Valérie Tong Cuong signe ici son dixième roman.
Résumé
Un après-midi d’été, Milo, douze ans, fonce à vélo sur une route de campagne. L’ivresse de la descente, un virage, et c’est la chute.
Tandis que l’enfant se bat pour sa vie, c’est toute sa famille qui vole en éclats. Milo était censé réviser ses cours d’histoire avec sa jeune tante. Que faisait-il sur cette route ?
Prologue
Elle se retourne, sourit, inspire avec lenteur pour souligner l’importance de l’entreprise. Se remet en position, tête inclinée. Prête à partir.
Et puis non.
- Attends, souffle-t-elle, sourcils froncés.
Elle rajuste sa robe à damiers, les champs habillent les collines à perte de vue. Les maïs sont à hauteur d’homme, les tournesols brûlés. Dans deux ou trois jours au plus, les tracteurs déploieront leurs bataillons. Les roues écraseront la terre, arracheront les tiges, broieront les feuilles avec sauvagerie.
- Cinq, quatre, trois, deux, un, décompte Milo avec sérieux.
Marguerite s’élance.
Un battement de cils et déjà, il l’a perdue de vue.
La route serpente et disparaît sur une centaine de mètres dans le sous-bois, réapparait puis s’enfonce à nouveau dans les champs.
Le garçon n’aime pas ce moment où il ne la voit plus, ne l’entend plus. Il se sent seul, vulnérable, minuscule face au monde immobile.
Mais la voici qui surgit, tache rouge et blanche sur le lacet de bitume.
- Deux minutes quarante-six ! hurle-t-il joyeusement, comme si elle pouvait l’entendre.
Peine perdue, elle est beaucoup trop loin.
Elle agite les bras : Allez, Milo, à ton tour, descends !
Alors il enfourche son vélo, un vélo bleu avec des étoiles blanches peintes sur le cadre, il courbe les épaules, contracte ses muscles, murmure pour lui-même, Fonce, mon petit vieux, fonce !
Les joues giflées de vent et de soleil, la nuque moite et la mâchoire serrée, il pédale de toutes ses forces. Il ne s’agit pas de compétition ni de record à battre, seulement de vitesse, d’ivresse, il est saoul sur la petite route de campagne, saoul Milo de désir enfantin, de joie, de légèreté, saoul de bonheur - une seconde avant l’impact, il rit encore bouche grande ouverte en pédalant.
Puis tout se brise.
Mon avis
Plutôt qu’en rajouter sur la façon dont Valérie Tong Cuong a évoqué le cheminement des uns et des autres vers le pardon, j’aimerais mettre l’accent sur le personnage-clé de ce drame familial : Marguerite.
L’auteur a su mettre en scène une jeune femme qui, pour exister aux yeux des autres et survivre aux siens, s’est condamnée à mentir. Ce que je retiens de ce roman, c’est l’angle d’approche de la résilience. Pour survivre, Marguerite s’est inventée une vie factice. Ici, le choc provoqué par l’accident de Milo et l’amour d’un homme l’aideront à oser dire sa vérité, à se voir comme une femme capable de réaliser de belles choses, à vivre, enfin.
Bravo à Valérie Tong Cuong pour avoir su éviter la surenchère ! Et merci pour cette leçon de vie !
Pardonnable, impardonnable, Valérie Tong Cuong, éditions JC Lattès 19 €