer que son modèle était une petite aristocrate au crâne réduit, inactive et mal nourrie dans son enfance. En tout cas, ces images ne sont pas anodines pour l’histoire des femmes car, en érigeant une morphologie singulière comme norme, elles étayent une doctrine essentialiste naissante qui proclame des différences considérables entre femme et homme, et contribuent à les fonder comme naturelles en les «gravant« ». Ce qui nous mène à la question : pourquoi diable Marie-Geneviève-Charlotte Thiroux d’Arconville a-t-elle ainsi contribué à donner des femmes une image si négative ?
Il faut se restituer dans le contexte de l’époque. Au XVIIIe siècle, la conception qui dominait jusqu’ici de la similarité des organes génitaux féminins et masculins s’effrite : les ovaires puis les spermatozo¨des ont été découverts. Les savants sont bien forcés de se rendre à l’évidence : la femme produit des oeufs, comme les poules. Seul l’homme produit du sperme. Cette découverte provoque des controverses acharnées et pousse certain médecins – comme Pierre Roussel – à dire que la femme est foncièrement différente de l’homme. Non seulement par son sexe, mais par tout le reste : sa musculature est différente, sa façon de penser est différente. Même ses os sont différents, dit-il : « l’essence du sexe ne se borne pas à un seul organe mais s’étend à toutes les parties ; la femme n’est pas femme par un seul endroit, mais par toutes les faces ».
Inéluctablement assimilée à une étrangère, une alien, une ovarienne, la femme devient radicalement «différente». Ainsi que l’explique Evelyne Peyre : «la distinction totale de deux «natures«, féminine et masculine, s’impose dès la fin du siècle. C’est alors à l’anatomie du squelette, perçue comme la plus intime du corps, qu’il revient de justifier cette différenciation, pendant tout un siècle. » Que vient faire Marie-Geneviève Thiroux d’Arconville dans un contexte si défavorable à son sexe ? Elle fait comme elle peut, avec les armes dont disposent les femmes de son temps. Elle essaye de défendre l’égalité des sexes. Or l’égalité, au XVIIIe siècle, repose sur l’idée que les femmes sont complémentaires des hommes. Il s’agit donc d’établir une répartition harmonieuse des rôles. La femme aura pour tâche d’être belle (c’est à dire petite, fine, galbée) et l’homme d’être fort (c’est à dire grand, musclé, actif).
Lorsqu’elle publie ces planches révolutionnaires, Madame d’Arconville n’a certainement pas l’intention de nuire à son propre sexe, au contraire. Le problème, c’est que ces planches favorisent l’idée que la femme possède un squelette à part. De nos jours encore, il est courant de penser que les femmes ont «par nature» des hanches plus larges, une cage thoracique plus étroite, une tête plus petite et un cerveau plus léger (normal, vu le peu de place). C’est ce que démontre brillamment Evelyne Peyre dans son article : lorsque le «beau sexe» se voit disqualifié en «sexe faible», des illustrateurs s’emparent des planches de Madame d’Harcourt et en donnent des versions remaniées qui frisent la caricature. En 1829, notamment, un médecin écossais nommé Barclay publie dans The Anatomy deux planches montrant les deux squelettes accompagnés chacun d’un animal et d’un décor allégorique. Devinez quel animal accompagne le squelette de l’homme ?
C’est un cheval, bien sûr, emblème du pouvoir et de la force. Quant au décor, il s’agit d’un bois occupé par un manoir : nous sommes donc en terrain civilisé. L’animal qui accompagne la femme, en revanche… « La femme est flanquée d’une Autruche, animal sauvage légendairement connu pour sa stupidité et ses oeufs ; sa figuration de profil fait ressortir sa petitesse de tête et son ampleur de bassin. Cette métaphore d’un féminin à l’intelligence dépréciée, isolée et «pondeuse«, justifie une place sociétale limitée à l’enfantement ; au contraire, celle de l’homme, force sociale pensante et puissante, légitime sa position de dominance. Ces Planches de style naturaliste affichent deux êtres que tout oppose aussi radicalement que le Cheval et l’Autruche. L’utilisation du squelette garantit l’importance des différences de corps jusqu’au plus intime et, cautionnant implicitement l’infériorité mentale des femmes, il légitime, en l’inscrivant dans la nature, une société fortement inégalitaire ».
Evelyne Peyre en profite pour citer quelques extraits de traités médicaux. Je ne résiste pas au plaisir de reproduire les propos de Julien-Joseph Virey [1824], pharmacien chef de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce : « Les différences sexuelles ne sont point bornées aux seuls organes de la génération dans l’homme et dans la femme ; mais toutes les parties de leurs corps, celles mêmes qui paraissent être indifférentes aux sexes, en éprouvent cependant quelques influences. […] Cette différence de conformation est analogue aux fonctions de chaque sexe. L’homme est destiné par la nature […] à l’usage de sa pensée, à se servir de la raison et du génie pour soutenir la famille dont il doit être le chef ; la femme, à qui le dépôt de la génération devait être confié, avait besoin d’un bassin spacieux qui se prêtât à la dilatation de l’utérus pendant la grossesse, et au passage du foetus dans l’accouchement »
Lundi prochain, j’aimerais me pencher plus avant sur ces histoires de bassin et de taille de crâne. Vrai ou faux ? Un article plus pointu sur ces questions suit donc.
Mon corps a-t-il un sexe ? , d’Evelyne Peyre et Joel Wiels, éditions La Découverte. Sortie en février.
(1) Le biographe qui exhume Madame d’Harconville de l’oubli se nomme Antoine-Alexandre Barbier dans un ouvrage datant de 1820. Wikipedia adopte plus ou moins sa vision du triste destin de la malheureuse «marquée par la vérole» qui se console dans les joies de l’esprit.
(2) Par souci de convenances, Madame d’Harconville publie ses ouvrages sous anonymat ou en utilisant des noms d’hommes. Le Traité d’ostéologie est signé par Exupère-Joseph Bertin et par M. Hérissant. Pour en savoir plus.
Vous cherchez quelqu’un pour faire un plan à 3 ? L’application Threender est là pour vous aider à trouver la personne idéale !
Tout le monde connaît déjà Tinder, cette application mobile qui permet de trouver/zapper les célibataires à proximité en un glissé de doigt. Threender, c’est la même chose mais pour accéder à des profils de personnes à proximité souhaitant batifoler à plusieurs.
Je m’inscris en indiquant un profil “solo” ou “en couple”, quel âge j’ai, mon sexe et mon orientation sexuelle.… Lire la suite
Cet article Threender : l’application pour trouver votre plan à trois! est apparu en premier sur Desculottees.
Pourquoi l’outing est-il si unanimement décrié, y compris par bon nombre de militants LGBT ?
Gwen Fauchois : Alors que l’outing a été défini pour ne viser que des personnalités publiques homophobes, plane l’idée que sa non-condamnation pourrait conduire à autoriser sa généralisation à tout homosexuel. Une crainte qui n’est pas dénuée de tout fondement, dès lors que la définition de l’outing échapperait à son cadre restrictif. Dans ces conditions, il peut vite être assimilé à de la délation, à la volonté de détruire. D’autre part, le choix de révéler ou non son orientation sexuelle est lié à des expériences intimes et non anodines. Dans une société homophobe, cette révélation a un coût. Vos actes sont toujours renvoyés à votre orientation sexuelle d’une façon ou d’une autre. La tentation est donc grande de penser son appartenance au champ privé comme protectrice, d’autant que l’État nous conditionne à la penser ainsi pour s’exonérer de ses responsabilités. Dire ou ne pas dire, c’est un peu la liberté de choisir la façon dont la discrimination s’exerce sur nous.
Y a-t-il une spécificité française en la matière ? L’outing est-il mieux accepté dans d’autres pays (notamment aux États-Unis où il est né et en Italie où dix hommes politiques ont été outés en 2011) ?
Gwen Fauchois : Aux États-Unis, la contradiction entre privé et politique est insupportable. Assimilée à la tromperie, elle est disqualifiante. En France, on s’en moque. D’autre part, nous sommes passés d’une situation où l’homosexualité était réprouvée à l’illusion d’une homophobie résiduelle. L’universel est brandi en étendard protecteur. En conséquence, c’est comme si la violence résidait dans la révélation et non dans la discrimination. Du coup, l’outing peut apparaître plus légitime dans une société plus ouvertement homophobe, comme en Italie. Les militants ont peu à perdre, y compris à utiliser des armes qui pourraient apparaître comme peu honorables, là où les associations françaises s’évertuent à cultiver la respectabilité.
En 1999, Act Up-Paris a envisagé d’outer le député UDF Renaud Donnedieu de Vabres, qui participait alors aux manifestations contre le Pacs, mais elle ne l’a pas fait. Pour quelles raisons ?
Gwen Fauchois : Essentiellement je crois, pour deux raisons : la première est juridico-financière. Ensuite, la menace a suffi à produire les effets attendus à ce moment-là. À court terme du moins. L’opposition homophobe au Pacs avait été délégitimée.
Quelles seraient les personnalités qu’il faudrait outer aujourd’hui ? Les militants LGBT et queers français devraient-ils inscrire cette question dans leur agenda politique ?
Gwen Fauchois : La question de l’outing devrait être repensée à l’aune de la situation actuelle, avant même de se demander s’il serait utile de le pratiquer. L’outing a été défini dans des conditions politiques et sociales qui n’existent plus. Il ne choque personne aujourd’hui qu’un homosexuel out se dise contre les droits des gays. Il y a encore quelques années, l’homophobie n’existait pas. Ce n’est pas seulement qu’elle était la norme, la règle ; il a fallu la nommer, créer un mot, l’imposer. Aujourd’hui, la bataille, tout à la fois politique, culturelle et juridique, porte sur son périmètre. Les combats visant à la rendre visible dans ses aspects les plus brutaux ont payé. L’homophobie systémique est plus difficile à montrer et défaire. J’en arrive à penser qu’il serait plus intéressant d’outer des personnalités qui prétendent être proches. Et qui, par leur silence, participent de cette pseudo-bienveillance, de cette escroquerie intellectuelle qui en fait tend à nier la dimension structurelle et institutionnalisée de l’homophobie. Encore faut-il qu’il y ait quelque chose à gagner à se dire homosexuel et plus généralement à défendre ou à se revendiquer des minorités. Nous manquons d’outils conceptuels, d’analyses spécifiques à la France. Nous pensons maîtriser des concepts parce qu’ils sont passés dans un langage militant courant mais en réalité ils ne sont ni pensés, ni interrogés au regard de la situation d’ici et maintenant. Et leur vulgarisation nous conduit à des compréhensions et des usages approximatifs.
Portrait Gwen Fauchois © RI.GHE.FRI
Militante multi-cartes
Gwen Fauchois a été membre d’Act Up-Paris de 1992 à 1997, chargée des relations avec les médias à partir de 1994 puis de la communication. Elle y occupe le poste de vice-présidente en 1995 et 1996. Elle a ensuite été journaliste dans plusieurs médias gay (Radio FG, Illico, Ex-Aequo, e-m@le) de 1997 à 2001. En 1998 et 1999, Gwen Fauchois a aussi été membre du conseil d’administration du Centre gai et lesbien de Paris (ancêtre du Centre LGBT Paris-Île-de-France). Elle tient depuis décembre 2012 un blog où elle a eu plusieurs fois l’occasion d’aborder, entre autres sujets, celui de l’outing.
www.gwenfauchois.blogspot.com
The post Gwen Fauchois : repenser l’outing à l’aune d’aujourd’hui appeared first on Heteroclite.
« L’amour pour tous ! ». Sous ce titre ironique, l’hebdomadaire Closer, dans son édition du 12 décembre dernier, publiait à sa Une une photo du n°2 du Front national, Florian Philippot, au bras d’un homme présenté comme son amant. Les «révélations» du magazine people sur l’homosexualité de ce proche conseiller de Marine Le Pen (un secret de polichinelle, en réalité) ont aussitôt suscité une réprobation générale, aussi bien au sein de la classe politique que chez les éditorialistes, même les plus hostiles aux idées du Front national. Pas de ça chez nous !, se sont-ils écriés en chœur et dans un bel élan d’unanimisme républicain. Refusons l’outing, cet affreux anglicisme pour lequel il n’existe même pas de traduction en français (preuve s’il en fallait qu’il est totalement étranger à nos traditions et à nos mœurs gauloises civilisées) et tout droit importé des États-Unis, pays du communautarisme maudit, du politiquement correct et de la dictature des minorités… Mais qu’entend-on au juste par outing ? La révélation de l’homosexualité d’une personne contre son gré (pour des motivations diverses, voir encadré ci-contre) est une pratique très ancienne mais le terme outing n’est apparu que dans les années 80, dans le contexte de la crise du sida dont il est indissociable. Plusieurs activistes anti-sida américains, réunis notamment au sein du Act Up originel (celui fondé à New York en mars 1987 par Larry Kramer) font alors le constat que l’une des raisons principales de l’inertie de la société américaine face à la catastrophe qui menace de les engloutir est le stigmate qui pèse encore sur l’homosexualité. Il est donc primordial de faire évoluer le regard de leurs compatriotes sur les gays et les lesbiennes. Et qui donc pourrait contribuer à cette évolution des mentalités plus que les personnalités publiques les plus populaires du sport, du cinéma, de la politique ou du monde des affaires ? Mais la plupart des célébrités homosexuelles préfèrent alors se taire et rester dans le placard. Certaines vont même jusqu’à défendre des positions homophobes pour mieux dissimuler leur secret. C’est dans ce contexte d’extrême urgence que des activistes décident de révéler l’homosexualité ou la bisexualité d’un sénateur républicain homophobe, du patron du magazine Forbes ou de personnalités du show-business.
Débats internes
L’outing tel que pratiqué par ces activistes anti-sida et anti-homophobie obéit toujours à certaines règles, qui peuvent varier selon les militant-e-s. Faut-il par exemple outer tous les homosexuel-le-s dans le placard ou seulement celles et ceux qui adoptent des positions hostiles aux gays et aux lesbiennes ? Les personnes vivantes ou seulement les morts ? L’opportunité de l’outing, une pratique très largement décriée, a également fait l’objet de vives discussions : ne risque-t-il pas d’être contreproductif et de se retourner contre ses auteurs ? C’est ainsi qu’en 1999, Act Up-Paris a envisagé un temps d’outer le député UDF Renaud Donnedieu de Vabres, qui participait aux manifestations homophobes contre le Pacs, avant d’y renoncer. En Autriche, les associations gays et lesbiennes se sont elles aussi demandé s’il fallait outer le leader d’extrême-droite Jörg Haider mais ne l’ont pas fait, de peur d’attiser l’homophobie (la bisexualité de Jörg Haider sera finalement révélée par son amant après sa mort en 2008). Ces débats internes n’empêchent pas d’identifier quelques invariants dans la pratique de l’outing. Ainsi, pour ses promoteurs, l’outing ne dénonce pas l’homosexualité mais l’homophobie. Par ailleurs, il n’est pas une atteinte à la vie privée. Il ne consiste pas à dévoiler les pratiques sexuelles d’une personne ni le nom ou le nombre de ses partenaires mais seulement son orientation sexuelle. Autrement dit, une donnée qui est toujours publique… Sauf quand il s’agit d’homosexualité ! L’une des visées de l’outing est ainsi de mettre en lumière l’hypocrisie d’une société qui hiérarchise les orientations sexuelles et relègue l’homosexualité dans la sphère privée quand l’hétérosexualité seule a droit aux honneurs de la sphère publique. Démarche militante et politique, l’outing est donc loin, très loin, des révélations sensationnalistes d’un tabloïd ou de la presse people…
Il y a révélation et révélation…
La révélation de l’homosexualité d’une personne contre son gré n’est que rarement un véritable outing (au sens d’une action militante visant une personnalité publique qui, par son silence ou son inaction, fait le jeu de l’homophobie). Plusieurs motivations (autres que le militantisme anti-homophobie) peuvent être invoquées pour justifier une telle révélation, la plus fréquente étant le droit du public a être informé. C’est ainsi que l’hebdomadaire gratuit gay e-m@le a dévoilé l’homosexualité de Jean-Luc Roméro (2000), que le journaliste Guy Birenbaum a évoqué celle de Renaud Donnedieu de Vabres (2003) ou qu’un étudiant à Sciences Po Paris, Octave Nitkowski, a divulgué dans un livre celle de Steeve Briois, haut responsable du Front national (2013). La justice lui a d’ailleurs partiellement donné raison, puisque la cour d’appel de Paris a estimé que «le droit du public à être informé» sur Steeve Briois «prime sur le droit au respect de ce pan de sa vie privée» (elle a en revanche exigé le retrait du nom de son compagnon, un conseiller régional FN, au motif que celui-ci n’est pas «une personnalité politique de premier plan»). Le «droit à l’information» peut également servir d’excuse commode à des publications nettement plus sensationnalistes qu’informatives, telles que Closer (affaire Philippot, 2014), dont le but est avant tout de vendre du papier. Enfin, de telles révélations peuvent avoir des motivations purement homophobes : il s’agit alors de dénoncer l’homosexualité, perçue comme un vice, sans faire de distinction entre personnalités publiques et anonymes. C’est ainsi que le magazine ougandais Rolling Stone a publié en 2010 les noms, adresses et photographies d’une centaine d’homosexuels, sous un bandeau explicite proclamant «pendez-les !».
Aller plus loin
Preuve que le concept d’outing a décidément bien du mal à traverser l’Atlantique, il n’existe quasiment aucune bibliographie en français sur ce sujet. Pour les anglophones, les ouvrages les plus importants sur l’outing sont sans doute ceux de Michelangelo Signorile (notamment Queer in America, paru en 1993 et jamais traduit en français), membre d’Act Up et l’un des pionniers de cette pratique controversée.
The post Qu’est-ce que l’outing, cette pratique si décriée ? appeared first on Heteroclite.
Connaissez vous l’éjaculation féminine ? Le point G. c’est quoi ? Le sang menstruel est-il tabou ? Que savez-vous (vraiment) du sexe de la femme et de la réalité du désir et du plaisir féminin ? Prêts à échanger sur les représentations du corps féminin ? L’histoire du sexe, les sites de rencontres, la masturbation…...
The post 9 et 10 février 2015 à Paris : festival sur la sexualité féminine appeared first on Le Cabinet de Curiosité Féminine.
Christian Grey, Anastasia Steele et leurs amours torturées arrivent sur les écrans de cinéma le 11 février prochain. La « 21ème Minute » s’est penchée sur le lit des héros de Cinquante nuances de Grey et sur celui des Français : que peut révéler ce phénomène littéraire sur nos sexualités ? A-t-il fait changer notre regard sur le désir féminin ? Lire la...
The post Itw dans le 20mn : Ce que « Cinquante nuances de Grey » a changé à la sexualité des Français appeared first on Le Cabinet de Curiosité Féminine.
Plus de trente ans que ça dure et on ne se lasse pas de la porter aux nues ou de la descendre en enfer. Adorée autant qu’abhorrée, elle n’a jamais laissé personne indifférent et chacun de ses comebacks se transforment en véritables événements médiatiques. Elle, c’est Madonna bien sûr. Ni ses fans ni ses détracteurs n’ont manqué l’info: 2015 marque son énième retour sur le devant de la scène.
Inlassablement, à mesure qu’approche la date fatidique, le lynchage médiatique s’orchestre pour tenter de l’anéantir. Un scénario à répétition tout ce qu’il y a de plus banal pour cette experte de la controverse. Sauf qu’entre son album «Confessions On A Dancefloor», sorti en 2005, et «Hard Candy» trois ans plus tard, le vent a tourné pour la souveraine des charts. Face à l’ardeur des «haters» qui se déchaînent sur les réseaux sociaux, sa flamme vacille dangereusement. Dur dur, le passage à l’ère digitale pour la reine de la pop. Le nivellement des moyens de communication n’est certainement pas étranger au phénomène. Oui, il semble loin le temps où la sulfureuse star du showbiz menait la danse, savamment accoutrée de ses fameux dessous sens dessus dessous lors de ses tournées qui affichaient sold out en un temps record autour du monde.
Flashback
Dans le film documentaire «Truth or Dare» – prémices de la téléréalité – qui la suivait dans les coulisses de sa tournée «Blonde Ambition», le réalisateur Alek Keshishian dévoilait l’envers du décor de la gloire: la solitude d’une diva en peignoir blanc dans sa suite de luxe. Isolée dans sa tour d’ivoire, elle se montrait furtivement à sa fenêtre pour saluer les hordes de fans qui scandaient son prénom en bas des palaces où elle résidait. Le décor était planté, la reine n’avait plus qu’à sortir au balcon.
Deux décennies plus tard, en guise de tribune, Madonna se retrouve à faire sa promo personnelle via les réseaux sociaux, comme tout le monde. Un selfie à Gstaad par-ci, un #unapologeticbitch par-là, pour la première fois depuis ses débuts, la Ciccone semble un peu, beaucoup, passionnément, à côté de la plaque.
Attendue au tournant, on ne compte plus le nombre de ses posts qui se retournent contre elle. Une photo de son fils de 13 ans avec une bouteille de Bombay Sapphire à la main sur son compte Instagram? Outrage, elle incite les mineurs à la débauche! Lorsque son album a leaké dans son intégralité sur internet, la chanteuse s’est emportée en comparant ce piratage à du terrorisme et un viol artistique sur son compte Facebook avant de retirer ses propos. Pas du meilleur goût, certes, surtout par les temps qui courent. Il n’empêche que les réactions haineuses des internautes étaient disproportionnées par rapport à une simple maladresse de sa part. Elle le sait: on ne lui pardonne rien.
Aussi, lorsque ses fans décident de réinterpréter le bondage facial du visuel de son nouvel album en l’appliquant à des figures historiques comme Jésus Christ, Bob Marley, Nelson Mandela, Martin Luther King ou Marilyn Monroe, les médias pourraient faire le choix de saluer la créativité de ses admirateurs. Mais non, on la cloue au pilori. Plus récemment, parmi toutes les stars qui ont soutenu Charlie Hebdo, elle est la seule à s’être attiré les foudres sous prétexte qu’elle utilisait l’attentat pour faire la promo de son album «Rebel Heart».
Pour se consoler de tant de haine, elle peut se targuer d’être la seule star du showbiz remerciée pour son soutien dans le journal satirique français avec une caricature la représentant dans son bustier à bonnets coniques. «Vous me punissez pour avoir partagé mes fantasmes avec vous, ai-je dit quelque de juste? Je ne regrette rien, telle est la nature humaine, et je vous retourne le miroir», les années passent mais les textes de Madonna restent.