Chaque mois, Claude Bard, fondateur et éditeur de La Musardine, livre son humeur du moment, éclairée par quelques conseils de lecture maison.
Les débats sur la question de la prostitution sont l’occasion de dire notre attachement à la liberté de nos choix sexuels, tant qu’ils sont librement consentis. Cela parait une évidence, et pourtant l’assemblée en légiférant de manière brutale préfère le réflexe idéologique à la prise en compte de la complexité sociétale. Par cette loi, le ou la prostitué(e) relève non pas d’une réalité plurielle mais d’une abstraction et il s’agit, imbécile prétention du législateur, de faire le bien contre la volonté des prostitué(e)s et de leurs client(e)s. D’un gouvernement à l’autre, la prostituée et son client échangent leurs statuts de coupables et de victimes, les lois se font et se défont, pâture jetée à l’électorat.
Mais ce n’est pas l’hémicycle qui requiert notre attention, où la quasi absence de débats, le consensus mou, font de cette loi un non-évènement mais bien le débat sociétal qui a eu lieu, révélateur de positions tranchées, de mode d’expression divers, d’exagérations et de crispations, en somme de quelque chose qui ressemble à du vivant.
A cet égard l’opposition entre un courant féministe « pro-sexe » surtout visible sur le net et un courant féministe « traditionnel » qui truste les bonnes pages de la presse permettra d’éclairer peut-être les futurs débats. Camarades, comptez vos troupes ! Nous avons vérifié également que le mauvais goût et la mauvaise foi étaient devenus intolérables à notre société du repli, que le désir, le plaisir, le fantasme paraissaient quantités négligeables quand on parlait de sexualité. A La Musardine, connue pour ses coupables épanchements livresques, on regarde passer les boulets de canon dans le ciel.
Nous renvoyons à nos publications sur le sujet : Le corps et l’argent de Ruwen Ogien ; Prostitution et dignité de Norbert Campagna, en attendant, au mois de mars, la publication de La Pute et le sociologue : un témoignage d’une prostituée libre et heureuse, éclairée par l’analyse de Daniel Welzer Lang.
La figure d’Apollinaire, dont la Musardine fait paraître les œuvres érotiques complètes, sonne étrangement pour nous rappeler à quel point notre époque semble étriquée. Dans sa vie comme dans son œuvre, Apollinaire conjugue l’amour et le sexe avec excès. Il faut de toute urgence lire et relire Apollinaire, ses récits, poèmes et correspondance. Sa liberté, son talent sont des aiguillons pour notre temps.
Claude Bard