Moitié documentaire, moitié fiction, Ceci est mon corps, de Jérôme Soubeyrand, est un film plein de bonne humeur sur la religion et le fait que nous ne soyons pas qu’une âme.
Il a choisi ce titre de film car il est un ancien chrétien convaincu. Il ajoute:
Anciennement convaincu et désormais convaincu de ne plus l’être. Et c’est bien la question du corps qui nous ronge tous, celle de l’incarnation, de l’animal que nous sommes aussi, la question d’être vivant.
Il ne s’agit pas, pour autant, d’un film anti-religieux. « Le fait que le film ait eu une très bonne critique dans témoignage chrétien confirme que c’est bien un film d’amour sur l’amour » explique le réalisateur.
L’abstinence des prêtres, phénomène (relativement) récent
Dans la partie documentaire, on écoute Michel Onfray et Michel Serres nous parler de Saint Paul et de la religion et c’est simplement brillant: que l’on soit d’accord ou non, cela donne à réfléchir. Selon Michel Onfray, Saint Paul a voulu imposer son impuissance au monde. En effet complète Jérôme Soubeyran, : « Aux débuts de l’église, les prêtres étaient possiblement et généralement mariés jusqu’au concile de Latran (1123), qui a interdit leur mariage. (Pour des raisons économiques, le royaume de France étant passé sous le régime du droit héréditaire).
De 1123 à 1563, les bâtards des curés étaient donc gérés par eux-mêmes et leurs compagnes, personne n’y voyant rien à redire. La mise en clandestinité des prêtres est un effet secondaire de la combinaison de ces deux conciles. La dogme ne viendra qu’après… En vain. »
En fait, ce film, Jérôme Soubeyrand l’a fait à partir de son vécu: sa grand mère était fille de curé et elle a été placée en orphelinat. Toute la partie documentaire est d’ailleurs autobiographique. Quand je lui demande si l’ouverture des orphelinats par l’Eglise pour les enfants de curés était vraiment généralisé, il nuance:
Il n’y a aucune documentation dessus, mais les enfants de curés sont pris en charge par l’Eglise, discrètement, depuis le concile de Trente (1542-1563) qui déclare que le sexe hors mariage est pêché mortel.
La partie fiction m’a fait penser aux chroniques de San Fransisco d’Armistead Maupin, avec ce curé abstinent, sympathique, se retrouvant dans ce qui semble être une maison de fous, avec une femme bisexuelle, Marlène, qui vit avec une jeune femme dont elle est l’amante, et un homosexuel un peu « folle » la nuit et banquier le jour. Marlène est elle-même amoureuse d’un homme marié qui lui promet tous les jours qu’il va quitter sa femme et ne le fait jamais.
La prêtrise, c’est trop stylé
Jouir sans entraves ?
Dans une des premières scènes, Marlène, pour son anniversaire, est déguisée en vulve… Ce qui m’a permis de me rendre compte que mon voisin n’avait pas reconnu que c’en était une et que si nous avons l’habitude de voir des graffitis avec des bites et des couilles (on excusera mon niveau de langue mais on parle de graffitis et à Paris, j’en vois souvent sur les murs), je n’en ai jamais vus figurant un sexe féminin.
Le réalisateur n’avait pourtant aucune visée éducative avec cette scène, c’était « pour rire, pour caractériser Marlène, qui est excessive en tout! Et qui est fière de son sexe ! La bacchanale, version femme ! » m’écrit-il.
Dans la partie fiction toujours, dans une scène, Gabin, le curé héros du film qui a une cinquantaine d’années, raconte à son superviseur et à un de ses collègues sa détresse d’avoir découvert le sexe récemment. Ses amis se moquent alors de lui et de son respect du vœu d’abstinence. Est-ce documenté ou est-ce de la fiction pure? L’auteur me répond:
Sans être à proprement parler documentaire, cette séquence est totalement inspirée des nombreux repas que j’ai eu par le passé avec mes amis curés, à l’époque tous plus âgés que moi. Par ailleurs, quand j’écrivais le film, une association de femmes de curés qui s’appellait Claire Voie, affirmait qu’en France, un curé sur trois vit maritalement dans la clandestinité.
Le film est résolument optimiste. Jérôme Soubeyrand conclut sur les débats que soulève le film:
Il en est ressorti qu’un mouvement profondément réactionnaire bat le pavé depuis quelque temps mais qu’il n’est pas du tout représentatif de l’ensemble de la société. Que les valeurs de tolérance et d’amour si elles ne s’égosillent pas dans la rue et n’y font pas descendre leurs enfants n’en sont pas moins vivantes et vibrantes…
Pour finir, il est grand temps de déculpabiliser nos sexualités pour désentraver nos corps et nos rapports à nos corps des carcans que veulent leur imposer les morales hypocrites
Sur ce, je vous souhaite à tous un bon dimanche et je vous encourage vivement à voir ce film plein de bonne humeur, d’intelligence et de réflexion.
Ceci est mon corps
Ceci est mon corps Bande-annonce VF