Un préservatif-pomme – flickr/Chrisinplymouth
Ca ne vous a sûrement pas échappé : les Associations Familiales Catholiques assignent le site Gleeden, « le premier site de rencontres dédié aux personnes mariées », à comparaître devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, afin que celui-ci se prononce sur la légalité « de faire ainsi publiquement la promotion de l’infidélité dans le cadre du mariage ».
Qu’est-ce que le mariage?
En cause, le fameux article 212 du code civil, qui stipule que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. » On pourrait discuter du sens du mot fidélité, car vous pouvez très bien être fidèle en amitié et avoir plusieurs amis, mais la fidélité dans le couple est entendue de façon constante dans la jurisprudence comme « l’exclusivité sexuelle ».
Les termes du contrat légal de mariage sont donc explicites : même si l’adultère n’est plus systématiquement considéré comme une faute par les juges dans le cadre d’un divorce, les mariés sont quand même tenus de n’avoir des relations sexuelles qu’avec leur époux.
D’où cela vient-il? Du romantisme? Du mariage d’amour? Que nenni. Le mariage fut instauré comme sacrement catholique en 1215, et transposé dans le code civil en 1792. C’est alors qu’il devint un contrat légal entre 2 époux, mais il permettait déjà depuis plusieurs siècles de légitimer les filiations et donc d’attribuer l’héritage aux enfants nés du mariage. En effet, puisque les Experts Miami n’existaient pas, on ne pouvait s’appuyer sur un test ADN de paternité afin de déterminer si oui ou non un enfant était bien le fils de son père. Ainsi, tous les enfants nés du mariage étaient considérés comme engendrés par le mari, et l’exclusivité sexuelle au sein du mariage était l’instrument de ce contrôle.
Le droit français n’a pas bougé
Ainsi, le droit français a conservé cette notion d’exclusivité, même lorsque la loi sur le mariage pour tous a été élaborée alors que l’exclusivité sexuelle au sein d’un couple gay n’a évidemment pas cette utilité. Ca aurait sans doute été trop loin pour les religieux, qui auraient sans doute trouvé qu’on portait là trop atteinte à l’idée qu’ils se font d’une famille.
D’un point de vue légal, les AFC ont raison : Gleeden met le doigt là où notre droit fait mal. Si vous êtes mariés, vous avez signé un contrat d’exclusivité sexuelle avec votre moitié, et Gleeden vous incite à rompre votre contrat. Si vous désiriez rester libre d’un engagement sexuel non-exclusif, il fallait vous pacser, concubiner, mais pas vous marier.
La morale de l’histoire
Le droit français reste donc une transposition de la morale catholique, et tant qu’on ne changera pas l’article 212, ce sera le cas du mariage. Vous pouvez entendre l’avocat des AFC expliquer, dans l’émission de France Inter ci-dessous, que cette démarche n’a « rien de moral ». Ce sont pourtant les associations catholiques qui s’attaquent au sexe qui dépasse du droit, qu’il s’agisse de faire fermer un sex-shop ou ici de faire appliquer la loi sur l’exclusivité sexuelle. Et qui tiennent à s’assurer que la loi française reste dans la droite ligne de la morale religieuse.