La couverture de la BD « La lesbienne invisible »
Vous aviez peut-être fait l’erreur de rater « La lesbienne invisible », le one-woman show d’Océanerosemarie qui a enchanté les salles de spectacles de France depuis 4 ans. La comédienne hilarante et énergique a adapté, avec Murielle Magellan et Sandrine Revel, son spectacle en bande dessinée, sortie chez Delcourt. Avant une adaptation prochaine au cinéma? J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec elle cet été (ah!, le souvenir d’une terrasse ensoleillée) pour évoquer la lesbienne invisible avec elle.
Après avoir publié sous le nom d’Oshen plusieurs albums musicaux, la comédienne refoulée qu’était Océanerosemarie a créé cette Lesbienne invisible, partant de son expérience. « Être lesbienne, je l’ai d’abord ressenti avant de le comprendre. A 4 ans j’étais amoureuse de ma prof de maternelle, Brigitte, mais je ne me le formulais pas comme ça! J’avais des passions amicales ambigues… A un moment, quand ça se répète, on finit par se comprendre. Mais le manque de figures lesbiennes publiques nous rend tellement invisibles… »
Qu’a-t-elle eu envie de dire? : « Je me suis d’abord dit que je ferais un spectacle sur les hétéros, pour qu’ils sortent en ayant appris quelque chose. Mais en l’écrivant je me suis rendu compte que je le faisais pour les lesbiennes, pour proposer une identification positive. Parce que ça m’a marquée, en tant qu’ado, de ne pouvoir m’identifier à autre chose qu’aux personnages de méchantes psychopathes qu’on a associé aux lesbiennes dans la fiction. La lesbienne invisible, c’est d’abord cette fille, très féminine, loin des clichés de la lesbienne camionneuse, et que personne ne croit quand elle dit qu’elle est lesbienne. Mais c’est aussi une affirmation que les lesbiennes sont tellement absentes du débat public qu’elles n’existent pas. »
Le coming out de Jodie Foster lors de la cérémonie des Oscars 2013 a montré que les Etats-Unis ont avancé sur ce terrain. Et la France? « Les garçons ont fait plus de chemin que les filles, comme toujours ». Pour exemple, on a vu la différence entre le premier mariage gay célébré en grande pompe devant des centaines de caméras à Montpellier, et le premier mariage lesbien passé au second plan.
Pas de figure mignonne et heureuse
Pourquoi ne pas pousser le raisonnement, et affirmer que dans l’amour et le sexe, l’attirance ne dépend pas forcément du genre de la personne mais de ce qu’elle est? Se poser la question : est-ce un organe génital masculin/féminin qu’on rencontre, ou une personne? « Cette remise en cause du genre, c’est l’étape d’après. Aujourd’hui, on a une première chose à faire, c’est être didactique, parler du fait que parfois on peut être complètement homosexuel, et que c’est normal. Aujourd’hui on n’a pas de figure lesbienne mignonne et heureuse. Comme personne ne le faisait, j’ai décidé de le faire, à travers mon spectacle. Il est amusant, dédramatisant, c’est aussi une façon de faire en sorte que ce ne soit même plus un sujet. »
Malgré l’apparent handicap que serait ce sujet de « niche », la lesbienne invisible est tout sauf passée inaperçue. « Le spectacle a été joué 550 fois en quatre ans. J’ai eu le soutien du public, et c’est une belle revanche car malgré ce parti-pris militant difficile, je suis sortie du lot des centaines de one man shows qui se créent chaque année. »
« La vie d’adèle », palme d’or à Cannes, a lui aussi rendu visible une histoire d’amour entre femmes. Petit à petit, les lesbiennes font leur chemin dans la société française. « Même les lesbiennes associent ce mot à un fantasme masculin, c’est un des mots-clés les plus utilisés sur les sites de vidéos pornos. Il est temps de se le réapproprier. »