« Lecture passionnante » – flickr/PIMboula
Que se passe-t-il pendant l’orgasme, d’un point de vue physiologique ? Qu’est-ce que l’orgasme, en fait ? Certains s’y sont déjà essayés, allant jusqu’à élaborer une méthode infaillible de détection du « vrai » orgasme par une mesure de la pression rectale… En saura-t-on jamais assez? Entre l’envie de tout savoir et l’envie de garder son intimité en dehors du monde scientifique, les tensions existent
On ne peut cependant pas reprocher aux chercheurs de s’intéresser à ce sujet. Auteur de « La fabuleuse histoire du clitoris », Jean-Claude Piquard lance une étude afin d’observer l’orgasme dans le détail et de compléter des connaissances déjà acquises. Et cherche des volontaires afin de mesurer la fréquence cardiaque pendant l’amour.
Réactualiser les connaissances
Quel est l’intérêt de cette enquête? « Mieux comprendre l’orgasme (ou les orgasmes). Pour l’instant, il n’y a pas de définition cohérente de l’orgasme, dont chacun s’autodétermine. La sexologie médicale ne parle que de l’orgasme vaginal simultané à celui de l’homme. Au passage, l’expression « orgasme vaginal » a été inventé par Freud en 1905. Pourtant, jusqu’au 19ème siècle, tous les écrits médicaux désignaient le clitoris comme le principal organe du plaisir féminin. Ce qui fait de Freud le grand exciseur psychique ! »
Masters & Johnson, deux sexologues américains et sujets de la série télé Masters of Sex, avaient réalisé une étude dans les années 50 qui visait à mesurer certains paramètres physiologiques durant la relation sexuelle. Cette étude ne va-t-elle pas confirmer des résultats déjà établis? « Oui et non. Masters & Johnson ont décrit ce court doublement du rythme cardiaque. Mais d’une part, ils ont triché : en effet, avant eux, Alfred Kinsey avait écrit suite à sa propre grande étude que l’orgasme féminin était essentiellement clitoridien, et dans l’Amérique puritaine, il s’est fait laminer par les critiques. Idem pour Dickinson quelques années plus tard. Masters & Johnson ont donc choisi de ne parler que de l’orgasme coïtal pour garder une visibilité, tout en concluant que pour la femme, l’orgasme est essentiellement clitoridien. Ils ont démontré que l’orgasme correspond à une brusque accélération du système nerveux autonome accélérateur (orage orthosympathique), dont le brusque doublement du rythme cardiaque, mais cet aspect de leurs travaux est totalement oublié actuellement. »
Vaginal ou clitoridien? Pourquoi choisir?
L’anatomie du clitoris, quasi-inconnue du grand public, veut que plaisir clitoridien et vaginal soient intimement connectés : le gland du clitoris n’est que la partie émergente de l’iceberg, car celui-ci se prolonge en deux corps caverneux enserrant le vagin.
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L’étude de Jean-Claude Piquard vise cependant à détricoter plaisir vaginal et plaisir clitoridien : »Une amie qui connaissait mes travaux a profité du fait qu’elle portait un holter cardiaque (dispositif permettant l’enregistrement de l’électrocardiogramme pendant 24 heures) pour faire l’amour. Elle a vu que la courbe corrobore l’orage orthosympathique pour l’orgasme clitoridien, alors que la fréquence cardiaque reste stable pendant le coït. Nous cherchons à vérifier notre hypothèse : l’orgasme est essentiellement clitoridien (orage orthosympathique), mais alors que ce passe-t-il lors du long plaisir vaginal ? Il y aurait deux grands plaisirs sexuels à la fois distincts et étroitement complémentaires, l’orgasme (clitoridien) et ce que nous nommons la jouissance essentiellement vaginale. Il n’est pas question de les hiérarchiser, ils sont liés, comme boire et manger. Juste les nommer, savoir si on prend la fourchette ou le verre… »
L’étude est en cours et plus d’une cinquantaine d’enregistrements de cardiofréquencemètres ont déjà été réalisés. « Par contre, 3/4 des réponses sont des hommes, les femmes ont donc encore beaucoup de mal à parler de leur plaisir sexuel. La majorité des réponses sont faites avec un cardiofréquencemètre à lecture directe, mais ce n’est pas facile de maintenir son attention sur un écran et d’enregistrer des chiffres en plein orgasme. Et les mesures enregistrées avec smartphone sont incomplètes, nous travaillons à faire un tutoriel pour aider les participants dans le maniement de l’outil. Bien que l’analyse complète de ces premiers résultats ne soit pas encore réalisée, notre hypothèse semble se vérifier. »
« Toutes les portes se ferment »
Travaillant sans financement, Jean-Claude Piquard s’adresse pour l’instant à des gens ayant déjà des cardiofréquencemètres, ce qui risque de biaiser l’échantillon avec une surreprésentation de sportifs. « On étudie un système de prêt mais c’est difficile. Lorsque vous prêtez un livre, est-ce qu’on vous le rend ? Nous sommes deux thérapeutes indépendants. De plus, nous sommes à contre-courant donc toutes les portes se ferment. La gynécologue Odile Buisson, dans sont 1er livre, écrit que lorsqu’elle a commencé à explorer l’anatomie du clitoris par échographie, les portes de la fac de médecine se sont fermées pour elle ! »
Quant à l’orgasme, pourquoi pas en mesurer différents types, comme l’orgasme prostatique chez l’homme, comparé l’orgasme non-prostatique? M’est avis que l’orgasme prostatique est plus intense. « Nous le proposons dans notre formulaire à la rubrique « circonstances de cet orgasme » Cela fait partie des objectifs secondaires. Vue la diversité des comportements humains, il est intéressant scientifiquement de les quantifier. Lors des congrès de sexologie médicale, le terme « orgasme prostatiques » n’est jamais évoqué, sauf dans le traitement des paraplégiques. Donc la médecine sait qu’il existe, mais le cantonne aux handicapés. La médecine sexologique est encore dans une approche nataliste donc uniquement … pénétrative ! »