Noir sanctuaire fait suite à Mortel sabbat des mêmes auteurs. Depuis la disparition de son protecteur, l’agent du FBI Aloysius Pendergast, Constance Greene s’est retirée dans les souterrains de leur manoir new-yorkais. Alors que tout le monde le croyait mort, le frère de Pendergast réapparaît et enlève Constance. Proctor, le majordome de Pendergast, se lance à leur poursuite jusqu’en Afrique. Mais Constance est-elle réellement là-bas ?
Avec Noir sanctuaire, Preston & Child n’en sont pas à leur coup d’essai. Ce roman est le seizième mettant en scène l’inspecteur Aloysius Pendergast. Mais c’est le premier à laisser autant de place au majordome. Ainsi, avec ce thriller, les deux auteurs nous embarquent à nouveau dans une aventure digne de Jules Vernes.
L’imagination prolifique de Preston & Child pourrait paraître loufoque si elle n’était étayée par de réelles connaissances scientifiques. Si le lecteur devine rapidement qui est le coupable, l’intrigue laisse la part belle à de multiples rebondissements. Etre tenu en haleine, n’est-ce pas ce que demande tout passionné de thriller ?
A noter : par certains côtés – intelligence hors norme, humour désenchanté et éducation désuète, les personnages de Preston & Child renvoient un peu à ceux de la série Sherlock.
Extrait (p.15 à p. 18)
Proctor sortit lentement de l’abîme dans lequel il s’était enfoncé et reprit progressivement connaissance. Cette remontée interminable lui fit l’effet d’une éternité. Cette remontée interminable lui fit l’effet d’une éternité. Enfin, il ouvrit les yeux. Ses paupières étaient en plomb et il dut lutter pour ne pas les laisser retomber. Que s’était-il passé ? Il resta un temps allongé sur le sol en balayant du regard le décor de la pièce. Il reconnut son salon privé.
Bien des tâches m’attendent…
Soudain, tout lui revint en un éclair. Il tenta douloureusement de se relever, en vain, rassembla ses forces et réussit cette fois à se mettre en position assise. Il se sentait aussi pesant qu’un sac de farine.
Il consulta sa montre. 11h15. Son évanouissement n’avait duré qu’une demi-heure.
Une demi-heure. Dieu seul savait ce qu’il avait pu advenir dans l’intervalle.
Bien des tâches m’attendent…
Au prix d’un effort héroïque, Proctor se releva en titubant. La pièce se mit à tourner autour de lui et il s’appuya contre une table en secouant violemment la tête, dans l’espoir de s’éclaircir les idées. Il demeura immobile quelques instants, le temps de reprendre des forces, puis il ouvrit le tiroir de la table et en tira un Glock 22 qu’il glissa dans sa ceinture.
La porte de l’appartement était ouverte, laissant entrevoir le couloir qui donnait sur les chambres du personnel. Il s’arrêta sur le seuil, s’appuya contre le chambranle, et s’avança de la démarche mal assurée d’un homme ivre. Parvenu en haut de l’étroit escalier de service, il s’agrippa à la rampe et descendit péniblement jusqu’au rez-de-chaussée. Cet effort tout comme le sentiment de danger qui l’étreignait contribuèrent à aiguiser ses sens. Il remonta un corridor et poussa la porte conduisant aux parties communes de la vieille demeure.
Là, il marqua une pause. Il s’apprêtait à appeler Mme Trask lorsqu’il se reprit. Signaler sa présence de la sorte n’était pas souhaitable. En outre, Mme Trask était probablement déjà partie pour Albany, au chevet de sa sœur malade. Quoi qu’il en soit, ce n’était pas elle qui courait le plus grand danger, mais Constance.
Proctor traversa le vestibule dallé de marbre en direction de la bibliothèque, avec l’intention d’emprunter l’ascenseur permettant d’accéder au sous-sol afin d’assurer la protection de Constance. Il se figea à l’entrée de la pièce en constatant qu’une table avait été retournée, les ouvrages et les documents qui s’y trouvaient éparpillés sur la moquette.
Il évalua la situation d’un rapide coup d’œil. A sa droite, le salon de réception, ses vitrines remplies d’objets insolites, était sens dessus dessous. Le socle sur lequel était posée une ancienne urne funéraire étrusque avait été renversé, l’urne en miettes par terre. L’énorme vase qui trônait en temps ordinaire au centre du vestibule, rempli de fleurs coupées que Mme Trask renouvelait quotidiennement, gisait en mille morceaux sur les dalles de marbre, ses deux douzaines de roses et de lis dispersées au milieu d’une flaque d’eau. A l’autre extrémité du hall, l’une des portes du placard, grande ouverte, était à moitié arrachée de ses gonds, comme si quelqu’un s’y était raccroché alors qu’on l’emmenait de force.
Tout indiquait qu’une lutte terrible s’était déroulée là. Une lutte conduisant de la bibliothèque à la porte d’entrée. Et au monde extérieur.
Proctor traversa précipitamment le vestibule et s’aventura dans la pièce voisine. Sur l’immense table de réfectoire, qui servait jusqu’à récemment aux recherches que consacrait Constance à l’histoire familiale des Pendergast, régnait un désordre indescriptible. Livres et papiers avaient volé dans tous les sens, l’ordinateur était renversé, les chaises pattes en l’air.
Horrifié par ce qu’il découvrait, Proctor perçut alors, venant du dehors, des cris féminins étouffés.
Oubliant son vertige, il se rua, le Glock au poing. Il franchit à toute allure le passage voûté menant au vestibule, écarta la porte d’entrée d’un coup de pied et s’immobilisa sous le porche.
Un Lincoln Navigator aux vitres teintées, moteur au ralenti, stationnait sur l’allée traversant la propriété, le capot tourné vers Riverside Drive. Près de la portière arrière ouverte, il découvrit la silhouette de Constance Green, les poignets entravés dans le dos. Elle se débattait avec l’énergie du désespoir. Elle lui tournait le dos, mais il reconnut sans peine sa coupe au carré et son imperméable Burberry vert olive. Un homme, également de dos, la poussa sans ménagement sur la banquette arrière avant de claquer la portière.
Proctor leva le canon de son arme et fit feu, mais l’homme bondit au-dessus du capot de la voiture et s’engouffra à la place du conducteur sans être touché. La balle suivant ricocha contre les vitres blindées, l’auto démarra sur les chapeaux de roue et s’engagea à toute allure sur Riverside Drive avant de disparaître dans le grondement de son moteur. Proctor eut tout juste le temps de voir la silhouette de Constance se démener à travers la vitre arrière.
Avant de sauter derrière le volant, l’agresseur de Constance s’était retourné le temps d’un éclair. Ces traits fins et marquées, ces yeux de deux couleurs, cette barbe courte, ces cheveux d’un brun tirant sur le roux, ce regard d’une cruauté froide… Le doute n’était pas permis, il s’agissait bien de Diogène, le frère de Pendergast dont il était l’ennemi le plus implacable. Diogène que tout le monde croyait mort, tuée par Constance trois ans auparavant.
Et voilà qu’il refaisait surface, en enlevant Constance.
Diogène affichait une expression si féroce, un air triomphal si terrible que Proctor, en dépit de tout son stoïcisme, en resta un instant désarçonné. Son trouble dura l’espace d’une seconde. Repoussant sa peur, il se lança à la poursuite du 4×4 au pas de course avant de franchir d’un bond la haie de la propriété.
Noir sanctuaire, Preston & Child, éditions l’Archipel 440 pages 24 €
Traduit de l’américain par Sébastien Danchin
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