Mettre en avant l’attaque contre « nos valeurs » (au rang desquelles figureraient les droits des femmes et des minorités sexuelles) ne fait que masquer les causes réelles du terrorisme.
Après les attentats du mois dernier, on a beaucoup lu et entendu que les terroristes avaient attaqué «nos valeurs», un fourre-tout qui engloberait notamment la liberté de ne pas croire, l’égalité des sexes et l’acceptation de l’homosexualité.
Cette vision romantique, qui fait des apéros en terrasse et des partouzes géantes place de la République le summum de la résistance au djihadisme, a immédiatement rencontré un très fort écho, sans doute parce qu’elle correspond en tout point à la représentation avantageuse que la France a d’elle-même : celle d’un phare éclairant le monde de ses lumières depuis bien avant 1789.
Mais, si le choix des cibles (des caricaturistes antireligieux et des Juifs hier, des amateurs de rock aujourd’hui) ne doit évidement rien au hasard, il existe bien d’autres pays où l’égalité réelle des femmes et des minorités sexuelles est plus avancée qu’ici et qui, pour autant, ont été jusqu’à présent épargnés par Daech.
Cette analyse à courte vue a également pour effet (et pour but) évident d’occulter toute réflexion un peu sérieuse sur les conséquences de la politique étrangère de la France au Proche- et au Moyen-Orient et sur les alliances conclues avec des régimes despotiques de la région (Égypte, Arabie saoudite…).
Plus globalement, elle pèche par idéalisme, en cela qu’elle explique les événements par des pensées et des abstractions (la haine de l’Occident, le fondamentalisme religieux…) sans se préoccuper des conditions matérielles qui permettent à ces idées de naître et de prospérer.
C’est un travers partagé aussi bien par nos gouvernants (pour qui la lutte contre le djihadisme doit être idéologique et culturelle plus que politique et sociale) que par un petit groupe de hauts fonctionnaires catholiques réactionnaires, le Plessis, auteur sur le Figarovox d’une tribune qui explique l’attrait de l’islamisme par la déchristianisation de l’Europe. Et en profite au passage pour dénoncer une fois de plus le mariage pour tous et la gestation pour autrui, coupables à leurs yeux de ne pas combler le «vide spirituel» du Vieux Continent (comme si c’était ce qu’on attendait d’eux…).
La presse n’est pas épargnée non plus par cet idéalisme, si on en croit les nombreux éditoriaux dénonçant toute tentative d’explication des racines du terrorisme comme une justification de ce dernier et voyant derrière elle une insidieuse «culture de l’excuse».
Prendre du recul sur les événements, comprendre ce qu’il s’est passé, suppose pourtant d’en finir avec ce que le journaliste Joseph Confavreux appelait récemment «la haine des causes» (mais aussi haine de la sociologie, des sciences sociales…) et avec les appels aussi creux qu’incessants à ces «valeurs» qui ne se soucient des droits des femmes et des minorités sexuelles que lorsque cela sert leur agenda guerrier.
Photo Tour Eiffel © Yann Caradec
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