La sortie inopinée chez Artus de quatre raretés de Jess Franco, l’enfant terrible du cinéma ibérique, n’est évidemment pas un événement pour le cinéphile lambda. Pour l’amateur de bis, en revanche, il s’agit d’une véritable aubaine, d’autant qu’au milieu de ces perles « introuvables jusqu’alors, figure un authentique chef d’œuvre. Oui vous m’avez bien entendu ! Jess Franco n’est pas seulement un réalisateur de bandes fauchées à base de zoom sur les poils pubiens, comme aiment le claironner certaines mauvaises langues. C’est aussi l’un des créateurs les plus libres et les plus fous de l’histoire du septième art. Et il était temps que la cinémathèque lui rende hommage comme c’était le cas il y a deux ou trois ans au grand dam de certains gardiens du temple comme le critique en béton de Positif, Michel Ciment.
De ses débuts placés sous le signe d’un néo fantastique gothique avec L’horrible docteur Orloff à ses adaptations classieuses de Sade (Eugénie, Justine), en passant par l’excellente comédie d’espionnage écrite par Jean Carrière Carte sur table, Jesus Franco a occupé une place indéfinissable et subversive au sein du cinéma espagnol. Venus in furs peut même être considéré, avec Vampire lesbos, comme le plus beau film de sa longue carrière (plus de 180 longs métrages au compteur). Amateur de polissonneries, nous ne parlerons pas des trois autres sorties d’Artus : Plaisir à trois, Célestine bonne à tout faire et La comtesse perverse.
Sur une plage déserte, Jimmy Logan, un trompettiste de Jazz, découvre le cadavre d’une femme noyée. Cette femme, Wanda, il l’a croisée la veille dans un club où il jouait. Instantanément, il était tombé sous le charme de cette splendide silhouette. Il l’avait suivi et, subjugué, il l’avait regardé se faire violer par deux hommes et une femme. Le lendemain, le musicien part pour Rio. Il rencontre Rita, une chanteuse noire. Le fantôme de Wanda apparaît, vêtue de fourrure, déterminée à se venger.
Il s’agit d’une histoire somme toute classique, mais filmée comme une sorte de rêve éveillé, un trip onirique où Franco prends un malin plaisir à perdre le spectateur entre fantasme et réalité. De l’aveu même du cinéaste, Venus in furs a été écrit à la manière d’une longue pièce musicale improvisée, de jazz voire de free jazz. Le sens importe moins que les sensations procurées par les magnifiques images. Même si le film est bien construit, sans incohérences notoires, avec un épilogue vertigineux qui boucle la boucle, le plaisir immédiat provient de sa mise en scène aérienne et vaporeuse, dont l’audace graphique rappelle parfois les premiers films muets de Buñuel. En dépit d’une voix off omniprésente, Venus in furs pourrait se visionner sans une ligne de dialogue.
Transposition surréaliste et érotique du mythe de la veuve noire cher au thriller hollywoodien des années 40/50, Venus in furs, qui s’appelait d’ailleurs à l’origine Black angel, n’est pas l’adaptation du court roman érotique de Leopold von Sacher-Masoch qui venait alors d’être transposé à l’écran par l’italien Massimo Dallamano. Il s’agit d’une véritable expérience cinématographique, une immersion totale au cœur des aspirations fétiches du cinéaste alors en pleine possession de ses moyens. Délires saphiques et sadiens, jeux de miroirs, plans quasi-picturaux avec ses comédiens immobiles comme des mannequins, musique psyché de Manfred Mann, récit gigogne alternant passé, présent et futur. Du grand Jess Franco qui servira de modèle, d’inspiration avouée ou non à des auteurs comme Ferrara ou Lynch.
Bref une excellente introduction dans l’univers fou et baroque de l’espagnol, avec en prime un casting quatre étoile avec Klaus Kinski, Maria Rohm, Denis Sanders et Dennis Price grand acteur british vu dans le génial Noblesse oblige.
(GB/RFA/ITA – 1969 ) de Jess Franco avec Klaus Kinski, Maria Rohm, Margaret Lee, James Darren, Barbara McNair. DVD 9 – PAL – Zone 2. Format : 1.78 original 16/9 compatible 4/3. Durée : 82 minutes. Langues : anglais Sous-titres : français
Bonus
La Venus en fourrure, par Alain Petit
Diaporama d’affiches et photos
Bandes-annonces de la collection Jess Franco