Une chatte et un tupperware – flickr/alleykitten
Une soirée entre copines où on vend des trucs en plastique qui permettent de ne pas dépérir : et non, ce n’est pas une bonne vieille soirée Tupperware, mais une soirée sex-toys. Fabricants et magasins s’y intéressent et mettent en place des réseaux de vendeuses, « ambassadrices », ou « animatrices ».
Dédramatiser le sex-toy
Ava Oiknin anime le réseau Fun Girls, qui a organisé plus de 5000 soirées en France visant à vendre des produits de la marque Fun Factory. « Et les chiffres grimpent chaque mois ! Les animatrices, les Fun Girls, sont formées gratuitement, à la fois sur l’aspect vente mais aussi sur la sexualité et la pédagogie, deux notions fondamentales dans ce métier. C’est aussi ce qui attire les Fun Girls : ce n’est pas que de la vente. Il y a une véritable implication personnelle, une mission pour diffuser notre message rassurant, ouvert, complice et curieux. La sexualité, c’est joyeux, c’est fun ! Nous ne disons pas à nos clientes ce qu’elles doivent faire ou à quoi elles doivent ressembler, mais implicitement, on leur pose la question de ce qu’elles aimeraient faire, seule ou avec leur amoureux, de leur désir. On a tous parfois un peu peur de se lâcher, de s’autoriser un petit délire avec son partenaire. Mais briser la routine, même le temps d’une soirée, c’est vital pour la vie amoureuse ! »
Selon Ava, ce genre de soirée peut amener des personnes réfractaires à se décrisper par rapport aux sex-toys : « Les ambassadrices sont formées de telle sorte qu’elles expliquent en quoi un jouet peut être utile dans sa vie intime ou encore dans sa vie de couple, mais elles ne font pas de prosélytisme. Le sex-toy n’est pas un objet évident. Et pour certain(e)s, il ne le sera jamais, et cela ne signifie pas qu’ils seront malheureux! Le sex-toy est un objet intime, et il arrive que des femmes se sentent coupables d’en avoir envie par peur de passer pour une coquine ou des hommes peuvent se sentir menacés de concurrence déloyale face à un rabbit ! Mais en petit comité, en vente à domicile avec une animatrice drôle et chaleureuse qui montre comment ça marche, tout le monde se détend et le sex-toy perd son image sulfureuse pour devenir un objet sensuel et au service de son client ! »
Vive la France
Ces soirées sont peut-être un moyen de développer l’utilisation du sex-toy par les français, moins friands d’orgasmes vibratoires que leurs voisins européens. « La France n’est pas la championne du monde des sex-toys, car dans les affaires d’amour, les français sont exigeants, à raison, et parfois un peu… conservateurs. Mais l’amour n’est pas qu’une question de sex-toy. La romance, le jeu amoureux, la séduction, la sensualité sont cruciaux. Et ça, les français maîtrisent pas mal ! Un sex-toy, ça permet faire les choses différemment. On change ses habitudes, on manipule un objet, donc il y a d’autres possibilités, que l’on soit célibataire ou en couple. »
C’est même l’occasion de parler de sex-toys avec un public… inattendu : « Une animatrice nous a raconté l’histoire de la grand-mère d’une cliente, une femme de près de 80 ans, qui est arrivée en plein milieu d’une soirée sans prévenir, et qui ne s’est pas démontée pour deux sous. A la vue de tous ces jouets, elle a soupiré en regrettant de ne pas avoir eu ce genre d’objets du temps de sa jeunesse. Comme quoi ! Ah si jeunesse savait, ah si vieillesse pouvait… »
Un truc pour filles ?
Le Passage du Désir a créé un réseau similaire à celui de Fun Factory, avec sa « Love force » : des filles (70 pour le moment) qui organisent des soirées pour des filles. Et les hommes dans tout ça? Les vendeurs en magasin constatent la même chose : « les filles viennent souvent en groupe pour faire des achats, mais les mecs viennent quasi systématiquement seuls », m’explique Jonathan, vendeur à Paris. Les vendeuses de la « love force » ne disent pas autre chose. Laura Cherfi, qui a déjà organisé de nombreuses soirées, n’en a fait qu’une seule pour hommes. « C’étaient mes amis, j’ai organisé ça avant Noël pour qu’ils fassent des cadeaux à leurs copines ! Mais en général les mecs ont peur de parler de sexualité entre eux. Cette intimité partagée, ça pourrait suggérer une autre intimité entre eux et ça froisse leur virilité. Par exemple, si j’aborde le sujet de la prostate, ils vont se renfrogner, mais vont venir me demander des précisions seul à seul. »
Même chose côté Fun Factory, qui organise des soirées « Mon chéri party » pour s’échanger des tuyaux sur la façon de faire jouir son homme. Et pourquoi pas des « Ma Chérie Party » entre hommes? « C’est notre rêve! Qu’il ne soit pas tabou pour les hommes de se réunir pour parler sexualité plutôt que de forcément parler sport ou travail ! Nous sommes persuadés qu’il y a des tas d’hommes qui adoreraient organiser une « Ma Chérie Party » avec leurs amis – mais les tabous freinent les ardeurs. Ça ne fait pas « mâle » d’avouer qu’on a des choses à apprendre en sexualité dans un pays latin ! Sur 5.000 soirées que nous avons déjà organisées, la présence masculine est très modeste : ils étaient présents dans seulement… 500 soirées dans le cadre de soirées couples. Notre société occidentale valorise la performance, le culte de la perfection et du score, ce qui transforme parfois la sexualité en enjeu social. Notre discours va à contre-sens: il s’agit de parler de liberté individuelle du plaisir, d’apprentissage, de partage, de patience. »